arch/ive/ief (2000 - 2005)

Pour Semira Adamu
by contribution anonyme Wednesday September 10, 2003 at 09:58 PM

en ce matin d'injustice

Jamais justice ne sera rendue à Semira Adamu parce que les mécanismes de fonctionnement de la société dans laquelle nous vivons empêchent de poursuivre les responsables politiques des expulsions des réfugiés et des sans-papiers. Le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à la poursuivre devant les tribunaux de ceux qui décident d’une politique qui pour être mise en œuvre exige la perpétration de crimes et de délits de droit commun, comme c'est le cas de la législation sur les étrangers. Il ne faut pas être très malin pour comprendre que pour expulser une personne contre son gré, il faut utiliser une violence psychique ou physique illégale. En votant des lois comme la loi du 15 décembre 1980 et toutes ses modifications de plus en plus répressives, les parlementaires savent que ce qu’ils font aboutira à des violences et à la mort d’êtres humains. Pourtant , ils posent un acte légal et ne seront pas poursuivis. C’est immoral mais c’est ainsi. Et, le silence assourdissant de ces personnes élues, toujours promptes à se faire entendre d’habitude, est là pour attester qu’elles n’ont rien à dire à propos des victimes de leur politique parce qu’elles ont fait le choix de servir les puissants. Le silence des ministres, toujours prompts etc…Le silence tout court, à peine ébranlé mais heureusement ébranlé, par ceux qui étaient venus au Palais de Justice ce matin du 10 décembre 2003 pour crier leur haine du silence qui tue mais qui ne purent pas entrer dans la salle d’audience parce que cette salle était bourrée, jusqu’à en vomir, de policiers plus vrais que nature où l’on reconnaissait ceux qui frappent dans les manif’, ceux qui dirigent ceux qui frappent et qui avaient aux lèvres un sourire de chiens de garde.

Lequel d’entre ces types a pleuré en voyant l’image de Semira torturée en direct sur fond de musique d’ascenseur ? Lequel a tourné la tête et s’est dit: « moi, j’aurais pas pu ». Je n’ai rien entendu. Pas un mot de regret, pas un regard gêné. Ils sont là, prêts à servir encore les silencieux du moment qui votent les lois qui tuent et les autres silencieux qui mettent en œuvre les lois qui tuent. Comme c’est facile et comme tout cela est mal fait pour les faibles, les hésitants, les paumés. Comme c’est facile d’être le tueur des pauvres. Comme ils doivent rigoler ces flics, d’avoir la justice et les procureurs de leur côté, mijotant indécents, dans le même salon où l’on refuse les pauvres gens. Comme je suis heureuse de ne pas partager leur pitance de vestiaires de commissariats, de pas être au service, ni de près ni de loin, des expulseurs, des retourneurs de pateras, des enfermeurs d’enfants, des constructeurs de centres fermés, des dérouleurs de barbelés, de ne pas évoluer dans l’ombre de l’ombre de ministres capables de signer des circulaires qui prônent l’usage de coussins, de menottes, de calmants, de camisoles de force, de masques à étouffer et de je ne sais quelles méthodes abjectes pour enlever la vie à ceux qui n’ont d’autres biens sur terre que la vie justement. Comme je me réjouis de ne pas devoir serrer la main des procureurs qui jouent aux défenseurs de flics, de ne pas devoir saluer les juges qui vont peut-être suspendre le prononcé du jugement des assassins de Semira Adamu, de ne pas être de leur bord, du bord d’où l’on renvoie par-dessus bord les clandestins cachés au fond des cales. Non, jamais justice ne sera rendue à Semira, jamais, si ce n’est le jour où les lois d’exception contre les étrangers seront abrogées, où les expulsions seront rendues illégales, où les centres fermés seront vides et détruits pour que personne jamais plus n’y cauchemarde sa vie.

10.09.03