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[sommet OMC de Cancún] Le commerce au service du développement durable... et pas l'inverse
by Plate-forme belge pour Cancún Sunday August 24, 2003 at 01:07 PM
[posted by duende]

La cinquième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se tiendra à Cancún (Mexique) du 10 au 14 septembre prochain. Dans cette perspective, les syndicats, des organisations non gouvernementales, des associations et mouvements de la société civile se sont retrouvés pour en appeler à une prise de conscience du rôle joué par l'OMC dans l'ordre mondial. Cette institution apparaît comme le vecteur le plus puissant d'une mondialisation injuste qui participe à l'approfondissement des inégalités.

Il est urgent de remettre l'OMC à sa place. Le commerce est une dimension du développement économique qui n'est qu'un des trois piliers du développement durable - à côté du développement social et du développement environnemental. Les règles du commerce ne peuvent donc en aucun cas prendre le pas sur la mise en œuvre des normes sociales ou environnementales.

Deux points dominent l'agenda de la prochaine conférence ministérielle de l'OMC :

  1. Accélérer le processus de négociation enclenché à Doha en 2001, improprement baptisé « cycle du développement » et qui n'a pas encore porté de fruits… Surtout pour les pays qui, précisément, sont en développement.
  2. Prendre la décision d'élargir les négociations à de nouvelles matières (« new issues ») comme l'investissement, les marchés publics, les règles de concurrence et la facilitation des échanges.

Les organisations signataires appellent le gouvernement belge à tout mettre en œuvre au cours de cette conférence pour mettre fin au caractère ultra-libéral de l'actuelle mondialisation. Le dogme d'une libéralisation illimitée ne conduit pas à une croissance et à un bien être partagés. Le processus de libéralisation de l'économie se fonde sur des principes impitoyables de compétitivité : les Etats, les gouvernements, les populations et les travailleurs sont dressés les uns contre les autres. Et cette compétition se réalise au détriment des protections sociales, des conditions salariales, des conditions de travail, de la qualité de vie pour toutes et tous, des intérêts environnementaux ou publics, des marges de manœuvres pour les politiques de santé, d'éducation, de bien-être des animaux… On ne construira pas un paradis économique sur un cimetière social, environnemental, culturel et politique.

En ne prenant en considération que la question des obstacles au commerce, l'OMC favorise le dumping social et environnemental. Le développement de « disciplines » dans lesquelles devront s'intégrer progressivement les législations nationales place les gouvernements sous la tutelle de l'OMC.

Sous couvert de démocratie (un pays, une voix), l'organisation mondiale du commerce est, dans les faits, gouvernée par les pays riches. A travers elle, ils imposent aux pays en développement un modèle qui n'est ni durable ni adapté. Des règles qui pourraient valoir pour les économies développées ne peuvent produire les mêmes effets dans les économies qui ne le sont pas. Cette réalité conduit à la production d'accords qui protègent surtout les industries du nord, au détriment des intérêts de la majorité des membres de l'OMC. Ce n'est ni sain, ni durable, ni démocratique.

Il est donc indispensable de revoir les processus de décisions pour les rendre plus transparents et pour permettre une participation réelle de tous les Etats membres. L'intégration de l'OMC dans le système des Nations unies constituerait une avancée dans ce domaine.

Par ailleurs, il est indispensable de réaliser une évaluation approfondie des conséquences économiques, sociales y compris en terme d'égalité de genre, culturelles et environnementales des politiques de l'OMC. Il faut tenir compte des résultats de cette évaluation pour réorienter ses politiques en tenant compte des dangers de dumping social et environnemental.

A la lumière de la crise internationale, les organisations signataires en appellent donc à un renforcement des accords multilatéraux dans le cadre onusien. La gestion du nouvel ordre mondial doit, en effet, être confié à l'ONU et à ses agences (OMS, FAO, Programme des nations unies pour le développement, Programme des nations unies pour l'environnement). De même, l'OIT ne peut plus rester le parent pauvre de l'OMC, du FMI ou de la Banque mondiale. Un cadre global, social et environnemental doit être défini pour le développement économique.

Pour le gouvernement belge, la conférence de Cancùn devrait, en outre, être l'occasion de mettre en évidence plusieurs constats :

  • Les aspects sociaux sont absents de l'agenda de Doha et de Cancùn. Pourtant le commerce international ne peut être découplé des normes sociales fondamentales. Il est indispensable de définir un plancher de normes sociales au niveau mondial qui ne pourrait être remis en cause par les négociations sur la libéralisation du commerce. La 5ème conférence ministérielle doit être l'occasion de rapprocher l'OMC et l'OIT de manière à garantir une coordination des politiques commerciales et sociales.

  • Dans la déclaration de Doha, les aspects environnementaux ont été mis à l'ordre du jour pour la première fois. La démarche reste assez limitée et ambiguë. Afin de protéger l'environnement des effets négatifs de la libéralisation, il faut que l'OMC s'inscrive dans les accords multilatéraux sur l'environnement. Par ailleurs, des efforts doivent être entrepris pour d'aboutir à des accords environnementaux plus stricts. Les mesures environnementales ou de protection de la santé, basées sur le principe de précaution, de même que les normes de production ne peuvent plus être considérées comme des entraves au commerce ;

  • Le thème du développement figure à l'agenda de l'OMC et les pays en voie de développement ont d'ailleurs clairement énuméré leurs demandes : transparence et participation, mise en pratique du traitement spécial et différencié des pays en voie de développement, résolution immédiate des problèmes liés à la mise en oeuvre des accords comme l'accès aux médicaments. Les pays industrialisés laissent ces dossiers en veilleuse, afin de pouvoir les utiliser comme monnaie d'échange en vue de réaliser leur propre agenda (comme l'élargissement des compétences de l'OMC, par exemple). Il faut mettre fin à ces pratiques et des avancées en ces matières doivent absolument être enregistrées avant Cancún ;

  • Hormis une réforme de l'organe de règlement des différents, aucune question institutionnelle n'était à l'agenda de Doha. Plus de démocratie et de transparence dans les processus de décision de l'OMC s'imposent. Ceci implique de mettre fin à la confusion entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire au sein de l'organisation, à la pratique du secret qui affecte le fonctionnement de la plupart de ses organes, à la pratique de la « green room » et des conférences « Mini-ministérielles » ou à l'artifice démocratique que représente la méthode du « consensus ». Au niveau européen, le mandat de négociateur unique confié à la Commission européenne doit faire l'objet d'une approbation et d'un contrôle parlementaire direct à l'issue d'un débat public. En Belgique, un rapport parlementaire contraignant doit être adressé annuellement au gouvernement après audition des ONG, des syndicats et des associations ;

  • Les services publics et les services d'intérêt général doivent être exclus du champ d'application de l'AGCS (libéralisation des services). En effet, ces services doivent continuer à jouer pleinement leur rôle social sans être menacés de privatisation ou de dérégulation. Les capacités de régulation des gouvernements ne peuvent pas être réduites par le secteur privé via des disciplines de l'OMC. Les autorités gouvernementales doivent également pouvoir revenir sur des mesures de libéralisation qui occasionnent des conséquences désastreuses. Cette rectification doit pouvoir s'effectuer dans des délais raisonnables et surtout ne pas donner lieu à des compensations. Vu le rôle primordial que joue le secteur financier dans la stabilité et le développement économique, des libéralisations dans ce secteur ne peuvent être entamées qu'avec la plus grande prudence ;

  • Au niveau de l'agriculture, aucune avancée n'a été enregistrée. Les prix du marché ne sont pas représentatifs de la réalité sociale de la moyenne des exploitant-es. Ceci est en partie dû à la libéralisation des marchés de l'agriculture et aux subventions à l'exportation. Souvent, ces mesures conduisent à la destruction d'exploitations familiales et d'emplois. C'est pourquoi les soutiens directs ou indirects doivent être supprimés. Les subventions agricoles actuelles doivent être réorientées vers le développement durable local, par exemple en luttant contre la pauvreté rurale, en améliorant les conditions de travail ou en promouvant le bien-être animal et la durabilité écologique. Les pays, particulièrement ceux en développement, doivent pouvoir se protéger contre les importations de produits bon marché en prenant des mesures de réduction des importations (comme des prélèvements ou des limitations quantitatives). Les pays riches doivent, de leur côté, octroyer des accès privilégiés à leur marché aux pays en développement. Enfin, des accords internationaux doivent être conclus concernant la régulation de la production (entre autres sous formes de quotas), afin d'enrayer la surproduction mondiale et la chute des prix ;

  • Le contentieux concernant l'accès aux médicaments a encore aggravé la controverse concernant l'accord sur les droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce (ADPIC). Rédigé sous la pression du lobby pharmaceutique, l'ADPIC entraîne la privatisation des savoirs et du vivant, favorise la constitution de monopoles, mine la convention sur la biodiversité (CBD), dénie au plus grand nombre le droit aux soins et aux médicaments et empêche les pays pauvres d'améliorer leurs niveaux de vie et de développer leurs savoir-faire techniques. Il est donc nécessaire de sortir l'ADPIC de l'OMC. L'eau, l'air, les semences et le vivant doivent être considérés comme des « biens publics mondiaux » donc inaliénables et soustraits à toutes logiques marchandes. Il faut encore distinguer clairement les notions d' « invention » et de « découverte » afin de limiter l'octroi de brevets aux « inventions » ; garantir à chaque pays le droit de produire ou d'importer sur son territoire les médicaments de base « génériques », en particulier (mais non exclusivement) ceux susceptibles d'enrayer des épidémies telles le SIDA, le paludisme, la pneumonie ou la tuberculose. Si les pays industrialisés bloquent la révision de cet accord, un moratoire sur l'application de cet accord s'imposerait ;

  • L'accès au marché des produits non agricoles est une revendication mise à l'ordre du jour par les pays développés. Plutôt que viser une harmonisation vers le bas des tarifs douaniers sur ces matières, la négociation de cet accord doit prioritairement protéger le développement des industries des pays les plus pauvres. Il s'agit également de veiller à ne pas déséquilibrer leurs balances commerciales. Dans cette perspective, il faut donc lever une série de barrières imposées dans les pays industrialisés sous forme de quotas d'importation ou de normes liées à l'origine des produits (dans le secteur textile, par exemple). Parallèlement, des progrès doivent être enregistrés dans le respect des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (définis par l'OIT) de manière à ce que, dans les pays en développement, eux aussi participent également aux bénéfices attendus de l'amélioration de l'accès au marché.

  • Il convient de ne pas alourdir l'agenda de négociation de la conférence de Cancún avec l'introduction de nouvelles matières. Les propositions concernant les marchés publics, l'investissement, la concurrence et la facilitation des échanges ne vont pas dans le bon sens. Concernant l'investissement, il faut absolument mettre un terme à la croissance pléthorique des accords bilatéraux. Cependant, il faut refuser un accord multilatéral qui ne tiendrait pas compte des protections sociales, de la protection de l'environnement, des besoins spécifiques des pays en développement. Il faut également rejeter tout accord qui n'imposerait pas des obligations dans le chef des investisseurs (comme les principes de l'OCDE sur les entreprises multinationales) ou encore qui limiterait les compétences des gouvernements en matière de régulation ou de liberté de gestion.
  • En résumé, les signataires demandent au gouvernement belge de :

    La mise en œuvre de ces revendications impose une révision du mandat accordé au Commissaire européen du Commerce.

    Premiers signataires

    ATTAC Belgique-België
    Bond beter leefmilieu (BBL)
    Broederlijk Delen
    CNCD-Opération 11.11.11
    CSC-ACV
    FGTB-ABVV
    Greenpeace
    Inter-Environnement Wallonie (IEW)
    Koepel van de Vlaamse Noord-Zuidbeweging - 11.11.11.
    KWIA- Steungroep voor Inheemse Volken
    Le Monde selon les femmes
    Magasins du Monde Oxfam
    Oxfam Solidarité-Solidariteit
    Oxfam Wereldwinkels
    Solidarité mondiale
    Vlaams Overleg Duurzame Ontwikkeling (VODO)