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Procès Sémira: Résumé de la première audience
by Par Griet (traduction Joëlle et Daniel) Wednesday September 10, 2003 at 06:51 PM

Comme beaucoup de gens n¹ont pas pu entrer dans la salle d¹audience, et que presque toute la discussion a été menée en néerlandais, j¹ai trouvé utile de rédiger ce petit résumé écrit rapidement, sans trop de commentaires. Il y a matière à une analyse plus détaillée, mais c¹est un peu tôt : la partie civile (= les avocats de la famille Adamu) et la défense (= les avocats des tueurs) n¹ont pas encore plaidé.

À partir de 8h, une bonne cinquantaine de policiers, mobilisés par leur "
syndicat " se sont postés à l¹entrée. Entre eux, certains plaisantaient. Ils
faisaient aussi des commentaires : " On passera certainement à la TV, mais
ce sera présenté comme un fait divers ordinaire ". Leur but était d¹occuper
un maximum de place dans la salle pour que les sympathisants de la partie
adverse ne soient pas nombreux à assister au débat. Ainsi, le tribunal subit
une pression unilatérale.

1. Projection du film : Semira, menottée, pieds et poings liés, est
incapable de se débattre, elle s'assied dans l'avion et chante. Puis, sans
qu'elle fasse le moindre geste, elle est étouffée. On voit les gendarmes
presser le coussin et on en voit un rire. Images insupportables, un " snuff
movie ".

2. Témoignage de celui qui a filmé: pourquoi a-t-il filmé? Consigne de
filmer dans les cas où des incidents sont possibles, depuis un incident
similaire, des années auparavant. " J¹ai trouvé les images tout à fait
normales ", dit le gendarme-cameraman.


3. Le médecin légiste fait son rapport : Semira est morte d'un manque
d'oxygène au cerveau, sans qu'aucune autre pathologie ne puisse en être la
cause. On l'a pliée en deux et appuyé sa tête sur le coussin posé sur les
genoux d'un gendarme. Cette position aurait déjà en soi pu causer la mort.
Elle était ceinturée avec les mains dans le dos, et les accoudoirs étaient
abaissés, accentuant la pression. Le coussin obstruait son nez et sa
bouche, elle a tourné la tête, l'agent Cornelis a réappliqué son visage sur
le coussin. Lorsqu'elle a déféqué, signe d'entrée dans le coma, les
gendarmes ont pris cela pour un acte de résistance et l¹ont aspergé d'eau de
Cologne. Les gendarmes, durant son coma, ont continué à appuyer, il est
possible qu'elle ait eu un dernier spasme, mais le coma est devenu
irréversible après quelques minutes. Cornelis a prétendu qu'il entendait
Semira respirer. Mais vu le vacarme ambiant, c'est impossible. Le médecin
légiste confirme que la technique du coussin est très dangereuse,
contrairement aux risques "minimes" dont parle la circulaire.

4. Question de l'avocat de la famille de Semira: est-il douloureux de mourir
ainsi? Réponse: un stress énorme.

5. D¹après ce que j¹ai compris, voici ce que dit le Procureur du Roi dans
son réquisitoire :
La vidéo a été filmée dans le but de montrer que tout s¹est passé dans les
règles. On voit une mort tragique, sans intention de la donner. On assiste a
ça régulièrement, mais aujourd'hui ça mobilise beaucoup de monde, parce que
Semira a personnalisé une résistance contre le monde tel qu'il est
aujourd'hui, sans communauté mondiale ni libre circulation des personnes. Le
Collectif contre les Expulsions a soutenu Semira dans sa résistance. Dans
les années 30 aussi il y avait des idéalistes aux pratiques altruistes ( S)
( ?)
L'humanité n'a pas aujourd'hui les moyens de rendre le monde vivable pour
tous. (petit chapitre sur l'Argentine et les réalités socio-économiques
mondiales ? ?).
Chapitre sur l'arrivée en Belgique de Semira et la chronologie jusqu'aux
expulsions. A cause de l'action du collectif le sort de Semira Adamu est
partagé par toute la société belge.
Le 22 septembre 98, avant de monter dans l¹avion, Pippeleers et Cornelis
ont voulu lui parler, elle a refusé l'entretien rituel. Le procureur décrit
comment elle a été emmenée menottée, comment elle a été introduite dans
l¹avion, avant les passagers et séparés d¹eux par une haie de gendarmes. Il
est clair pour le procureur que la " résistance de Semira " dont a parlé
Cornelis dans ses déclarations n¹a jamais existé.
L¹étouffement a provoqué le coma, mais c¹est seulement quand la tension
musculaire de la victime s¹est relâchée que les gendarmes ont lancé
l¹alarme.
Pippeleers et Cornelis ont déclaré que tout s¹est passé selon les règles.
Ensuite le procureur a démonté un par un les mensonges flagrants qui
figuraient dans les déclarations écrites des gendarmes. Il a qualifié la
déclaration de Cornelis d¹ " exemplaire ". Par exemple, Cornelis écrit que
Semira était menottée avant de monter dans l¹avion, mais pas fortement : il
y avait entre ses mains un espace de 15 à 20 cm. La vidéo montre que c¹est
un mensonge flagrant, ce que confirme le procureur. Cornelis a aussi écrit
qu¹elle avait essayé d¹enlever sa ceinture de sécurité parce qu¹elle n¹était
pas menottée fermement. Le procureur montre que c¹est un mensonge. Dans la
déclaration de Cornelis, le procureur a aussi lu que Semira criait et
faisait un " show ". Il parle d¹une attitude " hystérique et agressive ". Le
procureur dénonce tout ça, sur base de la vidéo : si c¹était vrai, pourquoi
est-ce que les gendarmes, avec tout leur " bon sens ", n¹ont justement pas
filmé ce comportement ?
Le capitaine Vandenbroecke a prétendu qu¹elle avait hurlé " je ne suis pas
une criminelle " tout en se débattant avec les bras. Le procureur montre que
c¹est impossible avec les menottes.
Le procureur reprend le récit neutre des médecins légistes : la tête de
Semira était entièrement enfouie dans le coussin, cette technique est
médicalement risquée, la brutalité des gendarmes était disproportionnée par
rapport à la situation. La mort est purement et simplement le résultat de la
procédure utilisée, il n¹y a aucune autre cause. Il est évident que
l¹histoire de la " rébellion " est fausse.

En terminant son réquisitoire, le procureur change progressivement de
registre, et parle de moins en moins fort. Les gendarmes ont fait de graves
fautes professionnelles. Qui n¹a jamais commis de faute professionnelle ?
Le procureur fait état des rapports psychiatriques des accusés. À part
Pippeleers qui a déjà été sanctionné pour une faute semblable, il mentionne
qu¹ils ont tous eu une " carrière sans tache ". Aucun n¹a une pathologie,
ils sont sociables, n¹ont pas de comportement socialement déviant.
En parlant dans sa barbe et l¹air gêné, le procureur finit par murmurer les
peines qu¹il réclame. Difficile à saisir, mais nous avons compris ceci : le
ministère public requiert l¹acquittement pour les deux supérieurs
hiérarchiques, et la suspension du prononcé pour les autres, sauf peut-être
pour Pippeleers, peine avec sursis.

Une honte. Ce que demande le procureur ressemble à un cadeau (de l¹État à
ses fidèles agents).