arch/ive/ief (2000 - 2005)

Président Top Gun : déserteur positif.

(Greg Palast, le 09 juillet 2003)

48 heures avant d'envoyer les troupes US en Iraq, le président Bush a dit: "Il n'y a aucune certitude dans la guerre, sauf la certitude des sacrifices". Pour la plupart d'entre nous, c'est vrai, sauf si, bien entendu, votre nom est "Bush", selon les informations rapportées la semaine passée par mon équipe d'enquêteurs de la BBC. En 1968, le député George Herbert Walker Bush du Texas, juste après avoir voté pour envoyer les fils des autres au Vietnam, a inscrit son fils dans un programme de discrimination positive très particulier, l'unité "champagne" de la force aérienne de la garde nationale du Texas. Là, le pilote de chasse Top Gun George W s'est vu assigner la mission dangereuse de protéger Houston des attaques aériennes vietnamiennes.

La BBC a trouvé intéressant d'enquêter sur les états de service (époque du Vietnam) du Commandant-En-Chef, après la mise en scène orchestrée par la maison blanche de l'atterrissage  du président (en avion de chasse) sur le pont du porte-avions Abe lincoln pour annoncer la victoire contre l'Iraq. Même Churchill ne l'avait pas fait. (Et bravo à Tom Brokaw et tous les autres représentants de la presse US pour avoir conservé leurs expressions patriotiques de sérieux, même quand le président (au contraire de vrais pilotes de chasse) a conservé les fixations de parachute bien fermées autour de son entrejambes, le faisant ressembler un peu moins à Tom Cruise et un peu plus au premier singe dans l'espace).

En 1968, pour se qualifier pour le seul poste de pilote dans la garde nationale, le jeune Georges a passé un test. Il a obtenu 25 sur 100 (il paraît que le chimpanzé avait eu 26). Comment, dans ce cas, le futur président (opposé à la discrimination positive, qui est convaincu que seul le mérite doit permettre d'obtenir un poste) est-il passé au-dessus de la tête de milliers d'autres candidats pour obtenir le poste "reste-hors-du-vietnam"?

Voici ce que vous ne verrez pas sur les télévisions US: il y a quelques années, j'ai mis la main sur un document qui se languissait dans les fichiers du Département de la Justice à Austin, au Texas. Dans ce document, il était indiqué que deux amis politiques de Bush senior ont "passé un coup de fil" pour garder le jeune Bush en-dehors du Vietnam et bien au chaud dans un cockpit de la Garde Nationale. Mais le FBI ne pouvait agir sans recouper l'information. Maintenant, nous l'avons. Une des personnes citées dans le document a confessé à l'équipe de la BBC avoir passé cet appel, sur demande de Bush senior, pour aider Georges à obtenir le poste. La lettre est postée ici.

Soyons clairs: je me fiche que le président Bush eu peur et ait fui la guerre du Vietnam. Moi-même, je ne suis certainement pas porté volontaire. Mais mon père n'a envoyé personne à ma place. Et je ne marche pas avec des fixations de parachute autour des parties en parlant de guerre et de sacrifice.

Les supporters de Georges Bush disent que malgré tout, il a fait son devoir et servi son pays. Mais l'a-t-il vraiment fait? Le bruit court que le jeune Georges, ayant reçu le siège de pilote, a oublié de se présenter à la caserne. Face à la caméra, j'ai parlé avec un éleveur du Texas, Bill Burkett, ex-Lieutenant Général de la force aérienne de la garde nationale. Il semble que Burkett ait été présent dans le bureau du responsable général de la garde nationale lorsqu'un appel des bureaux du gouverneur de l'époque (George W Bush) est arrivé. La procédure normale veut que ce genre d'appel soit mis sur haut-parleurs. C'est donc ce qui se fit, mais la requête n'était pas courante. Les bureaux du gouverneur envoyaient un biographe officiel.. et les amis du gouverneur voulaient s'assurer que les dossiers ne contenaient pas d'informations pas trop héroïques. Burkett m'a dit:

"J'étais dans les bureaux du Général, le général Daniel James... Il reçoit un appel de Joe Albaugh, qui était le chef de cabinet du gouverneur, et de Dan Bartlett sur les haut-parleurs du téléphone ... et ils voulaient que le Général James rassemble toutes les informations sur le gouverneur, et que Karen Huges, l'assistante de Bush, allait écrire un livre.. Mais Joe a dit au Général James "Assurez-vous qu'il n'y ait rien là-dedans qui puisse embarrasser le gouverneur"."

Et il n'y aurait rien. Burkett a demandé si l'équipe du Général avait vraiment l'intention de détruire des fichiers, et la réponse était claire: oui. Pour le prouver, on lui montra des piles de fiches de paie et de pension prêtes à partir pour être détruites. Le colonel Burkett ne s'est pas enfui avec ces fiches. On ne peut donc en déduire q'une chose: la seule preuve que Bush n'a pas déserté pendant la guerre n'existe plus. Les fiches de paie militaires sont publiques, mais celles de Bush sont maintenant indisponibles.

Soit dit en passant, la maison blanche, où messieurs Albaugh, Bartlett et bien entendu Bush travaillent, a refusé l'offre de la BBC de dénier les charges de tromperie et d'avoir arrangé les dossiers de Dubya.

Mais c'est loin d'être la fin de l'histoire. Il reste aujourd'hui deux personnes en vie (en-dehors de la famille Bush) qui savent comment George Bush s'est réellement comporté. Tous les deux sont devenus des lobbyistes texans très influents. Pour un marchand d'influence, détenir des informations compromettantes sur un gouverneur en exercice est une mine d'or (ou plus exactement, c'est le fait de ne pas le divulguer qui est une mine d'or). Un de ces lobbyistes, l'ex-vice gouverneur du Texas Ben Barnes, semble avoir fait une utilisation lucrative de sa connaissance de la désertion de Bush, en utilisant cette information pour obtenir un contrat de plusieurs milliards de dollars pour un de ses clients. Ce client heureux a payé 23 millions de dollars à Barnes, celui qui connaît le secret du gouverneur Bush. Bien évidemment, Barnes nie que Bush a favorisé son client en échange du silence de Barnes. Cependant, une fois mis devant les preuves, l'ex vice gouverneur reconnaît avoir aidé Georges à échapper au Vietnam.

Pour lire toute l'histoire des années de guerre du président et des 23 millions de dollars US, reportez-vous au premier chapitre du livre "The best democracy money can buy", ou suivez ce lien .

Le 6 juillet est l'anniversaire du président Bush. William White est né le même jour. Je dis cela parce que, si vous êtes assez vieux, vous vous souvenez peut-être que de jeunes gens ont été envoyés au Vietnam sur base d'une sinistre loterie: si votre date d'anniversaire était tirée au hasard, vous partiez pour le Vietnam. J'ai trouvé le nom de White écrit sur un mur noir à Washington. Il est allé au Vietnam quand Bush est allé à la garde nationale à Houston. White n'est jamais revenu. Bon anniversaire, Mr le président.

Greg Palast est journaliste d'investigation pour la BBC et The Observer.

http://www.gregpalast.com