arch/ive/ief (2000 - 2005)

CANCÚN, MEXIQUE -- Alors que les protestations sont dans une phase de relative accalmie après les événements tragiques d’hier, la résistance à l’OMC et à ses politiques continue à s’étendre. Hier, les protestations au kilomètre zéro - le rond-point à l’entrée de la zone rouge, qui est devenu le point de convergence des actions de rue et le cœur de la contestation pour les protestataires - étaient surtout des veilles pacifiques à la mémoire de Lee Kyang Hae, le fermier coréen qui s’est donné la mort.

Vers 18h, des manifestants ont commencé à lancer des pierres et des bouteilles en direction de la police, retranchée derrière une nouvelle barricade qui a été dressée plusieurs dizaines de mètres plus près de la zone rouge que la précédente. Plus tard dans la soirée, à 20h30, un millier de manifestants ont quitté le Parque de las Palapas et ont pris la direction du kilomètre zéro dans un cacerolazo, un concert d’objets en métal et de poubelles, une forme de protestation très populaire en Amérique du Sud.

Alors que la manifestation revenait vers le parc, une poignée de manifestants ont démoli les vitrines d’un Pizza Hut sur l’Avenida Tulum et l’ont recouvert de graffitis. L’alarme du restaurant a immédiatement attiré la police. Quatre bus de policiers en équipement anti-émeute sont venus monter la garde pendant la réparation des vitrines du Pizza Hut. La police a bloqué la rue et établi un périmètre de sécurité.

Mais la résistance à l’OMC se répand également à l’intérieur de la forteresse où se déroulent les négociations commerciales. Un groupe de 21 pays a adopté une position commune de résistance à la pression des États-Unis et de l’Union européenne sur tous les points, des investissements à l’agriculture. Comme l’a déclaré Rafael Bielsa, qui mène la délégation des négociateurs argentins, à propos de la création d’un bloc plus large pour la négociation, «Nous avons créé ici de solides amitiés. Et nous obtiendrons davantage.» La Turquie vient de rejoindre le groupe, le transformant en G-22.

Ce groupe, qui représente des pays en développement, a également pris position avec fermeté contre l’hégémonie des États-Unis et de l’Union européenne. À propos de l’ouverture des négociations sur les questions de Singapour, qui représentent une menace pour la capacité des pays à légiférer et à appliquer leurs propres lois en matière d’investissement, les pays en développement ont annoncé qu’ils ne pouvaient pas entamer des négociations sur ces questions lors de cette conférence ministérielle, ces questions et leurs implications n’ayant pas été clarifiées. Interrogé sur les tentatives américaines et européennes d’accélérer le traitement des thèmes de Singapour en établissant un lien avec la limitation des subventions agricoles et l’amélioration de l’accès au marché, le porte-parole indonésien des pays en développement a déclaré: «Tout pays qui établit un lien entre les deux questions [investissement et agriculture] est très égoïste. Et c’est ce pays qui veut voir échouer les négociations.»

Les ONG s’opposent elles aussi résolument à l’OMC. Via Campesina a tenu une conférence de presse improvisée qui a démarré comme un petit rassemblement de journalistes, puis a rapidement pris des proportions telles qu’elle a pris possession d’une salle de presse de la taille d’un auditoire.

Les journalistes et photographes ont envahi la salle lorsque les campesinos (paysans de la Via Campesina), rejoints par un porte-parole de l’organisation des fermiers coréens, se sont dirigés vers l’estrade pour tenir une conférence de presse entre des fleurs et des pancartes «L’OMC TUE LES FERMIERS». L’objectif de la conférence de presse était d’informer les médias et tout le monde dans le bâtiment que le suicide de Kyang Lee était un acte politique de protestation contre les politiques de l’OMC, qui montre la gravité de la situation des fermiers partout dans le monde. Comme l’a répété le porte-parole coréen, «Dans mon pays, les suicides de fermiers sont fréquents à cause des dettes que ceux-ci doivent contracter en raison des politiques de l’OMC.» Suite à des perturbations similaires dans la zone réservée à la presse, l’OMC a officiellement banni des conférences de presse les représentants des ONG.

La résistance a toujours existé à l’extérieur des réunions de l’OMC et elle continue à grandir. Mais aujourd’hui, les gouvernements de certains pays, en particulier les plus petits, s’unissent pour résister à l’exploitation organisée par les pays riches via les politiques de l’OMC. Comme l’a déclaré le porte-parole des pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), «La question n’est pas de savoir s’ils peuvent nous diviser. La question est: resterons-nous unis?» Ce que proclame la résistance des deux côtés de la barricade, c’est que l’OMC est une institution en faillite sur les plans moral, éthique et de la légitimité.

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