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Le proces des gendarmes / Sémira Adamu: le film
by Frédéric Th Wednesday September 10, 2003 at 06:18 PM

Le film présenté lors du procès des 5 ex-gendarmes qui ont assassiné Semira Adamu...

LE PROCES DES GENDARMES / SEMIRA ADAMU : LE FILM


Cela commence comme un film policier… Une femme, noire, marche entre deux hommes le long de couloirs aseptisés. Tout a la couleur uniforme du silence. Elle marche lentement – ses chevilles et ses poignets entravés par des menottes. Elle passe de couloirs en couloirs jusqu’à déboucher sur un parking où on la fait monter dans une camionnette banalisée. Puis, on la voit, toujours entre ces deux hommes, monter dans un avion. Elle s’assoit – ou, plutôt, on l’a fait asseoir - entre les deux hommes. Un autre homme s’assit devant. Un autre encore n’est pas loin. Le dernier ne cesse de filmer. Ces hommes parlent entre eux. Ils plaisantent. Ils l’ignorent. Elle n’existe pas. Alors, le visage dur et calme, tout doucement, elle se met à chanter une chanson très belle dont on ne comprend pas les paroles mais qui doit parler de choses toutes simples, de choses de tous les jours, d’amour, et de lutte…

Mais il y a une coupure et l’on passe à une autre séquence. Au début, on ne comprend pas. On ne l’a voit plus tandis que l’homme qui était à sa gauche est à moitié debout, appuyé sur quelque chose et que l’autre, celui qui était à sa droite, est recroquevillé. Puis la caméra bouge et on comprend… elle est là : l’homme derrière-elle tort ses poignets, toujours menottés, et de son coude, enfoncé dans son dos, la maintient pliée en deux, tandis que l’autre écrase sa tête sur un coussin. Un troisième homme vient, derrière, aider les deux autres, et appuyer de toutes ses forces sur le dos de cette femme pour la maintenir comme ça. Pliée, immobile. Un autre encore est tout prêt et les conseille. Ils parlent entre eux. Parfois, ils grimacent sous l’effort. Parfois, aussi, ils plaisantent et rient. Oui, ils rient. Cela dure longtemps, atrocement longtemps.

Dans l’avion, il y a une petite musique d’ambiance. Il y a des hommes qui passent et repassent et des hôtesses qui vaguent à leurs occupations. Il y a surtout cette indifférence disciplinée comme si cela ne les concernait pas, comme si il ne se passait rien. Et on aimerait savoir ce que tous ces gens pensent, on aimerait leur demander ce qu’ils pensent de tout ça ? Puis le film s’arrête brusquement. Voilà, c’est fini.

Ce film n’est pas une fiction ni un documentaire. Il ne passera pas dans les salles de cinéma et on ne pourra pas le louer en vidéo. C’est l’expulsion et l’assassinat de Semira Adamu, le 22 septembre 1998, filmés par les gendarmes eux-mêmes. La vidéo a été montrée, ce mercredi 10 septembre 2003, lors de la première séance du procès des 5 ex-gendarmes chargés de l’expulsion de la jeune nigérienne, dans une salle remplie très largement de policiers, hostiles, venus soutenir leurs collègues et tout justifier au nom d’un ordre et de la loi.

Ce film qu’on ne montrera plus, que personne ne verra, il faut le raconter pour ne pas oublier, pour ne pas mentir, pour dire jusqu’au bout des larmes, du dégoût et de la colère ce qu’est une expulsion, ce qu’est la violence d’Etat. Et de rappeler ces quelques évidences : personne ne peut gommer sa responsabilité dans l’obéissance à une loi ou à un ordre ; il n’y a pas d’expulsion « propre » ou « humaine » ; et quand une loi est injuste, il est juste de désobéir.

Frédéric Th
10/09/2003

Ebrahim
by Mamunda Saturday September 13, 2003 at 02:05 AM

Que justice soit faite!