[Arcelor] Procès de l'explosion de la cokerie d'Ougrée by Hubert Hedebouw Thursday, Feb. 19, 2004 at 12:29 PM |
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La direction de Cockerill Sambnre essaie de nier sa responsabilité dans l'explosion de la cokerie … Compte rendu proces cokerie 16/2/04
Début janvier 2004 a débuté le procès de l'explosion de la cokerie d'Arcelor Wallonie à Ougrée. Le 16 février nous étions à la 4° séance.
Notre pression lors de la séance précédente a porté ses fruits: on vient d'installer une sono! La publicité des débats n'est plus une fiction!
La séance commence par de nouvelles déclarations "parties civiles". Le procureur dénonce que M. Garet, experte du service public fédéral, a été agressé et menacé dans les toilettes du Palais de Justice. Il promet la taule pour l'indélicat s'il venait à être identifié (LM 17/2).
On commence alors l'interrogation de M. Jeusette, qui cumulait deux fonctions légales jusqu'à sa prépension récente: conseiller en prévention pour les usines de Liège de Cockerill Sambre et dirigeant du Service Interne de Prévention et de Protection (SIPP) pour Arcelor Liège et Charleroi. Il trouve que son service SIPP avait l'encadrement suffisant, comparable à la structure chez Sidmar, par ex.
On lui demande si son service a été invité à l'ouverture du chantier. Question parfaitement stérile puisqu'il n'y avait aucune obligation d'inviter le SIPP. S'il n'y avait pas obligation, on a difficile de s'imaginer quelle intervention du SIPP aurait pu être essentielle pour éviter la cata. Sauf celle d'exiger l'application partout de la consignation unique. Ce que le SIPP n'a pas fait; que du contraire, puisque ce service a menti sur la généralisation de la consignation dans tout le bassin.
M. Jeusette brouille les pistes entre consignation (une procédure contraignante et formalisée) et ce qu'il appelle les 6 règles d'or (une série de principes gégénarux comm par ex.: couper toutes les énergies; délimiter la zone de travail). S'il fallait le croire, la consignation, c'est les 6 règles d'or avec un peu de papier autour.
N'aurait-il pas compris qu'on a dû passer à une consignation formalisée parce qu'il y avait trop de floches avec ces 6 règles? Qu'il explique pourquoi ses six règles n'ont pas été respectés! Est-ce que les deux contremaîtres qui se sont disputés pour signer un bête permis de feu, ou n'importe qui d'autre dans la ligne hiérarchique, auraient pris le risque de travailler sous gaz s'ils avaient dû signer un bon vert pour commencer les travaux? La consignation, ce n'est pas les 6 règles avec un peu de paperasses! C'est la sécurité élémentaire dans une entreprise qui passe aux nouvelles organisations du travail, avec la suppression des hommes de métier et la mise en place d'intervenants occasionnels qui ne maîtrisent plus les tenants et les aboutissants d'une situation.
M. Jeusette a néanmoins dû reconnaître qu'avec une consignation on aurait pu éviter l'accident. "Si la procédure de consignation, qui n'est pas appliquée en tant que telle à la cokerie, avait été respectée, l'accident du 22/10 aurait pu être évité, même si l'on n'est pas à l'abri d'une soudaine arrivée de gaz" (LM 17/2/04). Cette "soudaine arrivée de gaz" est une restriction ridicule. Pourquoi une vanne fermée laisserait repasser brusquement du gaz si on a contrôlé que c'est de l'azote qui est dans les conduites? Et M. Jeusette ne cite qu'une de ses fameuses six règles. Si on avait fait une consignation dans les règles, on n'aurait pas fait des essais avec du gaz ternaire (un mélange gaz naturel + air) au moment où l'on posait le plein joint; et si on avait délimité la zone on n'y aurait pas amené des jeunes en formation, et on aurait fortement limité le nombre de blessés.
Jeusette a parlé des 6 années sans accidents mortels, début des années 90. Trouve-t-il normal, en tant que responsable de la sécurité, n'avoir aucune hypothèse plausible sur la série d'accidentés mortels qui ont suivi l'arrivée d'Usinor en 98, puis Arcelor, en 2001? La seule chose qu'il sait est qu'il n'y a aucun lien entre les plans de restructuration H2000 et Delta et cette série lugubre! Sur base de quoi peut-il dire ça?
Sur la non implantation de la consignation à la cokerie, la direction générale aurait proposé une démarche à toutes les divisions sans obliger personne! On a menacé de licenciement des gens qui travaillaient sans casque, mais pour la consignation c'est la république libre d'Outremeuse! Toujours selon l'ex big boss de notre sécurité, coke fonte a tenu à continuer la consignation par zones, parce que l'outil fonctionne en continu et qu'il n'y a jamais d'arrêts. Jusqu'au 22/10/02 sans doute?
Selon Jeusette, vers 2000, il commence à y avoir de la pression et la cokerie s'y met. Selon lui, au moment de l'explosion, nous étions dans une phase transitoire.
On dirait qu'il a senti le vent du boulet et qu'il essaie de se couvrir. En effet: la pression y était. Mais ce n'est pas le SIPP qui a mis la pression! En 2000 une émission TV basé principalement sur des témoignages réunis par les médecins du PTB-MPLP dénoncent l'insécurité et la mort de Giovanni CHIANETTA. Comment G. Jeusette peut-il prétendre qu'on était dans la phase transitoire à la cokerie? Il n'y avait même pas des plans mis à jour lors de l'explosion! Or, c'est quand même par là qu'on commence une consignation bien conçue, non?
Jeusette réussit à même énerver un des trois juges qui n'avait pas encore ouvert la bouche depuis le début du procès (on avait d'ailleurs pris son micro pour dépanner un des micros baladeurs tombés en panne). Celui-ci lui demande, sur un ton agacé, comment il peut prétendre une non application d'une procédure qui n'existait même pas!
En conclusion: lors de la séance précédente, tout le monde a compris qu'on a travaillé sciemment sous gaz. Lors de cette séance-ci, on a compris qu'à la cokerie il n'y avait aucune procédure valable pour arrêter l'outil en sécurité.
Demain il faudra démonter que cette situation a été créée par la direction générale. Elle a supprimé deux fois de suite 25% du personnel; elle n'a pas imposé la mise en place d'un système plus contraignant de consignation. Or, ce système était essentiel et vital pour travailler dans ces nouvelles organisations. Est-ce que M. Jeusette aurait pu nous dire plus sur cette responsabilité? A mon avis oui. Mais au lieu de solliciter le témoignage de quelqu'un qui essaye de se débiner et de protéger la direction, on pourrait aussi soumettre à la cour et à l'opinion publique ce qui s'est passé au niveau SIPP et CPPT en réaction à cette série d'accidents mortels dont l'explosion à la cokerie n'est malheureusement pas resté le point final.
depuis 1995 la direction de C-S prétend avoir mis en place un système de consignation!
Début des années 90 Cockerill Sambre on lance une procédure de mise en sécurité de l'outil, appelé consignation. A partir du plan annuel 1996 les responsables sécurité crient victoire, jusqu'en octobre 2002...
Dans le projet Plan de sécurité 1997 (un document à valeur légale) nous retrouvons sous le pt 2.1. Consignation unique: "la généralisation sur tout Liège est terminé comme décidé; Formaliser les modes opératoires type AQ; Rigueur dans l'application de la méthode (annexe rapport PPT branche LàF 5.12.96).
A propos de l'état d'avancement du plan SHE 2000 pour la consignation M. Jeusette déclare qu' "aujourd'hui, il est plus rare qu'un accident survienne faute de consignation". Mais dans les documents annexées nous apprenons sur la Consignation à Coke Fonte Liège: "Améliorations significatives après l'audit Service Interne de Prévention et de Protection (SIPP, avant SHE) début 2000: néant. N'existe toujours pas: MO coupures (DL5 et cokerie); contrôle des coupures; local spécifique à la cokerie" (CPPT Lg Ch. 16.11.2000).
On reprend, comme si de rien était, la consignation des engins dans le Plan SHE 2001: "Finaliser dans tout Cockerill Sambre la consignation unique; Faire respecter les règles de consignation; Organiser dans les secteurs des audits réguliers (auto-évaluation); Réaliser un audit sur le système de fonctionnement par le Sipp juin 2001".
(plan SHE 2001-19.12.2000).
Le pt.9 du CPPT du 4/11/01 est intitulé: "Mettre la consignation à l'ordre du jour de la commission paritaire de sécurité: fait". M. Jeusette précise que cela a été fait dans tous les Centres Opérationnels (COE); Coke Fonte a développé le sujet lors du débriefing des travaux de congés
La consignation des engins est repris de nouveau dans le Plan Sécurité 2002 ("Respect de la consignation unique; Réaliser un rapport après chaque arrêt programmé; Réaliser un audit sur le système de fonctionnement par le SIPP") (slide CPPT Liège 20.12.01).
Après l'annonce, dans le Plan annuel 1996, que "la généralisation de la consignation unique sur tout Liège est supposé terminée", il y aurait pourtant matière à se poser des questions sur la non réalisation de ces objectifs, non? Ces questions, J. Baldo (FGTB) les pose dans une lettre de à M. Jouet, dir.gén.adjoint:
"Je me pose beaucoup de questions sur la politique de sécurité et sur l'engagement pris par la direction générale du groupe. Le projet de plan de sécurité 2002 est une copie de 2001. Toute une série de problèmes chroniques reviennent chaque année et ne sont toujours pas réglés. Vous dites que nous sommes en progrès, mais nous avons eu à déplorer 3 tués depuis le début de 2001".
A partir de 2000, le SIPP prétend faire des audits.
Début 2000 un audit du SIPP constate qu'il n'existe toujours pas de mode opératoire pour les coupures au DL5 et à la cokerie, ni de contrôle des coupures ni de local spécifique à la cokerie.
Le Plan SHE 2001 annonce l'organisation dans les secteurs d'audits réguliers. Selon l'audit sur l'avancement de la consignation à Coke Fonte Liège il y aurait "des améliorations sur les modes opératoires - information et formation - préparation de la coordination - Coupures (formation, repérage, MO, listes, contrôle) - blocages - balisages. A Améliorer: Locaux spécifiques - panneaux de gestion bons - utilisation du bon - contrôle de fin de chantier" (SIPP 15/6/2001 annexe 8.1).
Le 4.11.01 le SIPP effectue un audit système sur les anomalies par rapport à ce que doit être la consignation unique. Le SIPP prétend au CPPT Liège 20.12.01 "réaliser un audit sur le système de fonctionnement".
Quelle suite ont eu ces audits? Nous demandons que la direction soumet au tribunal les preuves de ces audits qu'elle prétend avoir organisé, et les suites qui ont été données.
Quelle est la situation réelle?
Dans le dossier pénal 61/5 nous retrouvons une copie d'un document sur la consignation à la cokerie datée du 15.02.00. Il est titré "Procédure de consignation: information et mode d'emploi". Dans les "généralités", le document explique qu' "un système de bons intitulés 'demande de consignation' est mis en place. L'important est de savoir comment utiliser ce bon, et quand. Tel est l'objet de ce document". Cela revient à réduire la consignation à quelques paperasses. C'est la thèse que l'ancien chef du SIPP M. Jeusette défend ce 16/2/2004 au tribunal. On voit en octobre 2002 que même un permis de feu est considéré par les responsables comme une tracasserie inutile….
Toujours dans le dossier (Pv 45/101) nous retrouvons le témoignage du CTM service électrique Andrulli F.: "Notre système de consignation est mis en place depuis 15 ans et n'a jamais créé des soucis. Au niveau électrique, on a toujours un écrit de consignation. Toutes les procédures de consignation ont été faites en 92 et 93 sous la surveillance d'un des ingénieurs. Pour les autres énergies, en ce qui concerne les coupures, je ne connais pas de procédure écrite de consignation mais je sais qu'il existe des permis de feu. Il y a un coordinateur de consignations. Il s'agit de quelqu'un qui centralise les demandes. Le livre de consignation de présence est contresigné par le coordinateur. Le coordinateur donne son accord pour les coupures (bon triple exemplaire)".
D'abord, arrêtons nous un peu sur la phrase "notre système de consignation est mis en place depuis 15 ans et n'a jamais créé des soucis". Ceci n'est pas un reproche au CTM, mais c'est significatif pour le climat sécurité à Cockerill Sambre: comment peut-on dire ça dans un secteur qui a connu deux morts sur deux ans de temps (JM Phillips et Lambert Randaxhe)? Ensuite, M. Andrulli nous apprend que la mise en place d'un système au niveau électrique a coûté deux ans, et la supervision d'un ingénieur. Or qu'au tribunal on le présente comme si le 21 octobre au soir on aurait pu faire une consignation convenable pour le lendemain, à partir d'un système inexistant! Et enfin, M. Andrulli nous apprend que la consignation pour les énergies autres qu'électrique est inexistante. A la cokerie, la consignation se réduit presqu'à un cahier de présence!
Evidemment, ces extraits de pv ne sont qu'un pâle reflet de la réalité sur terrain. Nous sommes même étonnés du peu de zèle montré dans l'exploration de cette piste par le parquet. Dans ce sens-là il serait intéressant d'inviter quelques travailleurs pour venir expliquer la réalité sur le terrain aux juges…
Nous avons un aveu malheureusement tardif, dans un rapport CPPT du 24 mars 2003, six mois après l'explosion: " Dans les deux mois les conditions seront réunies pour l'application intégrale de la consignation unique". Dix ans après le lancement, et dix morts plus tard… on demande encore deux mois supplémentaires....
"M. HAUTECLER précise que tous les travaux entrepris sous le leadership du Bureau d'Etude dans le cadre de la reconstruction de K1 K2 le sont dans le cadre d'une consignation de ce type. Il est vrai qu'à la cokerie, pour formaliser la consignation unique de façon précise, un certain nombre de travaux préliminaires devaient être faits (plans, schéma, repérage physique des installations.).
Ces travaux sont en bonne voie, les documents ont été collationnés, la conformité par rapport à l'installation a été vérifiée, le Bureau d'Etude est en train de finaliser tous les plans remis à jour et l'identification sur le terrain est en cours. Toutes les conditions seront réunies dans les deux mois pour l'application intégrale et précise du formalisme de la consignation unique". (24/03/2003).
Nous ne pouvons évidemment pas nous arrêter à la responsabilité du SIPP et du CPPT.