Les journalistes trouvent que c'est calmequand seuls les Palestiniens meurent by Fairness & Accuracy In Reporting Sunday August 24, 2003 at 11:15 PM |
FAIR est un organisme américain de surveillance médiatique fondé en 1986, qui milite en faveur d'une plus grande diversité d'opinion dans la presse, et pointe les pratiques des médiaslorsqu'elles marginalisent l'intérêt public, les minorités et les points de vues dissidents. Opposée à la censure, elle révèle des informations négligées par la presse et prend la défense des journalistes lorsqu'ils sont muselés.
L'attaque suicide meurtrière du bus de Jérusalem le 19 août était prévisible après les deux attaques suicides intervenant une semaine plus tôt , dans lesquelles deux Israéliens avaient été tués. Alors que les médias américains avaient eu tendance à décrire ces attaques comme étant un retour à la violence après une période de calme relatif, beaucoup de tueries qui ont eu lieu dans les semaines précédentes ont conduit aux attaques suicides. Cela démontre le manque d'équité porté aux pertes de vies dans le conflit israélo-palestinien.
Quand les deux Palestiniens «kamikazes» ont chacun tué un civil israélien en plus d'eux-mêmes le 12 août, les médias américains ont immédiatement dépeint les attaques comme étant une résurgence apparente de la violence au Proche-Orient. «La trêve d'été brisée en Israël», a annoncé CBS (12/08/03) alors que NBC (12/08/03) a annoncé que «les attaques ont brisé plus d'un mois de silence relatif». Le Los Angeles Times (13/08/03) a écrit que les attaques suicides avaient «cassé une période de six semaines pendant laquelle les gens de ce pays fatigué de la guerre avaient jouit d'un calme relatif».
Pendant cette période de six semaines de «calme relatif», néanmoins, quelque 17 Palestiniens ont été tués, et au moins 59 autres blessés par les soldats d'occupation et par des colons, d'après le Croissant Rouge Palestinien. Parmi ces morts, Mahmoud Qabha, un garçon de 4 ans , qui était assis sur le siège arrière d'une jeep avec sa famille. Un soldat israélien a tiré une rafale de balles sur la jeep à un check-point - et l'armée a appelé cela simplement «une rafale de balles accidentelle» (Associated Press, 25/07/03). Pratiquement aucun des reportages principaux aux États-Unis sur les attaques suicides du 12 août n'ont fait allusion au nombre de victimes palestiniennes pour cette période, laissant ainsi de côté une des pièces majeures de l'histoire. La violence n'a jamais cessé pour les Palestiniens de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Alors que les attaques israéliennes avaient diminué, il n'y a jamais eu quelque chose ressemblant à un cessez-le-feu israélien.
Un rapport d'Associated Press le 19 août (déposé juste avant l'attaque suicide) a reconnu que depuis le 29 juin, «plus de 20 personnes avaient été tuées des deux côtés». Ce qu'il n'a pas fait remarquer, c'est que sur ces «plus de 20», 21 au moins étaient palestiniens, selon le Croissant Rouge.
Après plus d'un mois et demi pendant lequel des Palestiniens se sont fait tuer plusieurs fois par semaine et dont on n'a pratiquement pas parlé, le Washington Post et le New York Times ont tous deux mis les attaques suicides en première page le 13 août, chacun déclarant que la violence était une rupture des semaines de «calme relatif», et chacun mettant une photo des familles des victimes endeuillées. USA Today a aussi inclus une photo des familles des victimes sur sa première page avec le titre: «Deux attaques suicides brisent l'accalmie de six semaines dans le conflit». On peut avoir de l'empathie vis-à-vis des pertes des survivants, tout en reconnaissant que les familles des Palestiniens qui sont morts pendant «l'accalmie» étaient virtuellement invisibles.
Sur CNN, les attaques suicides du 12 août ont fait la une avec huit reportages séparés parlant des attaques sur une période de trois heures. Le présentateur Wolf Blitzer a déclaré: «un retour sinistre aux jours de combat en Israël et dans les territoires palestiniens». Son collègue Aaron Brown s'est fait l'écho sur le même thème, notant «qu'après une période de calme relatif, une vague majeure de la violence a déferlé en Israël et dans les territoires palestiniens». Le correspondant Jerrold Kessel a annoncé que les attaques suicides «jetaient un doute sur la viabilité du processus de paix connu en tant feuille de route pour la paix».
Ces attaques ont tué quatre personnes dont les «kamikazes». Quatre jours auparavant, le 8 août , deux Palestiniens et un Israélien ont été tués lors d'un raid israélien sur un militant soupçonné, et deux Palestiniens de plus ont été tués lors du rassemblement qui s'en est suivi: un par balles et l'autre à cause des gaz lacrymogène israéliens (Chicago Tribune, 09/08/03). Mais ces trois morts - la plupart palestiniens - ne sont pas considérés sur CNN comme étant «une vague déferlante de la violence» ou «un retour sinistre aux jours de combat». Au lieu de cela, le présentateur Carol Costello (08/08/03) a suggéré que le raid israélien «pourrait être juste une autre tache, ou si vous voulez un cahot, sur la feuille de route vers la paix».
La tendance des médias de minimiser ou d'ignorer complètement la souffrance et la mort palestiniennes n'est pas nouvelle. Fin 2001 et début 2002 par exemple, un cessez-le-feu branlant déclaré par Arafat a abouti à très peu de morts israéliens, mais des morts palestiniens continus - et les médias américains ont tout le temps parlé de cette période comme étant une période de «calme relatif» (FAIR Action Alert, 10/01/02; 05/02/02)
Afin de transmettre la crise au Proche-Orient dans toute sa complexité, les journalistes doivent prendre sérieusement en compte la violence dont souffrent toutes les communautés. Des références au «calme relatif» alors que des Palestiniens sont tués tous les jours ne servent qu'à banaliser la vie humaine et à voiler le cycle de violence qui affecte la région.
Traduit de l'anglais par Ana Cleja