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Collectif contre les expulsions: condamnations!
by Henri Wajnblum (posted by raf) Thursday, Jan. 08, 2004 at 2:33 PM
daniel.liebmann@skynet.be

La mort de Semira Adamu… Un simple accident ! Les inculpés du Collectif contre les expulsions… généreux mais néanmoins condamnés !

Quatre des cinq gendarmes inculpés pour la mort de Semira Adamu, étouffée
par un coussin le 22 septembre 1998 lors d'une tentative d'expulsion
forcée, ont donc été condamnés, le 12 décembre dernier, à des peines
d'emprisonnement avec sursis de trois ans… Douze mois pour trois d'entre
eux et quatorze pour l'officier chargé d'encadrer l'opération de
rapatriement. Ils devront en outre payer des dommages et intérêts aux
parties civiles, de même que l'Etat belge qui comparaissait en tant que
responsable des cinq gendarmes inculpés. L'un d'entre eux, chargé de tenir
les passagers "trop curieux" éloignés de la scène, a quant à lui été
acquitté.

Les parties civiles n'en espéraient pas tant après que le ministère public
ait déclaré ne pas s'opposer à une suspension du prononcé. Aussi se
sont-elles déclarées satisfaites du jugement, fort détaillé au demeurant
quant aux responsabilités des prévenus.

Il n'empêche que ce jugement laisse un arrière-goût amer. En effet, n'ayant
été reconnus coupables "que" de "coups et blessures involontaires ayant
entraîné la mort sans intention de la donner", les gendarmes condamnés
pourront dormir la conscience tranquille (pour autant qu'ils aient jamais
eu un problème de ce côté-là) puisque la mort de Semira Adamu ne relève
désormais plus, en droit, que du simple accident, malheureux certes mais du
simple accident tout de même !

Et ce qui nous reste le plus en travers de la gorge, c'est la
stigmatisation dont le Collectif contre les expulsions a été l'objet dans
les attendus, montré du doigt pour avoir donné des "informations erronées"
à Semira Adamu. Il lui aurait en effet affirmé que si elle parvenait à
s'opposer à son expulsion, elle pourrait rester en Belgique. Or, jamais, au
grand jamais, le Collectif n'a donné de tels espoirs aux détenus des
centres fermés, pas plus à Semira qu'à d'autres. Ce que le Collectif
disait, c'est qu'il leur fournirait toute l'aide possible pour la défense
de leur dossier s'ils parvenaient à s'opposer à leur expulsion.

Il est donc parfaitement indécent de vouloir ainsi faire rejaillir une
partie de la responsabilité du drame Semira Adamu sur le Collectif contre
les expulsions. Sans doute faut-il y voir les effets du "témoignage" de
Herman Boon, l'ineffable aumônier de Zaventem, qui, cité par la défense,
avait laissé entendre que sans les incitations du Collectif, Semira ne se
serait jamais rebellée contre son expulsion… Entendez… Les gendarmes
n'auraient dès lors pas eu besoin de recourir au supplice du coussin pour
la faire taire et elle coulerait aujourd'hui des jours heureux au Nigéria !

Indécent, on vous le disait.

Les hasards du calendrier ont voulu que cinq jours à peine après le
prononcé du jugement à l'encontre des gendarmes, c'était au tour des
inculpés du Collectif contre les expulsions de connaître le sort que leur
avait réservé le tribunal.

A l'audition des attendus, il ne faisait aucun doute pour le nombreux
public de sympathisants et d'amis que le procès se solderait par de
simples remontrances ; au pire par la suspension du prononcé.

Il faut dire que, alors que la police avait lourdement chargé la barque des
membres du Collectif en les faisant passer pour de viloents et dangereux
agitateurs, le ministère public avait déjà aux trois quarts dégonflé la
baudruche dans son réquisitoire en requalifiant la plupart des charges .

Durant une bonne heure, les faits reprochés aux membres du Collectif ont
été passés au crible. Le tribunal a ainsi longuement rappelé le contexte
des actions incriminées : nombreuses manifestations contre les centres
fermés et les expulsions forcées, manifestations devant le centre 127 bis,
contre des fourgons acheminant des expulsés vers l'aéroport, ou encore dans
la zone neutre près du Parlement.

Certaines charges ont ainsi été requalifiées en contraventions, et le
tribunal a constaté leur prescription. Certains acquittements ont également
été prononcés faute d'éléments de preuve dans le dossier.

Avant de passer à la lecture des peines, le tribunal a également tenu à
placer les faits dans leur contexte et les ramener à leur juste proportion.
Il a ainsi souligné le peu de charges réelles avérées, mais a néanmoins
relevé des atteintes portées à l'ordre public et aux personnes, même si les
militants ont agi dans le but de promouvoir des idées généreuses dans le
cadre d'un combat politique. Mais il n'est pas acceptable que dans le cadre
d'actions pacifiques des infractions aient été commises.

C'est sur cette base - nobles mobiles mais… - qu'il a prononcé deux
acquittements, cinq suspensions du prononcé, quatre peines d'amende, et
sept peines de prison de huit jours à deux mois assorties d'un sursis d'un
an.

C'est donc l'Etat de droit qui a prévalu, même si le droit auquel les
prévenus se sont opposés, tout légal qu'il soit, était en l'occurrence
parfaitement illégitime. Dans ce cadre-là, on peut en effet estimer que les
peines sont légères. Mais ce qui est parfaitement révoltant, c'est le fait
même que les membres du Collectif aient été traduits devant un tribunal
correctionnel pour des charges qui se sont révélées pour la plupart
infondées et qu'il ait fallu huit audiences pour arriver à ce constat.

Ainsi, des militants dont le tribunal a publiquement reconnu la générosité
des mobiles qui les animent ont été condamnés à la prison. Il est vrai
qu'ils ne purgeront pas cette peine s'ils se conduisent "bien" durant un
an. Mais des gendarmes qui ont provoqué la mort d'une jeune femme - qui
venait précisément chercher un peu de générosité dans notre pays - en
obéissant à des ordres criminels qu'ils n'auraient jamais dû exécuter s'ils
avaient été dotés d'un minimum de sens moral, ne purgeront pas non plus la
peine à laquelle ils ont été condamnés s'ils se conduisent "bien" durant
trois ans…

En somme, sur le plan de la symbolique des peines, les gendarmes meurtriers
et les militants généreux sont renvoyés dos à dos.

Indécent, on vous le disait…



Concert de solidarité avec le Collectif Contre les Expulsions, le samedi
24 janvier à 20h (église Saint Marc, avenue de Fré 76, Uccle).

Au programme: Stabat Mater (Pergolese) et Requiem (Mozart) par l'ensemble
vocal Andantino, sous la direction de Samir Bendimered.

Les bénéfices aideront au payement des amendes et frais de justice auxquels
nous avons été condamnés.

PAF 12 euros, prix des soutien 15 euros, gratuit pour les enfants

Renseignements et réservations du lundi au vendredi de 10h à 15h, 0496/93 74
97

Avec le soutien de la Ligue des Droits de l'Homme et du MRAX

Affiche à diffuser: http://www.mrax.be/frame_rightquatre.htm#