arch/ive/ief (2000 - 2005)

Bolivie 14-10-03
by Eric Leeuwerck Wednesday October 15, 2003 at 07:42 PM
chromosomie21@yahoo.fr 0059122810231 El Atlo

Durant la journée et la nuit de lundi à mardi se sont déroulés de violents et mortels affrontements dans les villes de El Alto et La Paz. En début d’après midi de la journée de lundi, les manifestations des différents secteurs opposés à la vente du gaz aux Etats-Unis sont parties de El Alto pour converger vers les mobilisations entamées dans la voisine ville de La Paz et ont tenté de se diriger vers le Palais Présidentiel, protégé par d’importants effectifs militaires.

El Alto, Bolivie, 14-10-03

Convulsion sociale en Bolivie.

Durant la journée et la nuit de lundi à mardi se sont déroulés de violents et mortels affrontements dans les villes de El Alto et La Paz. En début d’après midi de la journée de lundi, les manifestations des différents secteurs opposés à la vente du gaz aux Etats-Unis sont parties de El Alto pour converger vers les mobilisations entamées dans la voisine ville de La Paz et ont tenté de se diriger vers le Palais Présidentiel, protégé par d’importants effectifs militaires.

La mobilisation populaire exige la démission du Président de la République, Gonzalo Sánchez de Lozada, l’industrialisation des réserves naturelles de gaz bolivien en Bolivie, un référendum au sujet de l’exportation du gaz et l’abrogation de la loi d’hydrocarbures, entre autres.

Les caméras de télévision ont réussi à surprendre des francs-tireurs en train de se positionner sur les toits des édifices de La Paz, sur le parcours des manifestations prévues.

Dans la zone sud de La Paz, dans les quartiers de Ovejuyo et Chasquipampa, les habitants ont réussi à encercler un contingent militaire et de le faire échapper de la zone, avant de brûler le camion militaire qui l’a amenés sur les lieux.

C’est dans le quartier de Rio Seco de la ville de El Alto que la confusion et la violence sont arrivés à leur comble avec l’explosion d’une pompe à essence provocant la mort d’au moins six personnes et de nombreux blessés, amenés avec de grandes difficultés vers les hôpitaux, entassés dans des camionnettes servant d’ambulances de fortune. C’est aussi à Rio Seco que deux soldats auraient été exécutés par leur capitaine pour avoir refusé de continuer à tirer sur les manifestants. Les soldats sont des personnes très jeunes et souvent en train d’effectuer leur service militaire, les mères des soldats protestent contre ces affrontements fratricides.

Durant la nuit de lundi à mardi, la ville de La Paz a été complètement militarisée et les vigies ont repris à El Alto, en prévention d’éventuels pillages ou interventions policières, les affrontements se sont soldés par au moins quatorze morts, on arrive, depuis le début des conflits à un total de 74 morts. Devant les hôpitaux, de nombreuses personnes lisent avec anxiété les listes de blessés et de morts, il y a en effet de nombreux disparus, 22 corps sont arrivés aux morgues alors que l’on décompterait jusqu'à cinquante morts lors des derniers affrontements de la nuit et de la matinée, des rumeurs courent au sujet de l’armée qui ferait disparaître des corps.

Un impact de balle dans la nuque ou la tête est la signature des francs-tireurs, qui marque la majorité des corps veillés toute la nuit dans les différents quartiers de La Paz et de El Alto, et aussi ce bébé, enfoui dans ses couverture qui est mort asphyxié par les gaz lacrymogènes.

Suite à un silence de plusieurs jours, le Président de la République, Gonzalo Sánchez de Lozada a donné un discours lundi dans lequel il réaffirmait ne vouloir démissionner sous aucune condition, alors que son Vice-Président, Carlos Mesa annonçait qu’il n’appuyait plus son Président, sans pour autant démissionner.
Ce sont les Ministres de la santé, Javier Torres Goitia et le porte-parole du gouvernement, Mauricio Antezana qui effectuent maintenant les déclarations officielles se présentent aux médias au nom du gouvernement, alors que le Président de la République et le Ministre de la défense Sanchez Berzaín restent absents de la scène publique.
Le Ministre du développement économique à démissionné et le Maire de la ville de El Alto, Jose Luis Paredes, membre d’un parti de la coalition gouvernementale a pris opportunément la tête d’une manifestation vers La Paz ; le siège du parti populiste Nouvelle Force Républicaine (NFR) de La Paz a été saccagé et incendié, le domicile du président du deuxième parti du gouvernement, Jaime Paz Zamorra a failli subir le même sort.

De nombreux dirigeants politiques de l’opposition et dirigeants syndicaux sont entrés en clandestinité, face aux menaces de persécution politique dont ils sont l’objet, ainsi que des menaces de mort.

La matinée du mardi quatorze, El Alto s’est réveillée sur le pied de guerre où les places principales des différents quartiers sont le lieu de rassemblement pour des assemblées générales spontanées depuis le début de la grève civique, commencée il y a six jours dans la ville la plus jeune du monde, pour déterminer les actions de la journée et débattre des événements.

La Paz quant à elle a été traversée durant toute la matinée par un étrange cortège de voitures, aux plaques d’immatriculations camouflées conduites par des personnes masquées et escorté par un camion militaire. Ce convoi a été suivi à son insu par une caméra de télévision du canal A qui montre que cette mystérieuse caravane arrête et emmène de manière arbitraire plusieurs personnes présentes sur son passage vers des postes de police.

Le reste de la journée de mardi a été relativement calme, avant de nouvelles grandes mobilisations prévues pour mercredi, mais ce sont les villes de Cochabamba, Potosí, Sucre et Oruro qui se sont jointes aux protestations, la région du Chapare a été troublée par des confrontations entre les forces de l’ordre et les cultivateurs de la feuille de coca.

L’aéroport de El Alto a suspendu ses activités depuis 24 heures, de nombreux étrangers ont été évacués du pays, la pénurie en aliments se fait ressentir et les commerces ont leurs réserves vides à cause des blocages de routes des paysans destinés à étouffer La Paz et El Alto commencés il y a quatre semaines et demi, s’ajoutant à cela la grève des bouchers, boulangers et transports publics qui immobile entièrement les deux villes voisines.

Les négociations ne s’entament toujours pas entre opposition, dirigeants sociaux d’un côté et gouvernement de l’autre, le relatif calme de la journée de mardi annonce plutôt le calme avant la tempête.

Depuis El Alto, Eric Leeuwerck.