arch/ive/ief (2000 - 2005)

L'Initiative de Genève : une chance pour la paix ?
by Par Michel Staszewski Thursday, Jan. 01, 2004 at 3:50 PM

Cet article a été publié dans Points Critiques. Le Mensuel, l'organe de l'Union des Progressistes Juifs de Belgique, n° 242, janvier 2004.

À en croire les grands médias, la paix et la réconciliation tant attendues seraient enfin à portée de main. Abandonnant la politique «des petits pas», des personnalités courageuses, tant palestiniennes qu'israéliennes, se seraient attaquées à toutes les questions difficiles et auraient trouvé, pour chacune d'entre elles, et dans les moindres détails, la meilleure solution possible. Il suffirait que les opinions publiques israélienne et palestinienne portent au pouvoir des représentants politiques partisans de l'initiative de Genève pour que ce conflit, vieux de plus d'un siècle, soit résolu.

Une lecture attentive du contenu de ce projet d'accord me conduit à un jugement très différent.

Le texte publié est, tout d'abord, très incomplet. Il est dépourvu de ses très nombreuses annexes censées fournir les détails de chacun de ses articles. C'est ainsi que manquent des éléments aussi importants que la délimitation exacte des territoires respectifs ou la composition des groupes de civils et de militaires chargés de veiller à l'application des accords. Et le problème essentiel de la répartition des ressources en eau n'est pas du tout abordé.

D'autre part, le caractère extrêmement déséquilibré de ce document le rend difficilement acceptable pour la grande majorité des Palestiniens, qu'ils résident en Palestine, en Israël ou ailleurs. Examinons-en quelques points.

Le territoire de la Palestine mandataire serait divisé sur base de la frontière du 4 juin 1967, c'est-à-dire que 78% des terres seraient attribuées à l'État d'Israël et 22% à l'État de Palestine. Rappelons que le principe de cette répartition très inégale est officiellement accepté par l'OLP depuis les Accords d'Oslo de 1993. Les négociateurs israéliens ont cependant obtenu l'échange de territoires cisjordaniens fortement peuplés de colons juifs contre un territoire israélien jouxtant le sud-ouest de la Cisjordanie et une bande de terre longeant la bande de Gaza. Pour qui connaît un peu la géographie locale, il est clair que cet échange est très inéquitable du point de vue de la pluviométrie. Cette inégalité pourrait néanmoins être compensée par un partage équitable des ressources globales en eau... qui n'est pas du tout garanti par le texte actuel puisque l'article consacré à la répartition des ressources en eau reste à rédiger. Un corridor, ouvert en permanence, sous administration palestinienne mais sous souveraineté israélienne, relierait la Cisjordanie à la bande de Gaza. Des «barrières de défense» seraient construites le long de ce corridor, en territoire israélien.

Pour ce qui concerne Jérusalem, le projet prévoit que la ville serait à nouveau divisée. Le seul endroit où l'on pourrait, en principe, circuler librement d'une zone à l'autre serait l'intérieur de la vieille ville (un territoire minuscule en comparaison de l'agglomération entière), mais à chacune de ses portes serait établi un poste de douane donnant accès soit à l'État de Palestine soit à celui d'Israël. La répartition inégale du territoire de la vieille ville - trois quarts pour la Palestine, un quart pour Israël - ne doit pas faire illusion: dans la mesure où l'ensemble de la vieille ville se trouve à l'est de la «Ligne verte» [1], c'est bien l'État israélien qui serait gagnant dans l'affaire. De plus, le grand cimetière juif du Mont des Oliviers, situé à l'est de la vieille ville, demeurerait sous administration israélienne. Pour le reste, Jérusalem-Ouest resterait entièrement sous contrôle israélien alors que les nombreuses colonies juives construites depuis 1967 autour de Jérusalem-Est seraient annexées à l'État d'Israël.

Environ quatre des six millions de Palestiniens sont des exilés ou des descendants des exilés de 1948. Le droit au retour des exilés est un droit humain essentiel reconnu internationalement. Que les Palestiniens acceptent d'en faire un objet de négociation, prenant ainsi en considération les angoisses démographiques des Israéliens, devrait être considéré par ces derniers comme une offre extrêmement généreuse. Or le projet d'accord implique que les Palestiniens renoncent à leur droit au retour sans même que soit reconnu le bien fondé de ce droit ni la moindre responsabilité israélienne dans cette affaire. Le nombre d'exilés autorisés à se réinstaller en Israël serait «laissé à la discrétion souveraine d'Israël». L'État d'Israël accepterait néanmoins de contribuer à un fonds d'indemnisation pour les propriétés palestiniennes «perdues».

Un article du projet d'accord où apparaît de manière particulièrement flagrante son caractère déséquilibré (doux euphémisme) est celui qui concerne la «sécurité». Il semble, à lire les détails de cet article, que la création d'un État palestinien indépendant à ses côtés, représente pour l'État d'Israël un danger vraiment terrible. Jugez-en plutôt. Alors qu'il est prévu qu'Israël conserve la souveraineté absolue sur son territoire et l'intégralité de son équipement militaire (rappelons que «Tsahal» est une des armées les mieux équipées du monde et qu'il est de notoriété publique qu'Israël possède des armes nucléaires), l'État palestinien, uniquement doté d'une «puissante force de sécurité» chargée de missions de police, serait démilitarisé et devrait s'en remettre pour sa sécurité extérieure à une «Force multinationale». Cette Force, stationnée seulement en territoire palestinien (y compris sur l'Esplanade des Mosquées/Mont du Temple), ferait partie intégrante du «Groupe d'Application et de Vérification», composé de représentants des États-Unis, de la Russie, de l'Union européenne et des Nations unies. Sa composition, sa structure et ses effectifs devraient faire l'objet d'une annexe non publiée à ce jour. Des éléments de l'armée israélienne resteraient présents dans la vallée du Jourdain durant 36 mois et dans deux «stations d'alerte lointaine» situées dans le nord et l'est de la Cisjordanie durant 10 ans. L'aviation militaire israélienne garderait le droit d'utiliser l'espace aérien de l'État palestinien. La Force multinationale serait présente aux frontières de l'État de Palestine avec la Jordanie et l'Égypte ainsi que dans les ports et les aéroports palestiniens... dans lesquels les Israéliens pourraient maintenir pendant plusieurs années «une présence discrète». En Cisjordanie, des «routes désignées», reliant Jérusalem à Tibériade, la Mer morte, Bethléem et Hébron, seraient contrôlées conjointement par la police palestinienne et la Force multinationale pour garantir la sécurité des Israéliens qui les fréquenteraient. La «lutte contre le terrorisme» serait supervisée par un «Comité de sécurité triangulaire» composé d'Israéliens, de Palestiniens et... d'Américains.

La situation actuelle des habitants des Territoires occupés est si épouvantable que la concrétisation d'un tel projet d'accord représenterait pour eux un progrès considérable. Les exilés y gagneraient, pour leur part, le droit de s'installer définitivement dans un pays d'accueil ou dans l'État de Palestine indépendant et seraient indemnisés pour la perte de leurs propriétés situées sur le territoire de l'État d'Israël. Par contre, les Palestiniens citoyens de ce même État et les quelques exilés autorisés à les rejoindre se verraient confirmés dans leur position de minorité tolérée dans «l'État du peuple juif» (préambule du projet d'accord). Car, comme l'affirmait récemment Amram Mitzna, l'ancien président du parti travailliste israélien, en signant un tel accord, les Palestiniens reconnaîtraient «pour la première fois dans l'histoire» «l'État d'Israël comme l'État du peuple juif, et ce à jamais.» [2] Il est en effet expressément prévu que la mise en œuvre de cet accord «mettra fin à toutes les réclamations des Parties découlant d'événements antérieurs à sa signature» (art. 1). Et Mitzna d'ajouter: «Ils ont renoncé au droit au retour en Israël, assurant ainsi que notre État conserverait une majorité juive stable et solide» [3]. Pour ce qu'il est convenu d'appeler la «gauche sioniste», ce projet d'accord représente en effet une solution de rêve. Non seulement il «bétonne» le caractère majoritairement juif de l'État d'Israëln, mais il permet d'annexer les territoires colonisés les plus peuplés de Cisjordanie, permettant ainsi de réduire considérablement le nombre de colons mécontents d'un tel accord. De quoi espérer une victoire électorale aux prochaines élections?

L'«Accord de Genève» n'est conforme ni au principe d'équité ni au droit international. Il est basé sur un rapport de force qui permet de faire accepter aux négociateurs palestiniens les «lignes rouges» de la «gauche sioniste». Vu la situation catastrophique de leur peuple et le rapport de force à ce point en leur défaveur, il est pourtant possible qu'un accord de ce type (qui prévoit aussi la libération graduelle de tous les prisonniers politiques) soit un jour accepté par des négociateurs palestiniens officiels. Mais comme il n'a pas grand chose à voir avec la justice, il ne conduira sûrement pas à une véritable réconciliation. Il ne mettra pas définitivement fin au conflit.

Ceci étant dit, on est aujourd'hui très loin de la conclusion d'un tel accord. Je crains fortement que l'encensement médiatique de l'«Initiative de Genève» ne contribue, comme l'avait fait la signature des Accords d'Oslo (de véritables accords, ceux-là) à occulter la situation sur le terrain et à démobiliser les opinions publiques face aux crimes qui se commettent quotidiennement sur ordre du gouvernement israélien. Je demande à ceux qui dépensent tant d'énergie pour défendre et pour faire connaître en Europe l'Initiative de Genève, d'en consacrer un peu pour pousser nos représentants politiques à exercer de réelles pressions sur le gouvernement israélien, pour qu'il ordonne le démantèlement de la «clôture de sécurité» qui enferme les populations palestiniennes dans des ghettos invivables, pour le retrait de l'armée des villes et villages palestiniens, pour la libération des prisonniers politiques détenus illégalement, pour que le rapport du Rapporteur Spécial de l'ONU sur la terrible crise alimentaire qui frappe les Territoires occupés soit enfin rendu public [4], pour soutenir les militaires «refuzniks» et les autres activistes israéliens qui se battent contre les «attentats ciblés», les destructions de maisons et de cultures, les confiscations de terres, les humiliations quotidiennes aux check-points, etc. C'est là que réside la plus grande urgence.

Michel Staszewski

Notes

[1] La Ligne verte est la frontière du 4 juin 1967.

[2] MITZNA, A., Voilà pourquoi M. Ariel Sharon a peur, in Le Monde Diplomatique, déc. 2003, p. 19.

[3] Ibidem.

[4] La publication officielle de ce rapport, pourtant disponible depuis le mois de septembre dernier, n'a pas encore eu lieu, du fait de pressions efficaces exercées par le gouvernement israélien et ses soutiens extérieurs. Son texte intégral est néanmoins disponible sur Internet, par exemple sur la page http://www.reseauvoltaire.net/rapport-ziegler.html

Tu n'as rien kompri
by Anarkofly Thursday, Jan. 01, 2004 at 6:35 PM

Les pacifistes des deux bords , les nationalistes palestiniens moderé (OLP) et les sionistes de gauche et d'extreme gauche ont mis au point l'accord de geneve contre les fou de guerre (Sharon , Hamas ...etc) . Ils ont besoin de vous .
De plus vous trouverez sur ce sites l'integralité des textes de l'accord de geneve .

PAIX ISRAELO-PALESTINIENNE : AIDEZ NOUS !
juifs et arabes ensemble pour la paix ...aidez nous : Signez sur : http://www.2peuples2etats.org
APPEL
Associations fondatrices : ACF-Action contre la Faim, AJHL (Association pour un Judaisme Humaniste et Laique), Association pour le developpement des cultures juives (Judaiques FM), les Amis de Shalom Arshav - La Paix Maintenant, Les Ateliers de Mai, Cercle Bernard Lazare, Conseil Francais des Musulmans Laiques, Gauches.net, Groupe de Contact Europeen des accords de Geneve, Hachomer Hatzair, Identite et Dialogue, Mouvement des Musulmans Laiques, Mouvement de La Paix, Ni putes ni soumises, Pax Christi, SEM (Synergie Europe Mediterranee), SOS Racisme, UFAL (Union des Familles Laiques).
Israel, Palestine : Le combat pour la paix est aussi le notre.
Texte fondateur et appel a signatures
Un espoir renait aujourd'hui au Proche-Orient. Du sein des societes israeliennes et palestiniennes, des voix citoyennes viennent de s'elever avec courage et lucidite. Elles proclament que malgre la violence et le fanatisme accumules depuis pres d'un siecle, un accord entre les deux peuples est encore possible. Portees par des patriotes israeliens et palestiniens, l'Initiative de Geneve lancee par Yossi Beilin et Yasser Abbed Rabbo et La Voix des Peuples d'Ami Ayalon et Sari Nusseibeh prennent en compte la dignite, les craintes et les aspirations les plus profondes de chacun des deux peuples. Elles indiquent en preambule le principe fondamental qui les anime : « deux peuples, deux Etats ». L'Etat d'Israel comme Etat du peuple juif, l'Etat de Palestine comme Etat du peuple palestinien, tous deux issus d'un mouvement legitime de liberation nationale. L'une et l'autre prevoient en particulier : un demantelement de la plus grande partie des implantations juives en Cisjordanie et Gaza, des echanges de territoires acceptes par les deux parties sur la base des frontieres de 1967, une resolution digne et realiste de la question des refugies palestiniens conditionnee au respect de la souverainete israelienne, l'arret des violences et un partage de Jerusalem comme capitale des deux Etats.
Ces initiatives procedent d'une vision, celle qu'Israeliens et Palestiniens puissent un jour vivre en paix, cote a cote, au sein de deux Etats souverains et democratiques. Cette vision, nous la partageons.
Par la creation d'un collectif, les associations signataires expriment leur volonte de soutenir toutes les initiatives en vue d'un accord permanent entre Israeliens et Palestiniens fondees sur ces bases.
Nous appelons toutes celles et tous ceux qui soutiennent ce texte fondateur a nous rejoindre.
Vous pouvez signer cet appel sur le site internet : http://www.2peuples2etats.org
Site web de La Paix Maintenant (France) : http://lapaixmaintenant.org/
Site web de shalom akhshav (Israel) : http://www.peacenow.org.il
Adresse : PO Box 29828,Tel Aviv, Israel
Telephone : 972 3 566 32 91, 972 3 566 06 48
Fax : 972 3 566 32 86

Une ptit explication
by CQFD Thursday, Jan. 01, 2004 at 6:47 PM

Le pacte de Genève ne sera peut-être pas l'accord de paix final entre Israéliens et Palestiniens, s'il doit exister un jour, mais il est d'ores et déjà devenu texte de référence. Qu'on l'approuve ou le rejette. Ce n'est pas seulement un espoir qui est né au travers de cette élaboration commune, c'est un outil politique exceptionnel livré clés en main, une arme de destruction massive des propagandes extrémistes de chaque camp. Ce pacte démontre que la paix est possible, il n'appartient plus qu'aux populations concernées de s'en convaincre d'abord, de s'en emparer ensuite pour imposer, par les moyens dont elles disposent, un nouveau cours à l'histoire. Mais ce qui est scellé dans un tel projet n'est pas seulement une promesse de destin commun entre Juifs et Arabes là-bas, c'est aussi un début de médication aux emportements et aux dérives que ce conflit importe ici. Le vent mauvais d'antisémitisme qui s'insinue dans certaines banlieues ou écoles, porté par les frustrations des uns et les manipulations des autres, a un rapport certain avec la guerre à outrance menée par le gouvernement Sharon. Le terrorisme islamiste à enseigne d'Al-Qaeda n'est pas né des affrontements israélo-palestiniens, mais il y a trouvé un prétexte, porteur de judéophobie dans les opinions arabo-musulmanes et, en retour, moteur d'islamophobie dans des franges de l'opinion occidentale. Que l'on soit plus sensible au sort des Palestiniens ou au péril des Israéliens, une issue commune semble pourtant ouverte dont on s'étonne qu'elle n'ait encore été perçue comme telle que par bien peu des militants et des intellectuels qui agissent d'ordinaire pour « une paix juste et durable » au Proche-Orient, comme il était écrit dans un texte final du dernier FSE. Le pacte de Genève n'est pas uniquement une chance pour la paix, il est aussi une mise en demeure à l'égard de ceux qui, pour régler des comptes obscurs, sont prêts à en découdre jusqu'au bout par Palestiniens ou Israéliens interposés.

le duo
by antoine Thursday, Jan. 01, 2004 at 8:00 PM

anarkofly et cqfd... j'aime bien vous travailler en duo en plus...c drole...