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Belgique étatique et Belgique habitante
by Mathieu Flament Wednesday October 01, 2003 at 12:09 PM
flamentmateo@hotmail.com

Belgique étatique et Belgique habitante: les initiatives passagères et/ou à long terme des habitants contre la politique répréssive belge face à son immigration.

Belgique étatique et Belgique habitante :

A propos des derniers événements de l’immigration nouvelle en Belgique et plus particulièrement à Bruxelles… Pour rappel, durant les vacances des afghans menacés d’expulsions investissent une église d’Ixelles et l’occupent pendant plus d’un mois, plus tard, à la rentrée pendant que le procès du système répressif et expulsif des immigrés incarné par des gendarmes zélés et des supérieurs décideurs inhumains devient une mascarade, des habitants de Saint – Gilles soutiennent leurs voisins latino – américains qui se sont fait sauvagement arrêter et expulser au mois d’août en montant un comité de voisins anti – expulsions… Ces événements démontrent plusieurs grands constats.

Premièrement, la justice en Belgique est injuste et est gangrenée par des rapports d’influences basés sur des pratiques qui donnent l’impression que lorsque la culture locale autochtone est en porte à faut, il y a des difficultés sinon des réticences à établir la vérité et la justice. Si comparaison n’est pas raison, je n’hésite pas cependant à comparer l’issue rapide du procès des intégristes conclu en deux ou trois mois avec celui (et d’autres) concernant les assassins de Semira qui tire en longueur… Tout porte à croire que lorsque des intérêts nationaux et donc des individus autochtones sont sur le banc des accusés, la justice serait plus attentive à retourner les faits dans tous les sens et à donner du crédit aux coupables « présumés ». Dans le cas contraire, la sentence est vite entendue. Ce constat de justice à deux vitesses démontre entre autres choses que la Belgique est orientée par une mentalité de belgo centrisme mais aussi statuto centriste. La Belgique de papa existe bel et bien. Lorsque une institution telle que la gendarmerie et donc le statut de gendarme est mise en faute, certains sont encore là pour penser que ces gars – là ont juste fait leur boulot… Si tel est le cas, ce sont de vrais couillons incapables de remettre en question leurs pratiques et les directives de leurs supérieurs fabricants de méthodes coussins. Cependant tel n’est pas le cas, les gendarmes tueurs de Semira ont fait leur boulot avec haine de la femme d’une part et de l’étranger d’autre part. Sans doute convaincus que « la Belgique, ah la belle Belgique avec son expo 58, ses bières et ses frites (celle de papa et ce ceux – là) ne peut pas accueillir toute la misère du monde et sûrement pas celle de Semira ». Ce constat que la Belgique n’est pas un Eldorado et qu’il ne peut accueillir les nouveaux immigrants, prend racine dans ce sentiment anthropocentriste qui prend lui même naissance dans le concept de nation et de nationalisme. Il est caractéristique d’un comportement de citoyen belge et fier de l’être renfermé sur lui – même ne tolérant les autres pays et donc les autres dimensions de notre planète qu’à partir d’un sentiment naïf et quelque peu stupide de touriste.

Deuxièmement, il existe un gouffre entre les aspirations de l’Etat gouverneur et les aspirations des citoyens. Les événements sus – cités démontrent bien que lorsque l’Etat décide, sous couvert de la lutte contre les loueurs de sommeil, d’arrêter des dizaines de clandestins, des citoyens (sans doute ouverts vers le monde) s’organisent pour défendre d’autres citoyens (dans le sens de citoyens du monde puisque le pouvoir leur refuse la citoyenneté nationale). Ce gouffre entre citoyen et dirigeant interpelle pourtant les pouvoirs en place. Sous l’égide d’une philosophie venue du Brésil de nouvelles pratiques dans la politique de ville se sont mises en place. Initialement, la philosophie Porto Alegre tente de rapprocher l’habitant de la gestion de son espace, de son quartier, de la ville dans laquelle il habite. A grand coups de propagande politique le Parti Socialiste et notamment Monsieur Elio Di Rupo ont mis en avant cette nouvelle idéologie de la ville gérée avec ses habitants. Il est toujours difficile d’appliquer une théorie à la pratique. On le voit actuellement à Mons où la politique de la ville est une véritable blague dans le sens où les habitants sont consultés certes mais à propos de thèmes pré – établis se limitant souvent à l’aménagement du territoire oubliant le reste, une réalité sociale que personne n’écoute. On reste donc « entre bonnes gens ». Le rapprochement avec les événements de l’immigration en Belgique sont perceptibles lorsque l’on met en avant ce gouffre habitant – citoyen – gouverneur.

A propos des initiatives d’entraide des habitants, il y a plusieurs précautions à prendre ou plutôt quelques réflexes qu’il faut précautionner… Ainsi, quand j’ai vu des voisins de l’Eglise des afghans à Ixelles rendant visite pour soutenir les grévistes, je ne pouvait pas m’empêcher de m’interroger sur la motivation de ces gens « au grand cœur ». Qu’y a – t – il derrière cette démarche, juste un geste de bonne conscience incitée par l’événement du moment ou y – t – il un combat, une résistance à long terme ? Sans doute les deux, selon les gens… En tous les cas, la réponse ministérielle fut longue à se faire attendre et finalement n’offre qu’une solution temporaire au problème « des afghans de l’Eglise d’Ixelles ». Je met cela entre guillemets pour souligner la focalisation de l’événement, et justement l’ instrumentalisation de cet événement en particulier. Pour ce cas précis, les médias ont forcément joué un grand rôle. D’un côté les médias ont servis la cause en assurant une transmission de l’événement mais d’un autre côté, les médias ont tout focalisé sur cet événement en particulier, oubliant et faisant passer à la trappe une autre grève de la faim à Liège. Je pense qu’un des éléments fondamentaux qui a opéré sur l’effet de focalisation de la grève de la faim des afghans a été qu’il se passait dans une église, espace hautement symbolique qui touche notre conscience collective et culturelle, hautement influencée par le christianisme. Il me semble donc que d’une part, de tels actes de résistance doivent se multiplier pour interpeller les gouvernants de notre à s’interroger sur leurs politiques (notamment) d’immigration et d’autre parts ces actes de résistance et de réclamation politique démontrent également l’importance de l’espace dans lesquels ils se passent. Dans l’esprit collectif local, l’occupation d’une église touche peut – être plus profondément les esprits (!) que l’occupation d’un bâtiment administratif.

Par ailleurs il me semble intéressant de s’intéresser à la portée dans le temps de ce genre d’action collective de résistance… Les gens qui ont participés à l’événement d’Ixelles en tant qu’événement s’intéressent – ils dans le fond à la problématique des sans – papiers, à la politique discriminatoire d’immigration de la Belgique et de l’Europe ? Quand ces gens votent est – ce qu’ils transcrivent dans leur choix électoral l’utopie réaliste dans laquelle ils se sont inscrits au moi d’août ou n’était – ce qu’un feu de paille de leur bonne conscience ?

En Belgique et en Europe (dans le monde…), il manque une véritable politique d’immigration en adéquation avec la réalité humaine. Cette politique au sens large, pas seulement limitée aux instances politiques en tant que telles, concerne aussi chacun d’entre nous, au jour le jour, dans notre quotidien… Et pas sur le coup d’une forte chaleur nous conduisant à l’église du coin pour y verser une aumône passagère de notre bonne mais bien piètre conscience… Ah, le bien que cela nous fait n’est – ce pas ?

Finalement, les utopies réalisables existent et sont différentes des utopies classiques et lorsque les utopies du passé sont en train de se réaliser aujourd’hui, elles sont déjà dépassée… par de nouvelles créées par la réalité des individus habitant « l’astronef terre » (voir Yona Friedman « les utopies réalisables » édition L’éclat, 2000).

Mathieu Flament
Date : Octobre 2003
Lieu : Souscription belge de l’aérospace Terre.