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Affiche l'article sans les commentaires

Tueries en sidérurgie
by freddy visconti Thursday October 23, 2003 at 08:40 PM
fvisconti@swing.be

La fusion d'Usinor, Aceralia et Arbed a donné naissance au plus grand groupe sidérurgique du monde, ARCELOR. Les travailleurs tombent sans arrêt sur le champ de bataille du travail. Ce texte est un copier-coller de Solidaire.org - je ne vais pas réinventer ce qui est bien écrit.

N'oubliez pas les victimes de l'explosion à la cokerie!

22 octobre 2002, 08h52. Une terrible explosion ravage la cokerie d'Ougrée, près de Liège. Trois morts, Leonardo Vento, Kaddour Ben Chehida et Donatello Cichelli, vingt-cinq blessés. Aujourd'hui, la situation sur le front des accidents de travail n'a pas changé. Trois autres ouvriers sont morts à Arcelor-Liège, un autre à Arcelor-Gand. En Belgique, on compte un mort par jour de travail sur les lieux ou le chemin du travail. Qui est responsable? Faut-il changer la loi? L'avis de Johan Vandepaer, médecin du peuple et conseiller communal du PTB.

22 octobre 2003, 08h52. Un an plus tard, les victimes et leurs familles réclament toujours justice. Solidaire leur donne la parole. Avec le Centre de Défense et d'Action pour la Santé des Travailleurs, elles vous invitent à une commémoration, devant l'entrée de la cokerie d'Ougrée.

Alice Bernard et Valérie Heuchamps (http://www.solidaire.org).
15-10-2003

Interview de Mme Vento: «Cockerill a tué mon ange»
Le CDAST obtient des compléments d'enquête
Deux brûlés témoignent: «Ni oublier, ni accepter»
Johan Vandepaer (PTB): comment changer la loi

«Cockerill a tué mon ange, et je ne le pardonnerai jamais»
Leonardo Vento avait juste 20 ans et était marié depuis 16 mois. Il aimait bien son métier de soudeur et son travail pour l'entreprise Cichelli. Il venait d'acheter une maison, il débordait de projets. Depuis bientôt un an, sa maman va tous les jours sur sa tombe, au cimetière de Grâce-Hollogne.

Madame Vento. J'étais heureuse, mes deux enfants étaient mariés, avaient acheté leur maison, nous attendions notre premier petit-enfant. Le 22 octobre, c'est vraiment le ciel qui nous est tombé sur la tête. Tous nos rêves, tous nos projets se sont écroulés. Je suis allée le voir à la morgue. On ne voulait pas me le montrer, mais sans le voir, je n'aurais jamais cru à sa mort.
Quand on perd un enfant, on perd tout. Si je n'avais eu que lui comme enfant, je me serais tuée. Je rêve de lui toutes les nuits. Je suis bourrée de médicaments, mon mari ne dort plus.
Toute notre vie a basculé. J'ai déménagé de Flémalle à Grâce-Hollogne pour être plus près de lui. Je vais tous les jours au cimetière. Parfois même la nuit, je reste devant les grilles, pour être près de lui. J'ai eu mes enfants treize ans après mon mariage, c'est dire si je tiens à eux. Ils sont toute ma vie.
Nous avons beaucoup de frais médicaux. Le docteur vient 3 à 4 fois par semaine à la maison. J'ai maigri de 25 kg. J'allais chez un psychologue, mais ça ne servait à rien. Alors, je participe aux rencontres de l'association des parents désenfantés. Là, je peux dire tout ce que j'ai sur le cur. Ils me comprennent, ils ont aussi perdu un enfant.
Financièrement, je ne sais pas du tout comment ça va aller. Je n'ai encore rien payé à mon avocat, mais il va bien falloir un jour. Antonella (la veuve de Léonardo) vit du chômage et elle touche une rente de 30% du salaire brut de Leonardo.
A votre avis, qui est responsable de la mort de votre fils?
Madame Vento. Pour moi, c'est Cockerill. La direction savait qu'il fallait prendre des précautions, elle ne l'a pas fait. Elle a donné des laisser-passer sans vérifier que tout était en ordre. Il fallait huit heures d'arrêt pour préparer le chantier, mais ça n'a pas été respecté. Ils ont envoyé les hommes au travail, comme des bêtes à l'abattoir. S'il y a du danger, ce n'est pas les jeunes intérimaires qu'il faut envoyerIl faut même interdire à tous les ouvriers de travailler.
Des gens ont dit que le sous-traitant Cichelli était le responsable. Mais c'est faux. Il s'occupait toujours personnellement de la sécurité de ses ouvriers. S'il avait su à l'avance qu'il y avait du danger, personne de son entreprise ne serait venu sur le chantier. Ni lui, ni ses hommes. Maintenant, il est mort aussi, avec Leonardo et Kaddour.
Tant que les responsables ne seront pas punis, je ne serai pas tranquille. Tant que je n'aurai pas justice, je continuerai à me battre. Même si personne ne me rendra mon fils. Je veux qu'ils soient enfermés entre quatre murs, comme mon fils est enterré entre 4 planches. Je suis d'accord avec le CDAST: il faut toute la vérité, le pourquoi et le comment mon fils a été tué à 20 ans.

Avez-vous reçu beaucoup de soutien?

Madame Vento. De la direction, personne n'est venu. Juste un type qui est venu déposer une carte à l'enterrement. Du côté syndical, je peux toujours compter sur Joseph Lofurno, un délégué. Il est tout le temps là quand j'en ai besoin, c'est un type formidable mais c'est le seul du syndicat. C'est lui qui s'est démené pour que je puisse aller déposer des fleurs sur les lieux de l'accident. La direction de l'usine ne voulait pas
Je téléphone parfois avec la famille de Kaddour. Nous nous échangeons les informations que nous pouvons obtenir sur le dossier.

Qu'attendez-vous du procèsannoncé pour janvier 2004?

Madame Vento. Mon avocat me dit de ne pas trop compter que quelqu'un sera emprisonné. Le CDAST nous a donné un bon espoir de pouvoir obtenir quand même quelque chose. La juge a parlé d'erreur humaine. Mais c'est facile de dire ça. C'est vrai que tout le monde peut faire une erreur, mais ici, quelqu'un était au courant à l'avance qu'il y avait du danger. Le patron, pour se défendre, il désigne un coupable. Mais il faut que l'enquête aille jusqu'au bout.
Je veux entendre les explications de tout le monde. Mais je pense que le patron savait qu'il y avait du danger. Je ne peux pas croire qu'il ne savait rien.

Envisagez-vous autre chose qu'un procès pour obtenir justice?

Madame Vento. Tout ce que je peux encore faire aujourd'hui pour mon fils, c'est mettre des fleurs fraîches chaque semaine sur sa tombe. Et placer des photos de lui partout dans la maison. Pour ne jamais l'oublier
Mais je pense aussi à tous les autres qui sont morts au travail. Leur famille est dans la peine, car souvent les patrons les rendent responsables et puis tout le monde les oublie. Avec plus de sécurité, il y aurait moins de familles qui pleurent.
J'ai aussi participé à la manifestation contre la fermeture de la ligne à chaud de Cockerill. Pour que plus jamais les mamans ne doivent subir ce que j'ai subi. Je ne veux pas que l'usine ferme, il faut du travail pour les ouvriers. Mais ils doivent travailler en sécurité. C'était aussi une occasion de faire sortir la rage que j'ai dans le cur.
Angelina, la sur de Leonardo. Je suis comme maman, je ne pardonnerai jamais. Si ils pensaient plus à la sécurité des ouvriers et moins à leur pognon, ça ne serait pas arrivé. Je ne sais pas comment je réagirais si je me trouvais face aux coupables. On avait la joie de vivre à la maison. Maintenant, il y a un grand vide, une assiette à table que plus personne ne touchera
J'ai proposé à mon ancienne école, l'institut St Sépulchre, de nous aider. C'est l'école où j'allais avec Antonella. C'est aussi l'école où travaille Mme Philips, dont le mari est mort électrocuté à Cockerill. Ils sont d'accord de se mobiliser pour vendre des fleurs et des cartes pour financer le procès. Ce sera leur projet de citoyenneté. Je vais aller leur exposer toute l'histoire, pour qu'ils comprennent mieux ce qui s'est passé et pourquoi il faut se bouger. Et je sais que je peux compter sur leur soutien.

Le CDAST obtient des compléments d'enquête

Créé à l'initiative de Médecine pour le Peuple, le Centre de Défense et d'Action pour la Santé des Travailleurs a mené sa propre enquête après l'explosion d'Ougrée. Ses conclusions joueront un rôle dans le procès qui s'annonce pour janvier 2004. Le point avec les docteurs Hans Krammisch et Jilali Laaouej.

Qu'a fait concrètement le CDAST pour les victimes de l'explosion?

Jilali Laaouej. Le CDAST veut assurer un suivi à long terme des victimes, évaluer tous les dommages subis et défendre leurs droits. A chaque consultation avec un blessé, je reviens sur un ensemble de questions: combien prenez-vous encore de calmants, combien de fois vous réveillez-vous sur la nuit, comment la famille supporte-t-elle la situation, qu'a dit le kiné, combien l'avez-vous payé, Je leur conseille de conserver une trace de tout.
Les gens doivent faire face à beaucoup de dépenses supplémentaires: déplacements pour aller aux soins, aménagement du logement, opérations chirurgicales, Chaque fois qu'ils demandent quelque chose, ils doivent prouver, établir la nécessité et la relation avec l'accident.
Par exemple, un des brûlés ne peut plus nager, ni faire aucun sport. Il était pompier volontaire. Tout ça est perdu, mais pas pris en charge par l'assurance. La Loi de 1971 sur les accidents de travail ne reconnaît que la perte économique subie par le travailleur. Elle organise le remplacement du salaire perdu (et encore, c'est plafonné). Mais du moment qu'il peut retravailler comme avant, l'assurance patronale ne se soucie pas si le travailleur est défiguré. Elle ne prend pas en charge le dommage esthétique ni moral.

Avez-vous envisagé une action plus collective?

Hans Krammisch. Le jour même de l'explosion, nous avons déjà avancé quelques revendications de base. Car il était évident que cette explosion était une catastrophe annoncée et allait avoir des retombées bien au-delà de la cokerie. Pour nous, un travailleur a le droit de refuser de travailler si la sécurité n'est pas garantie. Et les plans de restructuration successifs ont diminué les possibilités de travailler dans des conditions de sécurité correctes.
Par la suite, la presque totalité des victimes sont venues au CDAST, chercher des renseignements sur leurs droits. Nous avons alors pris l'initiative de réunir tout le monde, ce qui a permis de sortir les gens de leur isolement. De là est née l'idée d'une commission de contre-enquête, avec des travailleurs et des syndicalistes de Cockerill qui réfléchissent depuis des années aux conditions de travail. Nous sommes convaincus que si on écoutait plus les travailleurs, bien des accidents pourraient être évités.

Et à quelles conclusions êtes-vous arrivés?

Jilali Laaouej. Il y a à la cokerie une absence totale d'entretien des vannes. Seul le CDAST s'est demandé pourquoi. Nous avons découvert que l'équipe de 5 travailleurs qui s'en occupait il y a quelques années a été supprimée. Ce défaut d'entretien est pour nous une négligence criminelle.
Il y a aussi absence de consignation unique, réclamée par les syndicats et promise par la direction depuis 10 ans. La consignation unique doit permettre que quand un élément de la procédure est manquant, on arrête tout le chantier.
Enfin, nous disons que la multiplication des statuts des travailleurs, le manque de coordination entre les firmes présentes sur le chantier sont générateurs d'accidents du travail. Le CDAST veut dès lors interroger la direction de Cockerill et son groupe de contrôle Arcelor sur les manquements constatés.

Hans Krammisch. On aurait pu croire qu'après un tel accident, tout le monde chercherait à tirer les leçons qui s'imposent. Mais à la cokerie, rien n'a changé. On n'investit plus, on n'entretient plus les installations. Il faut y ajouter la déglingue qui s'installe progressivement depuis l'annonce de la fermeture de la ligne à chaud de Liège.

Quel est le rôle des organisations syndicales dans tout ce travail?

Hans Krammisch. Après l'explosion, nous avons attentivement étudié les rapports du CPPT (comité sécurité-hygiène) de Cockerill. Ils nous ont aidé à comprendre ce qui s'est exactement passé et à préparer notre commission d'enquête. Nous avons aussi invité des syndicalistes à rencontrer les victimes, et ensemble, nous avons cherché à établir quelle est exactement la responsabilité de l'employeur. Il est important de s'appuyer sur les syndicalistes qui s'attachent à vraiment défendre les travailleurs jusqu'au bout. Sinon, les travailleurs ne font plus confiance à leurs représentants.

Jilali Laaouej. On peut cependant regretter que les organisations syndicales n'engagent pas plus de moyens pour la défense juridique et médicale des affiliés, quand on voit combien de médecins et d'avocats travaillent pour les compagnies d'assurance.

Un procès est annoncé pour janvier 2004. Qu'en attendez-vous?

Hans Krammisch. Selon la juge d'instruction Meunier, le plus haut coupable est le directeur de la cokerie. Mais le CDAST a montré qu'il n'y a pas qu'à la cokerie que se posent des problèmes de consignation. Et il est évident que les restructurations de personnel ne mènent pas à de meilleures conditions de sécurité. Donc, il faut aller plus haut et ne pas cibler seulement 7 individus qui auraient commis une erreur le jour même.

Jilali Laaouej. Pour empêcher d'autres morts, il faut analyser cette explosion jusqu'au bout. Plusieurs conclusions de notre contre-enquête ont été introduites dans l'instruction judiciaire en tant que devoirs d'enquête complémentaires. Nous pèserons donc de tout notre poids sur le procès, pour que la direction d'Arcelor soit reconnue coupable.

Droits de base de l'accidenté

L'employeur doit remplir une déclaration d'accident
L'employeur doit informer son assurance de l'accident
Le travailleur touche 90% de son salaire tant qu'il est en incapacité temporaire totale
Les soins médicaux sont totalement pris en charge par l'assurance, de même que les déplacements pour aller aux soins, l'aide à domicile, les prothèses,
Mais il faut bien garder toutes les factures, car il n'y a jamais d'accord a priori. Il faut toujours tout justifier. L'assurance peut toujours tout contester, et elle ne s'en prive d'ailleurs pas.

La loi de 1971: permis de tuer

La Loi du 10 avril 1971 sur les accidents de travail a été votée pour lutter contre les patrons qui n'avaient pas d'assurance. Elle rend donc l'assurance obligatoire. Mais en cas de problème, le travailleur se retrouve confronté à l'assurance, et le patron s'en lave les mains. Le travailleur ne peut donc pas se retourner contre lui. Les patrons ont donc en fait un permis de tuer.
Mais ce n'est pas partout comme ça. En France, après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, on a récemment introduit dans la législation la notion de «faute inexcusable de l'employeur» et on peut l'attaquer au pénal et au civil (càd le faire payer personnellement, par ex. en vendant sa villa).

Que réclame le CDAST?

Le CDAST demande la création d'un fonds public pour la défense juridique, sociale et médicale du travailleur, dont les experts seront rémunérés comme ceux qui travaillent pour les assurances. Ce fonds doit être financé par les employeurs et les compagnies d'assurance.
Le CDAST souhaite également que soit introduite dans la législation la notion de faute inexcusable de l'employeur, comme cela vient d'être fait en France.
* CDAST, 5 rue de Plainevaux, 4100 Seraing. Ligne d'alarme 24h/24h: 04/337.40.40. E-mail: cdast@skynet.be

Pour les brûlés, pas question d'accepter ni d'oublier
L'explosion de la cokerie a fait 26 blessés, dont treize graves. Comment vont-ils? Comment ont-ils vécu les suites de l'accident? «Vivre avec, digérer, il faut bien, mais accepter ou oublier, jamais», disent Eric Dechany et Claudio Paradisi. Tous les deux gravement brûlés, ils ont décidé de ne pas se laisser abattre.

Un accident pareil a sûrement bouleversé votre vie de famille

Claudio Paradisi. Nos épouses en ont pris plein la figure. Nous, on était dans le coma, mais nos familles ont vraiment trinqué. Ma femme en a perdu son lait. Le bébé n'avait pas trois mois. Encore aujourd'hui, elle a peur de me voir partir. Quand ma fille venait me voir, elle restait longtemps près de moi, elle parlait beaucoup de l'accident. Elle a seulement été soulagée quand je suis rentré à la maison.

Eric Dechany. Mes cinq frères ont tout laissé tomber le jour de l'accident pour venir aux nouvelles à l'hôpital. Au début, ils ont assuré une permanence quotidienne, puis une tournante pour rendre visite à mon frère Patrick, également blessé, l'aider à manger et tout ça Pour les enfants, ça a été dur. Elles sont venues me voir quand j'étais encore en chambre stérile, ça leur a fait un choc. J'étais méconnaissable, bandé comme une momie, gonflé à l'eau pour hydrater le corps. Je crois que j'aurais préféré qu'on attende un peu avant de les laisser venir. La fois suivante, elles ont mis du temps à m'approcher. Mais globalement, elles ont été bien accompagnées par le service social.

Claudio Paradisi. Nous avons eu de la chance d'avoir des familles comme ça. La souffrance que nous avons vécue est impossible à quantifier. Quand on a diminué les doses de morphine (contre la douleur, j'ai dû en prendre jusqu'au 21 juillet), j'ai eu des crises de manque abominables. Comment les autres peuvent-ils se rendre compte de ce que souffrent la personne concernée et sa famille?
Eric Dechany. Comme dans toutes les histoires graves, c'est triste à dire, mais mieux vaut être accusé que victime. Regardez Dutroux: il a un ordinateur dans sa cellule pour communiquer avec ses avocats. Nous, on n'a rien. Même quand on demande un tube de crème, on se fait sermonner.

Et aujourd'hui? Comment allez-vous?

Eric Dechany. Depuis le 1er octobre, j'ai repris ma place à Cockerill. Avant l'accident, je devais passer contremaître. Je veux reprendre ma carrière comme c'était prévu. Les collègues étaient contents de me revoir. Pour le moment ce n'est pas trop dur. Mais ce sera peut-être difficile quand je devrai refaire le même travail que ce jour-là.
Je veux continuer à avancer, mais sans oublier ce qui s'est passé. Je veux aussi essayer de faire changer les choses. A première vue, rien n'a changé. Je suis déçu de voir que la hiérarchie a tourné la page et qu'on retravaille dans les mêmes conditions qu'avant. Je viens d'apprendre qu'il y a encore eu un mort à Chertal. On se demande ce qu'il faut pour donner le déclic à certaines personnes.

Claudio Paradisi. Maintenant, je suis papa à plein temps. Avant l'accident, j'étais aussi pompier volontaire, ambulancier, formateur à l'école du feu. Mais tant que je suis sous assurance, je ne peux plus faire d'autres activités. Ça me fait un manque à gagner, mais l'assurance m'a dit que j'aurais dû avoir une assurance complémentaire «perte de revenu». Elle ne couvre que la perte du salaire de Cockerill.

Avez-vous des nouvelles des autres blessés?

Eric Dechany. Mon frère Patrick est toujours à l'hôpital. La revalidation est longue, mais son moral est plutôt bon.

Claudio Paradisi. Certains autres ne vont pas bien du tout. Il y en a un qui a vraiment changé depuis l'accident. Il ne tient plus en place, il a peur de sa casserole à pression. Un autre, fort défiguré, a un petit frère qui ne s'est pas encore remis du choc.

Vous avez sûrement cherché une explication à la catastrophe...

Eric Dechany. Dès que je me suis réveillé, j'ai commencé à poser des questions. Le jour de l'accident, tout le personnel sur place était du personnel compétent. Normalement, le gaz devait être coupé. Mais il y a eu un manque frappant de coordination. On a retrouvé des rapports de réunions parlant d'essais de gaz prévus pour ce jour-là. Personne n'était averti. Comment se fait-il qu'en sachant qu'on doit travailler sur la conduite, on programme des essais de gaz?

Claudio Paradisi. Avant, le personnel était assez nombreux et connaissait les installations. Maintenant, la sous-traitance fait des chantiers localisés et ne connaît pas l'ensemble des installations. Les restructurations provoquent un manque de personnel compétent. On laisse partir les anciens à la prépension sans former les nouveaux. C'est donc la responsabilité de Cockerill qui est engagée

Pensez-vous dès lors que la responsabilité de Cockerill sera mise en cause lors du procès?

Claudio Paradisi. Le problème, c'est que la loi est défavorable à tous les blessés de n'importe quel accident de travail. Un employé ne peut pas attaquer la responsabilité du patron.

Eric Dechany. Il est dommage de retrouver des blessés et d'autres travailleurs inculpés. Ils ont fait leur travail comme ils devaient le faire, en pensant être en sécurité La démarche suivie par le CDAST de plutôt se retourner sur Arcelor que sur les personnes est nettement mieux.

Laurette Onkelinx a déposé un projet pour changer la loi. Qu'en pensez-vous?

Claudio Paradisi. Elle devrait plutôt faire une loi pour responsabiliser le patron et organiser une meilleure indemnisation. Tant qu'elle ne fait pas ça, on n'a pas besoin d'elle. D'ailleurs, elle aurait au moins pu venir nous trouver personnellement pour nous demander notre avis. Tous ces gens, même le roi, qui sont venus le jour de l'accident, ont fait des promesses, mais rien n'a changé

Et l'idée syndicale de renforcer le nombre d'inspecteurs du travail?

Eric Dechany. Toute initiative est bonne, mais parfois, je me demande si le fait de devenir délégué n'éloigne pas les gens des travailleurs. Il faudrait surtout que les délégués syndicaux soient plus présents sur le terrain. A chaque accident, le délégué doit être prévenu, pour qu'il puisse accompagner la victime au dispensaire et dans toutes ses démarches.

Vous avez aussi décidé de prendre vous-mêmes les choses en mains. Comment?

Claudio Paradisi. C'est via le CDAST que nous sommes entrés en contact. Nous avons décidé de regrouper des victimes de l'explosion, des familles de victimes d'accidents précédents, et d'autres travailleurs. Nous nous rencontrons régulièrement, pour mettre toutes nos idées en commun. Ainsi, notre avocat, Alessandro Grumelli, même s'il n'y connaissait rien au départ, a plus d'arguments à faire valoir et peut déposer un dossier en béton. Et ça, c'est une force.

La loi doit rendre le patron responsable de la sécurité
Johan Vandepaer, médecin et conseiller communal PTB à Herstal, est très sensible à la question des conditions de travail et de sécurité dans l'entreprise. Nous lui avons demandé ce qu'il conviendrait de faire pour éviter les drames, comme celui d'Ougrée.

Comment avez-vous réagi, en tant que médecin et conseiller communal, après l'explosion de la cokerie?

Johan Vandepaer. J'ai moi-même été sidérurgiste, à Chertal, avant de devenir médecin, et je sais combien les conditions de travail sont dangereuses dans ce métier. Je suis très sensible à ce problème. La sécurité est d'ailleurs une des principales préoccupations des travailleurs.
J'avais déjà insisté, lors d'une émission Autant Savoir (RTBF) en décembre 2000, sur l'ampleur du problème: dans le monde, les victimes d'accidents du travail sont aussi nombreuses que les victimes de conflits militaires.
Lors de la commémoration organisée par le CDAST1, une semaine après la catastrophe à la cokerie, j'ai expliqué le lien entre la hausse inquiétante des accidents mortels et le rachat de Cockerill par la multinationale Arcelor. Les accidents sont une conséquence directe de la guerre économique que se mènent les multinationales américaines, européennes, japonaises La commémoration avait d'ailleurs elle aussi ce caractère international puisque outre les familles des victimes et des sidérurgistes de Cockerill, Sidmar et Arcelor Charleroi, on dénombrait des travailleurs d'Arcelor de France et d'Allemagne.
Au conseil communal de Herstal, Nadia Moscufo et moi-même avons déposé une motion dans laquelle nous demandions que les directeurs responsables de l'accident soient poursuivis en justice, que le statut d'Arcelor soit attribué à toute personne travaillant sur le site et que les délégués sécurité aient le droit d'arrêter la production s'ils estimaient que les conditions de sécurité n'étaient pas remplies. Nous demandions également des investissements d'Arcelor pour la sécurité. Et nous dénoncions le manque de personnel, à l'origine du drame. Nous avons en fait repris les alternatives du CDAST, qui nous semblaient fort judicieuses. Le bourgmestre n'a pas cru utile d'en débattre et est directement passé au vote. Tous les partis, PS et Ecolo y compris, ont voté contre notre motion, sans expliquer pourquoi. Dans cette affaire, le PTB a été la seule force politique à prendre ses responsabilités.

La proposition de loi Onkelinx, qui veut mieux contrôler les sous-traitants et confier la sécurité à des sociétés agréées, protègera-t-elle vraiment les travailleurs?

Johan Vandepaer. La proposition de loi Onkelinx contourne le problème. Elle dit qu'il faut désigner un expert pour enquêter sur les causes de l'accident, qu'il faut externaliser la sécurité, contrôler les sous-traitants et responsabiliser les sociétés d'intérim. Cette proposition fait beaucoup de concessions aux patrons. On déresponsabilise notamment le patron par rapport à la sécurité et on vide de sa substance le rôle des délégués sécurité hygiène. Qui d'autres que les gens de terrain sont plus habilités à reconnaître les situations dangereuses? Cette proposition de loi ne constitue donc pas une réelle protection des travailleurs.

Quelle législation faudrait-il alors, à votre avis?

Johan Vandepaer. Le plus important est de garantir que les responsables d'un accident grave ou d'un sérieux manque de sécurité soient poursuivis en justice. Et dans la foulée, il faut aussi constituer un fonds de défense des victimes d'accidents du travail, financé par le patronat. C'est un axe sur lequel je travaille depuis plusieurs années et j'ai bien l'intention d'obtenir un résultat.
Outre cette nouvelle loi, il est possible d'obtenir des changements concrets dans les entreprises mêmes. Il faut un audit sur la sécurité, organisé par les délégués et les travailleurs. Il permettrait, entre autres, d'évaluer les compétences et le nombre de personnes nécessaires pour travailler en toute sécurité dans une entreprise.

L'accident mortel du 7 octobre à Chertal montre une fois de plus qu'il faut réémbaucher des brigades de manutention (avec statut Cockerill) au niveau d'avant le plan Horizon 2000.
Il faut obliger les directions à écouter les travailleurs. C'est la question du droit syndical. Les délégués syndicaux doivent, comme je l'ai dit plus haut, avoir le droit d'arrêter la production quand ils estiment que les conditions de sécurité ne sont pas remplies.
Le travailleur doit également avoir le droit de refuser un travail pour lequel il ne se sent pas en sécurité. Il faut privilégier le travail à deux.
Enfin, il faut octroyer aux travailleurs de la sous-traitance et aux intérimaires le même statut que les autres travailleurs de l'entreprise. Leur donner les mêmes droits et les informer réellement sur les situations dangereuses, car les sous-traitants ne connaissent bien souvent pas l'entreprise dans laquelle ils sont envoyés.

On pourrait aussi mettre en place un système dans lequel les travailleurs plus expérimentés parrainent les plus jeunes dans l'apprentissage de leur travail. Savez-vous que les intérimaires, par exemple, ont deux fois plus de chances d'avoir un accident de travail?
En ce qui concerne plus particulièrement la sidérurgie, je constate que les accidents sont survenus après que la Région wallonne a vendu Cockerill à Arcelor. L'obligation de faire 15% de rendement financier a engendré des problèmes, notamment au niveau de la sécurité. Il faut donc une entreprise publique sidérurgique européenne, avec un statut de sidérurgiste européen pour tous ceux qui y travaillent.

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Leur vie valait plus que vos profits

«Il est 8h52. Je vous demande à tous une minute de silence…» Une intense émotion étreint les 150 personnes présentes ce mercredi matin devant l’entrée de la cokerie d’Ougrée (Liège). Trois ballons blancs s’envolent haut dans le ciel. Leonardo, Kaddour, Donatello,… Il y a juste un an, une terrible explosion leur a pris la vie et a blessé 25 autres ouvriers. L’hommage qui leur est rendu aujourd’hui est aussi une volonté d’obtenir justice.

Alice Bernard
22-10-2003

L’hommage est organisé à l’initiative du groupement des victimes, des familles des tués, de travailleurs et syndicalistes de Cockerill, et du Centre de Défense et d’Action pour la Santé des Travailleurs (C-Dast).

De nombreux ouvriers de la cokerie ont tenu à y assister, de même que plusieurs délégations des autres sites sidérurgiques du groupe Arcelor, numéro un mondial. Des responsables des deux syndicats sont également présents.

La voix brisée, Eric Dechany, gravement brûlé par l’explosion, prend la parole le premier: «Je veux juste dire qu’il ne faut pas oublier, il faut se battre pour la justice et exiger des changements, obtenir plus de sécurité.»

Il est suivi par Bernd Schull, responsable du syndicat IG Metal à l’usine d’Arcelor de Brême (Allemagne). «La mort de nos collègues il y a un an a été pour nous un signal. L’Onu et l’Unesco ont fait de la sécurité un droit de l’homme. Il ne suffit pas d’en parler, il faut que les responsables écoutent les travailleurs pour améliorer sans cesse la sécurité. Nous voulons que ce droit à la sécurité soit établi et préservé pour toujours dans toutes les divisions d’Arcelor.»

Joseph Lofurno et Jean-Marie Doyen, délégués sécurité CSC et FGTB, pointent quant à eux les restructurations et la soif de profit de la direction. Joseph Lofurno : «Les restructurations incessantes, l’annonce des fermetures, rendent le travail sur le terrain d’une extrême pénibilité. Là où naguère travaillaient 4 personnes, une seule aujourd’hui accomplit le boulot avec l’exigence d’une même rentabilité. Que penser d’une société qui fait l’impasse sur des morts et des blessés pour préserver les bénéfices de certains?»

Hypocrisie de la direction et des politiciens

«Le nombre d’accidents mortels est en constante diminution depuis 84-85» déclarera Jean Jouet, le numéro deux d’Arcelor, premier groupe sidérurgique mondial, ce mercredi 22 octobre au journal de 13h de la RTBF. Oserait-il venir répéter cela aux familles des six ouvriers tués dans le bassin de Liège depuis un an? Probable que non. Les six ouvriers tués travaillaient tous pour des firmes sous-traitantes, et ces morts-là n’entrent pas dans les statistiques de l’entreprise… La direction a néanmoins cru devoir organiser ce matin un arrêt des installations de toutes les usines Arcelor de Liège et une minute de silence à la cokerie d’Ougrée. Un hommage auquel les victimes n’ont pas été conviées…On leur vole même leur souvenir…

«Je veux épingler l’hypocrisie des politiques, et même du couple royal», a dit ce matin Freddy Visconti, sidérurgiste de Charleroi. «Ils sont venus se faire reluire devant les caméras de télé le jour de l’explosion, puis ils ont laissé les victimes seules dans leur coin. S’il n’y avait pas eu le C-Dast, rien n’aurait avancé. Je veux dire aussi que les menaces de fermeture amènent encore plus de danger dans l’entreprise. Il faudra exiger des investissements dans la sécurité jusqu’au dernier jour. »

En effet, les conditions de travail en sidérurgie ne s’améliorent pas. Dans la nuit du 6 au 7 octobre, Claudy Sauvage a trouvé la mort à Chertal. Johan Vandepaer, conseiller communal du PTB à Herstal, tient à lui rendre hommage également. «Je suis révolté. Il n’est pas normal qu’un ouvrier ne rentre pas le soir auprès de sa famille, qu’il doive laisser la vie ou rester mutilé jusqu’à la fin de ses jours à cause de l’usine. C’est parce qu’une poignée d’actionnaires veulent un rendement financier de 12 à 15% qu’on rogne sur le personnel et la sécurité. C’est inacceptable.

Un rapport accablant pour Arcelor

Au nom du C-Dast, les docteurs Laaouej et Krammisch ont rappelé que l’affaire n’en restera pas là. Avec les victimes, qui se transforment en combattants pour une meilleure sécurité (dix membres de la famille de Leonardo ont vendu cette semaine 300 roses à toutes les entrées de la cokerie), ils entendent bien continuer à se battre.
Jilali Laaouej : «L’auditorat du travail parle d’erreur humaine. Ça me met très en colère. Car c’est faux. Ce qui s’est passé il y a un an était prévisible. Et il est à craindre qu’il y aura encore de telles catastrophes, tant qu’il n’y a pas de responsabilisation de l’employeur envers la vie des travailleurs. La loi en Belgique doit changer. »

Hans Krammisch : «Le C-Dast a aidé les victimes à se rassembler, à trouver un avocat, à acheter une copie du dossier judiciaire (grâce à l’argent récolté par les ouvriers d’Arcelor-Allemagne) et à mener une contre-enquête. Nos conclusions mettent en cause la direction supérieure d’Arcelor. Deux brûlés ont demandé et obtenu des devoirs d’enquête complémentaires dans ce sens. Nous pèserons donc de tout notre poids sur le procès prévu en janvier, pour faire éclater cette vérité.»

Un rapport du ministère du travail, publié aujourd’hui par La Libre Belgique, semble bien leur donner raison. Il contient des éléments qui accréditent la thèse du C-Dast : certaines responsabilités et manquements graves à la sécurité incombent au plus haut niveau de l’entreprise.
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Kaddour, un héros ordinaire

Zehra et Kedda, deux sœurs de Kaddour Ben Chehida, sont venues de Charleroi et ont toutes deux pris la parole. L’une se demande si le patron a encore le courage de se regarder en face la matin quand il se lève. L’autre avait préparé un petit mot très touchant.
22-10-2003

Bonjour à tous et merci d’être venus si nombreux.
J’ai écris ces quelques mots hier soir, lors d’une nuit blanche, car je ne pouvais m’empêcher de penser que l’année dernière, dans la nuit du 21 au 22 octobre, Kaddour était vivant. Probablement qu’il dormait à poings fermés sans se douter un seul instant que ce serait sa dernière nuit sur cette terre. Certains d’entre vous l’auront certainement remarqué, je suis enceinte et donnerai naissance dans quelques mois à un enfant qui symbolise la vie.

Les philosophes diront que c’est cela le cycle de la vie. Pour une personne qui meurt, une autre naît. Mais cela nous le savons tous, tous ceux qui ont perdu un être aimé, que ce ne sont que des paroles.
Notre famille très unie et très restreinte avait jusqu’à ce fameux 22 octobre été épargnée, mais nous avons été frappés de plein fouet. Il m’a fallu perdre Kaddour pour comprendre réellement cette peine qui nous touche tous un jour ou l’autre.

Le 22 octobre 2002, comme tous les 22 octobre, j’étais heureuse et excitée de fêter mon anniversaire. J’étais en train de me demander si j’allais aller au restaurant avec mon fils ou si nous allions acheter un gâteau et faire une petite fête chez mes parents. Je me demandais si je recevrais beaucoup de coups de fil pour me souhaiter un bon anniversaire. Et effectivement, il y a eu un coup de fil, mais ce n’était pas celui que j’attendais.
Je terminerai en affirmant que Kaddour était un héros, pas de ceux qu’on voit dans les films hollywoodiens. Non, c’était un héros ordinaire, qui se levait tous les matins, faisait de nombreux kilomètres et travaillait pour nourrir sa famille sans jamais se plaindre. Un héros ne peut pas mourir sans but, sans raison. C’est pourquoi mon vœux le plus cher est que tout soit mis en œuvre pour que ce genre de catastrophe ne puisse plus arriver.

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Message personnel :
Comme le disait le camarade Joseph Lofurno, que je salue pour son engagement, nous devons penser aussi aux survivants des accidents. En effet, quel calvaire subit celui qui a été gravement brûlé. Un enfer sur terre. Et les autres, aux membres brisés, aux séquelles irréversibles. Des dizaines et de dizaines dont on ne parle jamais. J'en connais quelques-un qui ne savent plus que vous donner la main gauche pour vous saluer, tellement leur bras ou main droite sont abimés. Pensez-y. j'en connais d'autres qui sont obligés de se piquer tous les jours pour supporter les douleurs au dos pour pouvoir continuer à travailler. Pensez-y. Plus insidieux et pas du tout reconnu par notre société du profit, ce sont les camarades qui sombrent dans la dépression. Un autre genre de calvaire fort méconnu. Pensez-y. Je sais que c'est fort semblable dans beaucoup d'entreprises. Moi, je ne connais que la sidérurgie. Tous des gens courageux, chacun à sa manière. Un métier très souvent difficile, dur et dangereux. Je citerai, pour terminer, l'excellente intervention de la soeur de Kadour, un des tués de la cokerie d'Ougrée : <<Kaddour était un héros, pas de ceux qu’on voit dans les films hollywoodiens. Non, c’était un héros ordinaire, qui se levait tous les matins, faisait de nombreux kilomètres et travaillait pour nourrir sa famille sans jamais se plaindre. Un héros ne peut pas mourir sans but, sans raison. C’est pourquoi mon vœux le plus cher est que tout soit mis en œuvre pour que ce genre de catastrophe ne puisse plus arriver.>>. Nous sommes tous des Kadour.

Freddy Visconti
Militant FGTB
Arcelor-Carlam-Charleroi
22-10-2003