Alter Afrique

Lorsque dans les rues d'Abidjan, il subit un contrôle de police ou de gendarmerie, à cause de sa barbe mal taillée qui lui donne un petit côté "rebelle", Yoro Bi est fier d'annoncer sa fonction. "Je suis le Vice-Président d'Attac en Côte d'Ivoire". A l'évocation du sigle de l'organisation altermondialiste, les mains des hommes en armes se raidissent sur les gâchettes des Kalach'. "Ce n'est pas une attaque. C'est une organisation pacifique qui milite pour l'annulation de la dette des États en voie de développement" clame Yoro en montrant la casquette frappée du logo "zéro pour cent" et le T Shirt "Drop the dept" qu'il arbore fièrement dans les rues des quartiers populaires de Yopougon ou d'Adjamé.

Voir la vidéo en haut débit(http://digipressetmp3.teaser.fr/uploads/1015/attac01.ram), ou en bas débit(http://digipressetmp3.teaser.fr/uploads/1015/attac.ram).

A l'image des policiers, très peu nombreux sont les compatriotes du jeune Ivoirien à connaître une ONG créée en partie pour défendre leurs intérêts. "C'est ennuyeux, parce que l'annulation de la dette des États africains doit s'obtenir avant tout ici, sur le terrain et non dans les salons parisiens ou les discussions restent théoriques" commente Sibahi Kouadio, président de la petite cellule Attac en Côte d'Ivoire. Sibahi Kouadio, c'est l'homme sage de la structure, que Yoro Bi est venu chercher en raison de légitimité et de la réputation dont-il jouit. Militant syndical et professeur d'Histoire Géographie, il a été de tous les combats sociaux en Afrique et aujourd'hui il est également investit du statut très respectable de chef du village de Jacqueville, à deux heures d'Abidjan derrière la lagune. Atterré par l'évolution des récents événements politiques dans son pays, Sibahi Kouadio renvoi dos à dos les affairistes français qui ont exploité les richesses locales sans redistribuer, les chefs d'Etat peu scrupuleux qui se sont accommodés de la situation et l'attitude de certains opposants issus des rangs du combat social tel l'actuel Président, dont la politique qu'il applique n'a plus que très peu avec le programme qu'il prônait sous la bannière socialiste.

"Seulement les enjeux financiers sont importants" explique Sibahi Kouadio alors que nous déambulons avec lui dans les rues de son village et que tous saluent l'intellectuel avec respect. "Et notre seul levier d'action est sans doute l'éducation" poursuit-il. Mais en dehors de l'énergie insondable de Yoro Bi et de la sagesse de Sibahi Kouadio, la cellule locale n'a que peu de moyens. Quant à s'unir au niveau africain, c'est une autre paire de manches. "Ici en Afrique, beaucoup d'individus voient dans la lutte sociale un moyen de se promouvoir personnellement. Et il est difficile de lutter contre ce phénomène car il existe peu d'organisations structurées et les mouvements regroupent avant tout des individus. Ceci alors qu'en Europe, le Forum social regroupe essentiellement des associations".

Le jeune militant africain est également très circonspect sur le rôle de certaines personnalités présentes sur le devant de la scène, mais qui selon lui "passeraient leur temps en voyage et n'auraient qu'une action résiduelle sur le terrain". Prudent et sans doute déjà politicien aguerri, il refuse cependant de citer des noms.

Quant aux relations avec l'Occident, elles sont en revanche excellentes. La cellule parisienne d'Attac Afrique a réussi a prendre en charge les frais nécessaires à la présence d'une délégation de six personnes lors du récent Forum social européen. Plusieurs ateliers ont permis de passer en revue l'impact de la mondialisation en cours sur la continent africain.

Et Yoro de couper court à la controverse sur le présence des Africains lors d'une manifestation européenne : "Lorsque j'entends des discours basés sur la nécessité pour l'Afrique de s'aider elle même, je réponds qu'effectivement ce serait souhaitable. Seulement nos chefs d'Etat, en tout cas en Afrique occidentale, agissent un peu comme des préfets français dans la région. Alors nous ne pouvons pas réellement parler d'autonomie et c'est important pour nous de venir le dire ici à Paris".

Il faut croire d'ailleurs que malgré son manque chronique de moyens, ses locaux d'emprunt et ses ordinateurs hors d'âge, Attac Côte d'Ivoire semble intimider les pouvoirs publics parisiens. Au point pour l'ambassade de France à Abidjan de refuser dans un premier temps les visas pour la délégation, avant finalement de les accorder au compte gouttes. L'émancipation africaine ne se décide en effet pas qu'en Afrique.

Source : http://www.dissident-media.org/spip/article.php3?id_article=2202

Marre du Continu? Passons à l'alternatif!
Jeunes à Contre-Courant
collectif anticapitaliste de réflexion et d'action
jcc@lautre.net
http://www.jcc.be.tf

arch/ive/ief (2000 - 2005)