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Chronique du FSM de Bombay
by G. Pleyers (transmis par JCC/RAGe lg) Tuesday, Jan. 20, 2004 at 1:39 PM

Geoffrey Pleyers est actuellement à Bombay (Inde) où il assiste, dans le cadre de ses travaux, au Forum social mondial qui débutait ce 16 janvier. Il nous livre ici ses premières observations

15 janvier

C'est ce 16 janvier qu'aura lieu en soirée l'ouverture officielle du quatrième Forum Social Mondial (FSM) à Bombay, en Inde. Mais aujourd'hui déjà, une importante réunion du Conseil International du FSM s'est tenue et a été suivie par différents groupes de travail (stratégie, contenu, élargissement). La plupart des leaders du processus du FSM étaient présents, notamment François Houtart et Eric Toussaint au niveau belge.

Le site est désormais prêt à accueillir les 75 à 100 000 participants.

Des centaines de jeunes Indiens se sont portés volontaires et les Dhalis(intouchables) ont prévenu que 32 000 ( !) d'entre eux arriveraient dès demain. Mais le 16 sera réservé à l'ouverture officielle, somme toute d'un intérêt limité. Les milliers de débats commenceront le 17. Par contre, dès aujourd'hui, cet aspect plus informel et pourtant déterminant du forum a commencé : les rencontres et les échanges entre des militants du monde entier. Sur ce point, les apports des militants indiens sont particulièrement attendus.

Mais que peut-on attendre de ce quatrième forum ? Certes, l'apport important des Indiens et des Asiatiques aux mouvements sera une nouveauté. Mais le forum n'est-il pas devenu un lieu routinier ou l'élite des mouvements sociaux internationaux se rencontre ? C'est sans doute l'un des aspects de ces réunions internationales qui sont loin d'être accessibles à toutes les bourses. Heureusement, ce n'est pas le seul.



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16 janvier 2004

Le coup d'envoi du quatrième FSM sera donné ce soir vers 17 heures devant plusieurs dizaines de milliers de personnes lors d'une session pleinière au cours de laquelle s'exprimeront des orateurs indien, algérien, britannique, iranien, irakien et brésilien.

A quelques heures de cela, le site fourmille déjà et les stands sont prêts. Si aucune activité officielle n'était programmée aujourd'hui, divers groupes et réseaux ont profité de la journée pour se réunir. C'est notamment le cas du Réseau international des mouvements sociaux dont la dernière réunion avait eu lieu au FSE de Paris. De nombreux réseaux thématiques se sont déjà retrouvés comme Jubilé Sud et le CADTM en ce qui concerne la dette du Tiers Monde.

Les Belges se sont quant à eux fixé rendez-vous à 19h dans l'hôtel de la CSC qui n'est guère éloigné du site à l'echelle de Mumbay bien que le trajet nécessite près de 45 minutes. Comme lors des derniers rendez-vous, Elio Di Rupo et quelques autres élus devraient y être présents aux côtés des syndicalistes et des représentants des ONG qui forment le gros des troupes altermondialistes belges présentes aux différents forums internationaux. Les grandes confédérations syndicales internationales achèvent quant à elles leur forum qui s'est tenu ces deux derniers jours. Mais la distance entre les altermondialistes et des instances syndicales telles que la CES demeurent énormes, comme l'a récemment illustré le FSE parisien.

La délégation belge semble illustrer quelques-unes des caractéristiques de l'altermondialisme international dans notre pays. Les acteurs dominants lors de chaque réunion internationale sont les deux syndicats et un ensemble d'ONG tiers-mondistes. On peut ainsi s'étonner du poids de groupes intéressants mais restreints, seuls représentants belges dans le conseil international du FSM. Cependant, Eric Toussaint (CADTM) et François Houtart (CETRI) sont parvenus au fil des ans à tisser un impressionnant réseau international et se sont hier encore distingués par leurs contributions intéressantes au sein du conseil international. A côté d' eux, Oxfam Belgique est également très mobilisé depuis le second FSM à Porto Alegre. L'an dernier, il avait été le quatrième principal contributeur (un million de dollars) au FSM, seulement précédé par deux fondations (dont la fondation Ford) et Oxfam international. Inventeur du terme même d'altermondialisation et personnage clé de ce mouvement au niveau belge, Arnaud Zacharie, un jeune liégeois est quant à lui passé il y a un an du CADTM d'Eric Toussaint au Centre National de Coopération au Développement. Indirectement, l'Etat belge, via sa coopération au développement est donc le principal financier de l'altermondialisation internationale en Belgique. Il a permis de développer dans notre petit pays quelques-uns des acteurs importants de cette mouvance.

Au fil des ans, le FSM, d'abord porté principalement par des mouvements sociaux et divers réseaux d'ONG internationales, a progressivement été davantage influencé par les ONG seules capables de dégager les moyens nécessaires pour suivre ces réunions internationales qui se multiplient. Il faut donc se poser la question de l'impact concret de ces grands rendez-vous. Certes, ils permettent de lancer une dynamique sociale parfois impressionnante dans le pays organisateur et permettent de mettre en exergue quelques-uns des thèmes clés de l'altermondialisation dans la presse. Mais ils épuisent également les organisateurs qui consacrent des mois à l'organisation de ces événements plutôt qu'en développant leurs objectifs prioritaires respectifs.

S'il faut être conscient de ces limites et du risque d'institutionalisation croissante des altermondialistes internationaux, il faut également souligner l'importance du chemin accompli en quelques années seulement. Une réelle coordination existe entre divers mouvements internationaux et les échanges culturels se sont multipliés. Petit à petit, un certain nombre d'initiatives et d'alternatives émergent, donnant une base plus solide à cette idée qu'un autre monde est possible, différent du monde dominé par la globalisation néolibérale des années 1990 mais aussi de la logique de guerre qui anime les extrémistes de tout bord et particulièrement G.W. Bush, rapidement devenu une cible centrale pour les altermondialistes. Mais pour les Zapatistes comme pour la coordination altermondialiste liégeoise, d'autres Mondes sont possibles plutôt qu'un seul modèle à suivre par tous. Tel sera l'enjeu de quelques-uns des milliers de débats qui animeront le FSM de Bombay.



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17 janvier 2004

Après une soirée consacrée à l'inauguration officielle, c'est ce 17 janvier qu'a réellement commencé le quatrième FSM. Plus de 300 conférences ou séminaires se sont déjà déroulés dans ce site unique qui a accueilli près de 80.000 personnes et dont les rues ne désemplissent pas. Si l'ambiance est studieuse dans les halls et les tentes aménagées pour les conférences, elle est particulièrement festive dans les rues où se succèdent les groupes qui chantent, dansent ou jouent leur pièce de théâtre de rue. L'aspect culturel est d'ailleurs bien plus présent que lors des forums précédents puisque 1500 artistes, poètes, dramaturges et metteurs en scène sont attendus, qu'un festival réunit 85 films et que 150 représentations artistiques sont officiellement prévues, sans compter les milliers de chants et danses populaires improvisés.

2660 organisations venant de 132 pays sont inscrit à ce forum dont l'organisation est supervisée par un comité indien réunissant près de 200 associations. 1200 conférences réunissant chacunes entre quatre et une dizaine d'orateurs sont prévues en quatre jours, le dernier étant consacré à une manifestation. Si l'essentiel se passe en anglais, 13 langues sont officiellement parlées (hindi, marathitamil, telugu, bengali, malayalam, espagnol, anglais, français, coréen, bahasa, indonésien, thai et japonais) et une traduction est assurée dans les principales salles.

A côté et en parallèle de ce FSM, un camp de jeunes espère réunir une dizaine de millier de participants à une douzaine de kilomètres du site du FSM (20.000 jeunes y avaient participé l'an dernier) alors que le Forum syndical s'est déjà tenu et que le forum parlementaire s'ouvrira le 19 dans un luxueux hôtel à côté du site du FSM.

Juste en face de ce site se tient une initiative concurrente et opposée au FSM : Mumbay resistence 2004. Elle réunit entre 1000 et 1500 personnes dont une très grande majorité d'indiens et quelques curieux venus du FSM pour observer cet étrange voisin. Si certains points de divergence semblent irréductibles (comme la participation de groupes possédant des factions armées dans Mumbay resistence), ce forum contre le forum pourrait cependant avoir le mérite de pointer quelques-unes des questions importantes que doit se poser le mouvement altermondialiste, telles que le poids respectif des ONG et des mouvements sociaux, le financement du forum par des fondations ou l'absence de base sociale de la majorité des acteurs présents dans le forum. C'est cependant loin d'être le cas de tous puisque Via Campesina, l'un des principaux acteurs de ce forum depuis son origine, possède plus de 20 millions de membres à travers le monde. Si des mouvements sociaux intéressants composent les forces vives de Mumbay Resistence, les principaux leaders semblent provenir de mouvements maoïstes et/ou staliniens. Plusieurs Européens y participent, parmi lesquels des Grecs et des membres du PTB.



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18 janvier

Si les immenses salles prévues pour les grandes conférences ne se remplissent guère et si de nombreux ateliers ne rencontrent pas le succès escompté (d'autres font salle comble), les rues du 4e FSM ne désemplissent pas. Des dizaines de manifestations les parcourent simultanément et la cohue est impressionnante. Pour les étrangers, il est souvent difficile de comprendre tous les enjeux soulevés par ce forum auprès des mouvements indiens. Néanmoins, quelques discours sont particulièrement intéressants. Parmi les thèmes mis en exergue par les indiens, on trouve évidemment les castes, mais aussi les travailleurs sexuels, la violence contre les femmes, les sans logis, les sans terre, ... le réseau No Vox qui réunit des SANS de diverses régions du monde depuis le FSM 2003 et qui avait été très actif au FSE de Paris.

Peu après l'ouverture du forum, une cinquantaine de Belges présents au forum se sont réunis dans un hôtel situé à 45 minutes du site. Outre les délégations importantes des deux syndicats (une quarantaine de personnes en tout), divers ONG et des élus étaient également présents (notamment trois parlementaires Ecolos, Elio Di Rupo, quelques élus PS).

Dès hier soir s'est tenue une séance de l'assemblée des mouvements sociaux et des activistes, qui émet chaque année une déclaration. Sa rédaction a été entamée mais gageons que les négociations entre ces multiples groupes ne seront guère plus aisées que les années précédentes. Côté liégeois, Eric Toussaint est l'un des acteurs clé de ce groupe qui travaillera au cours des trois prochains jours. L'assemblée des mouvements sociaux se réunira chaque soir de ce forum. Force est de constater que les Indiens y sont cependant encore peu intégrés.

L'un des problèmes majeurs de ce forum est celui des traductions. Les conditions techniques sont souvent peu propices à des échanges et bon nombre d'Indiens présents ne parlent pas ou peu anglais. Les Latino-américains sont quant à eux assez peu représentés, peut-être moins nombreux encore que les Africains qui ont pu compter sur le financements des ONG occidentales. Par contre, les Américains sont très présents. L'an passé, ils constituaient déjà la première délégation étrangère, ce qui devrait être encore renforcé cette année. Les ONG liées a l'économie solidaire et au commerce équitable renforcent elles aussi leur place d'un forum à l'autre. 25 stands sont par exemple occupés par OXFAM alors que le programme de l'économie solidaire réunit une trentaine de conférences.

L'une des grandes conférences de la matinée était consacrée au lien entre mouvements sociaux et partis politiques, question oh combien universelle... Des orateurs indiens, nicaraguayens, italiens, chilien (le président de l'internationale socialiste), français (une députée européenne des Verts), bolivien et brésilien (un ministre du Président Lula venant de Porto Alegre) se sont succédé a la tribune. Si le Brésilien n'a que tenté de défendre le bilan d'un an de pouvoir du Président Lula et que d'autres orateurs n'ont pas été plus innovants, des questions de fond ont néanmoins été posées. Beaucoup en appellent à « repenser la politique », à « changer la manière de faire de la politique pour changer le monde ». Mais les différences culturelles sont évidemment énormes sur des questions telles que le lien entre les mouvements et les partis ou la démocratie représentative. Dans ce dernier débat, de nombreux Indiens défendent par exemple les vertus de la démocraties représentatives alors que l'orateur bolivien, l'un des acteurs des mobilisations majeures qui ont secoué ce pays en septembre-octobre 2003, expliquait dans un bref entretien à la suite de son exposé : « Je ne crois pas du tout en la démocratie représentative. Qui peut représenter ma faim ? Qui saura parler à ma place quand je n'ai rien à manger ? ». Plus que des réponses, ce sont ainsi avant tout des dizaines de questions que soulèvent les participants du FSM.

Dans cette cohue indescriptible où se mélangent les langues et les couleurs des peuples de la planète, les participants nouent entre eux des échanges qui peuvent sembler surréalistes. Que dire par exemple d'une discussion en espagnol entre un liégeois, deux chinois, un nicaraguayen du Front Sandiniste, un Bolivien et un Italien ? Plus qu'à Porto Alegre encore, c'est dans les échanges informels et les rencontres entre participants que l'essentiel se passe à Mumbay.

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Voir également le "Petit Guide pratique du FSM": http://jcc.lautre.net/article.php3?id_article=536

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Geoffrey PLEYERS est diplômé en sociologie et aspirant FNRS au service de Sociologie du développement de l'ULg. Il réalise actuellement sa thèse de doctorat sur la « construction et la signification du mouvement altermondialiste », en co-tutelle à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris et à l'Université de Liège, sous la direction des professeurs M. Poncelet et M. Wieviorka. Il a entrepris ses recherches sur les mouvements altermondialistes depuis cinq ans, surtout à Liège, Paris et Mexico ainsi qu'au Nicaragua, au Costa Rica, en Argentine, en Espagne et en Italie. Il a participé aux quatre premiers Forum sociaux mondiaux. Il est déjà l'auteur d'une quinzaine d'articles de vulgarisation et de huit articles scientifiques sur les mouvements altermondialistes et le commerce équitable.

Propagande ?
by Tom Tuesday, Jan. 20, 2004 at 1:57 PM

Geoffrey Pleyers écrit "Petit à petit, un certain nombre d'initiatives et d'alternatives émergent (...)" mais il n'en cite aucune. C'est du bla-bla ce texte, et quand on l'a lu on comprend pourquoi les éditeurs ont cru bon de conclure le texte par le CV de l'auteur.

Désolé, mais dans le monde d'aujourd'hui où le savoir est accessible via Internet, il ne suffit plus de se présenter comme un spécialiste pour avoir du crédit : il faut le prouver.

Or, ce texte est faussement critique (quand il l'est). Ca ressemble très fort à de la propagande.

Super.....
by Ben Tuesday, Jan. 20, 2004 at 11:19 PM
djoutche@hotmail.com

“Si des mouvements sociaux intéressants composent les forces vives de Mumbay Resistence, les principaux leaders semblent provenir de mouvements maoïstes et/ou staliniens.”

Génial : les gentils altermondialistes sont Di Rupo, le CADTM et les méchants c mumbai resistance .....j’entends déjà d’ici certains au prochaines élections ( belge ) parler d’union de la gauche...Mais comment serait ce possible de travailler avec des gens qui vous crachent constamment dessus? Les altermondialistes cool et branchés qui font des réunions avec Di Rupo dans des hotels devraient appliquer ne fut ce qu’une fois ce qu’ils pronent si souvent : le respect et la tolérance de l’autre ( en l’occurence ici “l’autre” ce sont ceux qui se déclarent anti capitalistes mais non trotskiste ou anarchiste). Mais je pense qu’ils en sont incapables.


Pour aller voir les méchants vilains de mumbai résistance :

mumbairesistance.org

ben voyons ...
by cocoboy Wednesday, Jan. 21, 2004 at 9:46 AM

Si tu prends comme une attaque le fait que les leaders de Mumbai Resistance soit maoistes et staliniens, c'est ton prob. Les faits sont pourtant ceux-là.

Quand aux imbécilités sur l'admiration pour Di Rupo and co de l'auteur ou des types qui transmettent c'est du plus haut délire.