les racines historiques de la question des réfugiés palestiniens by 1etatauprocheorient Monday August 18, 2003 at 03:05 PM |
Les racines historiques de la question des réfugiés palestiniens
Par Nur Masalha
1ère Partie : Avant 1948
Nur Masalha est un historien palestinien originaire de Galilée, maître-assistant et directeur du Projet de Recherche sur la Terre Sainte à l'École de Théologie, de Philosophie et d'Histoire au St-Mary's College, Université de Surrey, Grande-Bretagne; également éditeur associé de Holy Land Studies: a Multidisciplinary Journal. Ses publications comprennent: «Imperial Israel and the Palestinians: The Politics of Expansion», «A Land Without a People: Israel, Transfer and the Palestinians 1945-96» et «The Concept of "Transfer" in Sionist Political Thought 1882-1948». Ce texte a été publié sous le titre «The Historical Roots of the Palestinian Refugee Question», dans le livre «Palestinian Refugees. The Right of Return», publié en 2001.
2ème Partie : La période suivant 1948
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Introduction
Le but premier de ce chapitre est de démontrer que l'exode des réfugiés palestiniens en 1948 était le point culminant de plus d'un demi-siècle d'efforts, de plans secrets (sionistes) et, à la fin, de force brute, et que la direction sioniste (juive), particulièrement David Ben Gourion et les commandants militaires, a été responsable du déplacement et de la dépossession de trois quarts de millions de réfugiés palestiniens en 1948. De plus, ce sont les réfugiés eux-mêmes qui ont résisté publiquement aux plans d'implantation dans les pays arabes. Les réfugiés s'accrochaient au Droit au retour, enchâssé dans la résolution 194 de l'ONU de décembre 1948. Les plans israéliens d'implantation suite à 1948 avaient pour but de dissoudre le «problème des réfugiés» et non pas de le régler. Le besoin israélien de dissoudre le problème vient de la peur profonde d'un retour des réfugiés et de la détermination à extirper ce problème du cœur du conflit israélo-arabe. Mais c'est là qu'est demeuré le problème des réfugiés palestiniens. Un règlement exhaustif et durable dépend d'une volonté sérieuse d'aborder la question. Depuis plus de cinq décennies, le droit au retour des Palestiniens a occupé le cœur de leur lutte contre la dépossession et l'expulsion de leur terre ancestrale et pour la reconstruction nationale. La compréhension du sens qu’a pour les Palestiniens la notion de droit au retour ne peut se réaliser que si on comprend tout d'abord la centralité de la Naqba. Le mal fait aux Palestiniens ne peut être corrigé, et les désastres arrêtés, que par un retour sur leur terre et une restitution de leurs propriétés.
Depuis l'expulsion de masse de 1948, les Palestiniens et les pays arabes ont exigé que les réfugiés aient le libre choix entre le rapatriement et/ou la compensation, conformément à la résolution 194. La catastrophe de la Naqba (expulsion des Palestiniens en 1948, la destruction délibérée de centaines de villes et villages palestiniens, les nombreux massacres de 1948 et la reconnaissance des souffrances énormes vécues par les réfugiés depuis un demi-siècle) est demeurée centrale dans la société palestinienne (dans le même sens que l'Holocauste est central dans la société israélienne et dans les communautés juives). Aujourd'hui, les aspirations de millions de réfugiés palestiniens - dans la diaspora, en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et même pour les 250.000 «réfugiés internes» en Israël - sont liées à la catastrophe de 1948. En fait, depuis le milieu des années cinquante, les gouvernements israéliens successifs ont refusé de reconnaître la moindre responsabilité pour une compensation monétaire aux réfugiés palestiniens. Toute réconciliation véritable entre les deux peuples - la paix entre les peuples et non pas un règlement politique entre dirigeants - ne peut être envisagé que si Israël et la plupart des Israéliens prennent la responsabilité pour le déplacement et la dépossession des réfugiés. Le déni de l'Holocauste est abominable; dans certains pays européens, c'est un crime. La reconnaissance de la Naqba et une excuse officielle de la part d'Israël seraient très utiles, mais ne seraient pas suffisants. Prendre la responsabilité veut également dire admettre sa responsabilité en ce qui concerne la compensation monétaire, y compris la restitution de propriété et la réparation.
Le Concept du « transfert » au sein du sionisme dominant, 1882-1948
Pour les colons juifs venus «racheter la terre», les habitants indigènes destinés à la dépossession sont habituellement invisibles. Ils sont simultanément privés de leur réalité humaine et nationale et classés comme marginaux sans identité. En effet, l'historiographie sioniste fournit de nombreuses preuves démontrant que depuis le commencement du Yishouv (établissement) sioniste, l'attitude de la majorité des groupes sionistes à l'encontre de la population arabe variait de l'indifférence et de la supériorité condescendante au déni flagrant de leurs droits nationaux. S'ensuit leur déracinement et leur transfert vers les pays voisins. Des personnages de haute influence tel que Israel Zangwill, un écrivain judéo-britannique d'envergure, proche associé de Theodor Herzl et propagateur de l'idée du transfert, a travaillé implacablement pour propager le slogan voulant que la Palestine soit «une terre sans peuple pour un peuple sans terre». Une référence similaire à une «terre vide» a été faite en 1914 par Chaim Weizmann, plus tard président du Congrès Mondial Juif et premier président d'Israël: «À ses tous débuts, le sionisme était conçu par ses fondateurs comme un mouvement dépendant entièrement de facteurs indiscutables: il y a un pays qui s'appelle Palestine, un pays sans peuple et, de l'autre côté, existe le peuple juif et il n'a pas de pays. Alors, que peut-on faire d'autre que de disposer la gemme sur l'anneau, d'unir ce peuple avec ce pays?»
Encore plus révélateur est cette anecdote que Weizmann à contée un jour à Arthur Rupin, le directeur du département de la colonisation à l'Agence Juive, concernant la façon dont il a obtenu la Déclaration Balfour en 1917. Quand Rupin lui a demandé ce qu'il pense des indigènes palestiniens, Weizmann lui a répliqué: «Les Britanniques nous ont dit qu'il y a là quelques centaines de milliers de nègres et qu'ils n'ont aucune valeur.» Quelques années après la Déclaration Balfour, Zangwill a écrit: «Si Lord Shaftesbury était littéralement incorrect en décrivant la Palestine comme un pays sans peuple, il était essentiellement correct car il n'y a pas de peuple arabe vivant intimement avec cette terre, utilisant ses ressources et lui donnant un caractère spécial; il y a, au mieux, un campement arabe.» Ceci, et d'autres déclarations de Weizmann et de dirigeants sionistes, sont une incarnation de la suprématie européenne qui a implanté dans l'esprit sioniste la notion raciste d'un territoire vide - pas nécessairement vide dans le sens de l'absence d'habitants, mais plutôt dans le sens d'un vide civilisationnel. Cela a justifié la colonisation sioniste et a engendré l’insouciance face au sort de la population native.
Dans son livre «Mission in Israel, 1948-51», l'ambassadeur des États-Unis en Israël rappelle une conversation qu'il a eue avec Weizmann, au cours de laquelle Weizmann s'est exprimé en termes messianiques à propos de l'exode palestinien de 1948, le qualifiant de «simplification miraculeuse des tâches israéliennes». MacDonald ajoutait qu'aucun des trois grands dirigeants - Weizmann, le Premier ministre et ministre de la Défense David Ben Gourion et le ministre des Affaires étrangères Moshe Sharett - ainsi qu'aucun responsable sioniste, n'avaient anticipé un tel «nettoyage miraculeux de la terre». En fait, les preuves (provenant de documents d'archives israéliennes) démontrent que le «trio» endossait le transfert dans la période entre 1937 et 48 et a anticipé le «nettoyage de la terre» en 1948. Ils ont endossé avec enthousiasme les propositions de transfert de la Commission Peel, qui aurait divisé le territoire du Mandat britannique en un État arabe, un État juif et une zone britannique dans et autour de Jérusalem. L'importance que Ben Gourion attachait non seulement au transfert, mais au transfert par la force, est visible dans son journal le 12 juillet 1937: «Le transfert obligatoire des Arabes des vallées de l'État juif envisagé pourrait nous donner ce que nous n’avons jamais eu, même lorsque nous nous tenions debout au temps du Premier et du Second Temple [une Galilée libre de toute population arabe]». Ben Gourion était convaincu que peu de Palestiniens, voire aucun, accepteraient un transfert volontaire vers la Transjordanie. Il croyait aussi que si les sionistes faisaient preuve de détermination dans leur effort afin de mettre la pression sur l'Autorité Mandataire britannique pour réaliser un transfert obligatoire, le plan pourrait être mis en œuvre: «Nous devons nous attacher à cette conclusion dans le même sens qui nous a permis de saisir la Déclaration Balfour et même plus, dans le même sens dont nous avons saisi le sionisme en soi. Nous devons insister sur cette conclusion (et la pousser en avant) avec toute notre détermination, notre pouvoir et notre conviction... Nous devons extirper de notre cœur la supposition selon laquelle cela n'est pas possible. Cela peut être fait.» Ben Gourion est allé jusqu'à écrire: «Nous devons nous préparer à mettre en œuvre ce transfert.»
Une lettre à son fils, Amos, datée du 5 octobre 1937, révèle jusqu'à quel point le transfert était devenu assimilé dans son esprit à l'expulsion: «Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place... et, si nous devons utiliser la force - pas pour déposséder les Arabes du Néguev et de Transjordanie, mais pour garantir notre propre droit à s'établir dans ces endroits - alors, nous avons la force à notre disposition.»
Lors du Vingtième Congrès Sioniste (1937), Ben Gourion a insisté que le transfert des villageois arabes était pratiqué depuis les débuts du Yishouv: «Est-ce que le transfert des Arabes était éthique, nécessaire et praticable?... Le transfert des Arabes a eu lieu à de nombreuses reprises auparavant, en conséquence de la colonisation juive en plusieurs districts.» Une année plus tard, pendant les discussions à l'exécutif de l'Agence Juive, sur l'idée du transfert, Ben Gourion a mis en avant une «ligne d'action» intitulée «La mission sioniste de l'État juif»: «L'État hébreu discutera avec les pays arabes voisins de la question du transfert volontaire des fermiers, travailleurs et fellahin arabes, de l'État juif vers les pays voisins. Dans cet objectif, l'État juif, ou une compagnie spéciale ... achètera des terres dans les pays en question pour la réinstallation de ces travailleurs et fellahin.» Il est revenu sur le sujet dans «Directives pour une politique sioniste», en 1941: «Nous devons d'abord examiner si le transfert est praticable et, ensuite, s'il est nécessaire. Il est impossible de concevoir une évacuation générale sans obligation, et sans obligation brutale... La possibilité d'un transfert massif de population par la force a été démontrée lorsque les Grecs et les Turcs ont été transférés [après la Première Guerre mondiale]. Au cours de la présente guerre [la Deuxième Guerre mondiale], l'idée du transfert de population gagne en sympathie en tant que moyen plus praticable et plus sûr de régler le problème des minorités. La guerre a déjà entraîné la réinstallation de plusieurs gens en Europe de l'Est et du Sud et dans les plans de règlement de l'après-guerre, l'idée de transfert massif de population en Europe centrale, de l'Est et du Sud, occupe de plus en plus une place respectable.» Ben Gourion a continué en suggérant la création d'une campagne sioniste en Grande-Bretagne et aux États-Unis, qui aurait pour but d'influencer les pays voisins, particulièrement la Syrie et l'Irak, afin qu'ils collaborent avec le Yishouv pour réaliser les projets de transfert des Arabes de Palestine, en retour d'avantages économiques. De plus, Ben Gourion est entré dans la guerre de 48, déterminé à expulser les Palestiniens. Le dix-neuf décembre 1947, il a conseillé que: [la Haganah devrait] «adopter une tactique de défense agressive; pendant l'assaut, nous devons répondre avec un coup décisif: la destruction de la place ou l'expulsion des résidents et la prise de la place.» Au début de 48, Ben Gourion a dit à Yosef Weitz: «La guerre va nous donner la terre. Les concepts de "nôtre" et "pas nôtre" sont des concepts de paix, uniquement, et en temps de guerre, ils perdent toute leur signification.»
Depuis le début de l'entreprise sioniste pour fonder un foyer national juif, ou État, en Palestine, les sionistes ont été confrontés à ce qu'ils nomment le «problème arabe» - le fait que la Palestine soit déjà peuplée. Une des solutions suggérées était celle du transfert - un euphémisme pour dire l'expulsion organisée de la population palestinienne vers les pays voisins. Avant 1948, l'idée du transfert était soutenue par la direction supérieure, incluant presque tous les pères fondateurs de l'État israélien et représentait presque tout le spectre politique. Presque tous les pères fondateurs, incluant Theodor Herzl, Léon Motzkin, Nahman Syrkin, Menahem Ussishkin, Chaim Weizmann, David Ben Gourion, Yitzhak Tabenkin, Avraham Granovsky, Israel Zangwill, Yitzhak Ben-Tzvi, Pinhas Rutenberg, Aaron Aaronson, Ze'ev Jabotinsky et Berl Katznelson ont préconisé le transfert sous une forme ou une autre. Katznelson, qui était un des dirigeants les plus populaires et influents du Mapai (qui deviendra le parti travailliste) avait ceci à dire lors d'un débat à la Convention internationale du Ihud Po'alei Zion (le plus important forum du dominant mouvement sioniste ouvrier), en août 1937: «La question du transfert de population a provoqué un débat en notre sein: Est-ce permis ou prohibé? Ma conscience est tout à fait claire à ce sujet. Un voisin distant est bien mieux qu'un ennemi rapproché. Ils [les Palestiniens] ne seront pas perdants. En analyse finale, c'est une réforme politique au profit des deux parties. Depuis longtemps, mon opinion est que c'est la meilleure de toutes les solutions... J'ai toujours cru, et je crois encore, qu'ils sont destinés à être transférés en Syrie ou en Irak». Un an plus tard, lors des discussions au Comité central de l'Agence Juive, Katznelson s'est déclaré en faveur d'un territoire maximal et du principe de «transfert obligatoire»: «Qu'est-ce qu'un transfert obligatoire?... Le transfert obligatoire ne signifie pas transfert individuel. Cela signifie que lorsque nous aurons opté pour le transfert, il devrait y avoir un organisme politique capable de forcer à partir tel ou tel Arabe qui ne veut pas. En ce qui concerne le transfert individuel, nous le faisons en permanence. Mais la question sera celle d'un transfert d'une grande quantité d'Arabes par l'entremise d'un accord avec les pays arabes: ceci est un transfert obligatoire... Nous avons ici une guerre de principes et, dans le même sens que nous devons entreprendre une guerre pour un territoire maximal, il doit, ici aussi, y avoir une guerre [pour le principe du transfert]... Nous devons insister sur le principe que ce doit être un transfert large et accepté.» Au début des années quarante, Katznelson a trouvé le temps de s'engager dans des polémiques avec le Hashomer Hatza'ir, de gauche, sur les mérites d'un transfert. Il leur a dit: «Ne stigmatisez pas le concept du transfert et ne l'écartez pas précipitamment. Le kibboutz Merhavyah n'a-t-il pas été édifié grâce à un transfert? Sans nombre de ces transferts, ni Merhavyah ni Mishmar Ha'emek ni aucun autre kibboutz socialiste n'auraient été créés.»
Les partisans d'un transfert volontaire incluent Arthur Rupin, cofondateur de Brit Shalom, un mouvement faisant la promotion du binationalisme et des droits égaux pour les Arabes comme pour les Juifs, des dirigeants modérés du Mapai comme Moshe Sharett et Eli'ezer Kaplan, ainsi que des dirigeants du Histadrout comme Golda Meir et David Remez. Mais le défenseur le plus constant, extrémiste et obsédé par le transfert obligatoire, était Yosef Weitz, le directeur du département de la colonisation au Fonds National Juif et directeur du Comité du Transfert du gouvernement israélien de 1948. Weitz était au centre des activités sionistes d'achats de terre depuis des décennies. Ses connaissances approfondies et son implication lui ont permis d'être tout à fait conscient des limites de l'achat de terres. En 1947, après un demi-siècle d'efforts sans relâche, la propriété collective du Fonds National Juif - qui constituait près de la moitié de tout le Yishouv - ne représentait qu'un maigre 3,5% de la superficie de la Palestine.
Un résumé des croyances politiques de Weitz est fourni par son journal, le 20 décembre 1940: «Parmi nous, il doit être clair qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Aucun "développement" ne nous mènera plus près de notre but d'être un peuple indépendant dans ce petit pays. Quand les Arabes auront été transférés, le pays sera grand ouvert pour nous; si les Arabes restent, le pays demeurera étroit et restreint... Il n'y a pas de place à un compromis sur ce point ... l'achat de terre ... ne nous donnera pas notre pays... Le seul moyen est de transférer les Arabes vers les pays voisins, tous, sauf peut-être ceux de Bethléem, Nazareth et de la vieille ville de Jérusalem. Pas un seul village ni une seule tribu ne doivent rester. Et le transfert doit se faire par le biais de leur absorption en Irak, en Syrie et même en Transjordanie. Dans ce but, l'argent sera trouvé - même beaucoup d'argent. Et seulement alors le pays pourra absorber des millions de Juifs ... il n'y a pas d'autre solution.» Un tour du pays en 1941 a amené Weitz dans une région au centre de la Palestine. Il a écrit dans son journal avoir vu «de grands villages [arabes] bondés de monde et ceinturés de terres agricoles où poussent les oliviers, les vignes, les figuiers, le sésame, le maïs... Serions-nous capables de maintenir des établissements [juifs] dispersés au cœur des ces villages [arabes] existants, qui seront toujours plus gros que les nôtres? Et y a-t-il une possibilité d'acheter leur [terre]? ... et là encore j'entends cette voix en moi qui dit: videz ce pays.» Plus tôt, en mars 1940, après avoir visité des établissements juifs dans la Vallée d'Esdraelon, Weitz a écrit: «L'évacuation complète des habitants [arabes] de ce pays et le donner au peuple juif est la solution.» Et en avril 1948, il écrivait: «J'ai fait un résumé de la liste des villages arabes qui, dans mon opinion, doivent être vidés pour compléter les régions juives. J'ai également fait un résumé des places où il y a des disputes territoriales devant être résolues par des moyens militaires.»
Les propositions de Weizmann pour un transfert des paysans en Transjordanie, 1930
En 1930, suite aux troubles qui ont eu lieu en 1929 en Palestine, Weizmann, alors président de l'Organisation Juive Mondiale et du Comité central de l'Agence Juive, a commencé à promouvoir activement l'idée du transfert des Arabes au cours de discussions privées avec des officiels et ministres britanniques. La même année, Weizmann et Pinhas Rutenberg, qui était président du Conseil National du Yishouv et membre du Comité central de l'Agence Juive, ont présenté au Secrétaire des Colonies, Lord Passfield, une proposition officielle bien que secrète pour le transfert des paysans palestiniens en Transjordanie. Ce projet suggérait qu'un prêt d’un million de livres palestiniennes soit collecté auprès des sources financières juives. Cette proposition a été rejetée. Cependant, les justifications que Weizmann a utilisées pour sa défense ont formé la pierre angulaire de l'argumentation sioniste subséquente. Weizmann soutenait qu'il n'y a rien d'amoral à propos du concept de transfert, que le transfert de populations grecques et turques au début des années vingt fournit un précédent à une mesure similaire à l'encontre des Palestiniens et que le déracinement et le déplacement des Palestiniens vers la Transjordanie, l'Irak, la Syrie et toute autre partie du vaste monde arabe constituerait simplement un déménagement d'un district arabe à un autre. Pour Weizmann et d'autres dirigeants de l'Agence Juive, le transfert était par-dessus tout une procédure systématique, exigeant de la préparation, de l'argent et beaucoup d’organisation, devant être planifiée par des stratèges et des experts.
Le consensus émergent, 1937-48
Alors que le désir de la direction sioniste d'être débarrassée du «problème démographique arabe» est demeuré constant jusqu'en 1948, l'étendue des préoccupations face au transfert et les modalités envisagées changeaient au fil des ans selon les circonstances. Ainsi, la croyance rêvée et plutôt naïve, au cours des premières années du sionisme, selon laquelle les Palestiniens pourraient «disparaître magiquement», pour utiliser les termes de Herzl, ou qu'ils «plieraient simplement leurs tentes et s'en iraient», suivant l'expression de Zangwill, a rapidement laissé la place à des opinions plus réalistes. À partir du milieu des années trente, la solution du transfert est devenue centrale dans les évaluations de l'Agence Juive (alors effectivement le gouvernement du Yishouv).
Trois Comités (semi-officiels et officiels) sur le Transfert, 1937-48
Les estimations de l'Agence Juive exigeaient des stratégies et une planification qui ont produit une série de plans spécifiques, impliquant généralement la Transjordanie, la Syrie ou l'Irak. Certains de ces plans ont été produits par trois «comités sur le transfert»: les deux premiers, mis sur pied par la direction du Yishouv, ont opéré entre 1937 et 1944, et le troisième a été officiellement nommé par le cabinet israélien en août 1948. À la fin des années trente, quelques-uns des plans incluaient des propositions pour une législation agraire et une restriction de la citoyenneté ainsi que diverses taxes, ayant pour but d'encourager les Palestiniens à quitter volontairement. Cependant, au cours des années trente et au début des années quarante, les propositions et plans sionistes pour un transfert sont largement demeurés confinés à des pourparlers secrets et privés avec des officiels supérieurs britanniques (et parfois états-uniens); la direction sioniste se retenait généralement de rendre publiques ces idées très délicates. En une occasion, en février 1941, Weizmann, au cours d'une rencontre secrète avec l'ambassadeur soviétique à Londres, a proposé le transfert d'un million de Palestiniens en Irak pour pouvoir installer des Juifs polonais à leur place. Plus important encore, pendant la période du Mandat britannique, pour des raisons de convenance politique, les sionistes estimaient que de telles propositions ne pouvaient être mises en œuvre sans un soutien actif de la Grande-Bretagne et même sans une implication britannique. De plus, la direction sioniste essayait sans répit d’influencer la Commission Royale (Peel) de 1937. La plus significative des propositions soumises devant la Commission - celle destinée à façonner le résultat de ses conclusions - a été mise en l'avant par l'Agence Juive dans une note de service secrète contenant un paragraphe spécifique sur le transfert d'Arabes en Transjordanie, ce qui a généralement échappé à l'attention des historiens.
Entre 1937 et 1948, des discussions secrètes très approfondies concernant le transfert des Arabes ont eu lieu aux plus hauts niveaux du mouvement sioniste: le Comité central de l'Agence Sioniste, le Vingtième Congrès Sioniste, la Convention Mondiale du Ihud Po'alei Zion, ainsi que divers comités officiels et semi-officiels sur le transfert. Plusieurs figures dirigeantes ont justifié le déplacement des Arabes aux plans politique, moral et éthique, comme étant la suite logique de la colonisation sioniste de la Palestine. Il y avait une approbation générale de la justification morale du concept du transfert; les divergences étaient autour de la question du transfert obligatoire, et si un tel événement était praticable sans le soutien britannique.
Les questions de la géographie et de la démographie
La démographie et la question de la terre étaient au cœur de la mentalité sioniste face au transfert tout comme des plans secrets des années trente et quarante. En 1947, les Palestiniens formaient l'écrasante majorité dans le pays et possédaient la plus grande partie de la terre; la communauté juive représentait environ le tiers de la population totale et possédait approximativement six pour cent de la terre. Dans les années trente et quarante, l'approbation générale du transfert - qu'il soit volontaire, agréé ou obligatoire - était conçue dans le but d’atteindre deux objectifs cruciaux: vider la terre pour les colons juifs et les immigrants, et établir un État juif assez homogène. Ben Gourion croyait fermement que le sionisme ne pourrait pas triompher dans sa volonté d'établir un État juif homogène et de combler l'impératif d'absorber le flux d'immigrants juifs, si les habitants indigènes avaient le droit de rester.
L'exode de 1948
Sur le lien entre la préméditation et l'action
Des preuves suggèrent qu'aussi tôt qu'au début de 1948, les conseillers de Ben Gourion, lui recommandent «d'entreprendre une guerre totale» contre les Palestiniens et, très important, Ben Gourion est entré dans la guerre de 1948 déterminé à expulser les Palestiniens. Le Plan Dalet, un franc document de la Haganah, datant de mars 1948, était en plusieurs points un plan directeur pour l'expulsion du plus grand nombre possible de Palestiniens. Le plan constituait un ancrage et une base idéologique et stratégique pour l'expulsion et la destruction des localités arabes par les commandants juifs. En conformité avec ce plan, la Haganah a complètement vidé diverses parties du pays de leurs villages arabes (incluant le corridor de Jérusalem, la plaine côtière et les environs de Mishmar Ha'emek).
L'approbation générale des plans de transfert et les tentatives pour les promouvoir secrètement par des dirigeants travaillistes appartenant à la tendance générale (certains d'entre eux devant jouer un rôle décisif dans la guerre de 1948), éclairent le dessein idéologique qui a rendu possible l'exode des réfugiés en 1948. Ben Gourion, en particulier, émerge de mon livre «Expulsion of the Palestinians: The Concept of "Transfer" in Sionist Political Thought, 1882-1948» et de plusieurs autres livres publiés ces dernières années par les «nouveaux historiens» israéliens, dont Benny Morris, Ilan Pappé, Avi Shlaim, Simha Flapan, Tom Segev et Uri Milstein, comme un partisan «obsédé» du transfert obligatoire à la fin des années trente et comme le grand responsable de l’exode des Palestiniens. En 1948, il n'y avait nullement besoin d'une décision du cabinet pour expulser les Palestiniens; Ben Gourion et ses proches associés, incluant les principaux commandants militaires de l'armée (Palmah, Haganah, FDI), notamment Yigal Allon, Moshe Carmel, Yigal Yadin, Moshe Dayan, Moshe Kalman et Yitzhak Rabin, ont joué le rôle clé. Tous, à tous les niveaux de décision militaire et politique, comprenaient que l'objectif était un État juif sans une large minorité arabe.
Au cours de la guerre de 1948, les sionistes ont atteint plusieurs de leurs objectifs; par-dessus tout, ils ont créé un État juif grandement élargi (sur 77% de la Palestine historique) dans lequel les Palestiniens ont été réduits par la force à une petite minorité contrôlable. Depuis les quinze dernières années, les révisionnistes israéliens ainsi que des historiens et universitaires palestiniens (incluant Walid Khalidi, Sharif Kana'aneh, Nafez Nazzal) ont documenté de façon approfondie l'expulsion des Palestiniens en 1948. Les preuves démontrent que l'évacuation de quelque sept cent cinquante mille Palestiniens en 1948 peut uniquement être imputée à un apogée des politiques d'expulsion sionistes et non pas à un ordre (mythique) issu des armées arabes. Aharon Cohen qui, en 1948, était le directeur du Département arabe au Mapam, a écrit dans une note de service du 10 mai 1948: «Il y a des raisons de croire que ce qui est fait présentement ... est fait selon certains objectifs politiques et non pas seulement pour des nécessités militaires, comme ils [les dirigeants juifs] le clament parfois. En fait, le transfert des Arabes hors des frontières de l'État juif est mis en œuvre ... l'évacuation/vidage des villages arabes n'est pas toujours fait pour des raisons de nécessité militaire. La destruction complète de villages n'est pas toujours faite car "il n'y a pas de force suffisante pour maintenir une garnison".» Yosef Sprintzak, alors secrétaire général de la Histadrout, a déclaré au cours d'un débat au Mapai le 24 juillet 1948 - débat tenu peu après l'expulsion de Ramle et Lydda: «Il y a un sentiment qu des faits accomplis sont créés ... La question n'est pas de savoir si les Arabes vont revenir ou non. La question est de savoir si les Arabes ont été expulsés ou non ... Je veux savoir qui est en train de créer les faits [de l’expulsion]? Et les faits sont créés sur ordre.» Sprintzak a ajouté qu'«une ligne d'action ... consistant à exproprier et à vider la terre des Arabes, par la force, est en vigueur.»
Selon Morris, 282 des 330 villages évacués ont été dépeuplés par résultat direct d'une attaque juive. Cependant, en se basant sur plusieurs livres publiés ces dernières années, nous avons calculé que:
au moins 122 localités arabes ont subi l'expulsion sous la menace du fusil par les forces juives;
270 localités ont été évacuées au cours d'un assaut des troupes juives; la tactique d'attaquer une localité par deux directions, laissant des «routes d'échappement», a été particulièrement perfectionnée par Yigal Allon en tant que méthode délibérée pour assurer l'évacuation;
38 localités ont été évacuées à cause de la peur d'une attaque ou d'être pris sous le feu croisé;
49 localités ont été abandonnées suite à la prise de contrôle d'une ville voisine par les forces juives;
12 localités ont été évacuées par le fait de méthodes de guerre psychologique, de rumeurs entre autres.
La preuve irréfutable : Lydda et Ramle, 12-13 juillet 1948
Environ quatre-vingt-dix pour cent des Palestiniens vivant dans les territoires occupés par Israël en 1948-49 ont été chassés, plusieurs par l'effet de la guerre psychologique et/ou sous pression militaire. En plus, un très grand nombre a été expulsé sous la menace du fusil. Les exemples «d'expulsions flagrantes» incluent les cas largement documentés de Lydda et Ramle en juillet 1948 - deux expulsions à grande échelle qui totalisent presque dix pour cent de l'exode total, l'expulsion de la ville d’al-Faluja et des habitants restants de Beisan et al-Majdal (en 1950), l'expulsion des villages de Safsaf, Sa'sa' al-Mansura, Tarbikha, Nabi Rubin, Kafr Bir'im, Suruh, Iqrit, Farradya, Kafr 'Inan, al-Qudayria, 'Arab al-Shamalina, Zangarya, 'Arab al-Suyyad, al-Bassa, al-Ghabisiya, Danna, Nuris, Tantura, Qisarya, Khirbet al-Sarkas, al-Dumayra, 'Arab al-Fuqara, 'Arab al-Nufay'at, Miska, Tabsar, Zarnuqa, al-Qubayba, Yibna, Zaqariya, Najd, Sumsum, 'Iraq al-Manshiya, al-Dawayma, Deir Yassin et al-Majdal. Dans le cas de Lydda et Ramle, plus de soixante mille Palestiniens ont été expulsés.
Ben Gourion et trois hauts officiers de l'armée, Yigal Allon, Yitzhak Rabin et Moshe Dayan, étaient directement impliqués, avec Allon aux commandes de l'opération. Morris écrit: «À 13h30 le 12 juillet ... le lieutenant-colonel Yitzhak Rabin, chef des opérations de la Mission Dani, a émis l'ordre suivant: "Les habitants de Lydda doivent être expulsés rapidement sans considération de l'âge. Ils devraient être dirigés vers Beit Nabala ... Mise en œuvre immédiate." Un ordre similaire avait été émis au même moment à la brigade Kiryati, concernant les habitants de la ville voisine de Ramle, occupée par les troupes le matin même ... Les 12 et 13 juillet, les brigades Yiftah et Kiryati ont exécuté les ordres, expulsant les cinquante à soixante mille habitants restants et les réfugiés campant autour des deux villes ... Vers midi le 13 juillet, le quartier général de la Mission Dani a informé le commandement général des FDI: "Le fort de police de Lydda a été pris [les troupes] sont occupées à expulser les habitants." Les habitants de Lydda étaient forcés de marcher vers l'est en direction de la ligne de la Légion Arabe; plusieurs des habitants de Ramle ont été transportés dans des camions ou des autobus. Obstruant les routes ... les dizaines de milliers de réfugiés ont marché, abandonnant graduellement leurs biens terrestres le long de la route. C'était un jour d'été chaud. Les chroniqueurs arabes comme Cheikh Muhammad Nimr al Khatib prétendent que des centaines d'enfants sont morts au cours de la marche, de déshydratation et de maladies. Un témoin israélien décrivant la traînée: la colonne de réfugiés "commençant à jeter des ustensiles et des meubles et, à la fin, des corps d'hommes, de femmes et d'enfants... "»
Le facteur des massacres
Selon l'historien militaire israélien Arieh Yitzhaki, environ dix massacres majeurs (définis comme ayant entraîné au moins cinquante morts chacun) et environ cent massacres plus petits ont été commis par les forces juives en 1948-49. Les massacres, selon Yitzhaki, ont eu un impact dévastateur sur les Palestiniens, entraînant et précipitant l'exode. Yitzhaki va même plus loin en suggérant que des meurtres ont été commis dans chaque village. Un autre historien israélien, Uri Milstein, un iconoclaste, corrobore l'estimation de Yitzhaki sur l'étendue des massacres et va encore plus loin en affirmant que chaque bataille en 1948 s'est terminée par un massacre: «Au cours de toutes les guerres d'Israël, des massacres ont été commis, mais je suis certain que la Guerre d'Indépendance a été la plus sale de toutes.»
Deir Yassin, 9 avril 1948
Deir Yassin a été le lieu du massacre le plus notoire perpétré contre des civils palestiniens en 1948, un massacre qui est devenu le plus important facteur individuel contribuant à l'exode de 1948. Le 9 avril, plus de deux cent cinquante villageois sans armes, incluant des femmes, des personnes âgées et des enfants, ont été tués. Il y a aussi eu des cas de viol et de mutilations. La plupart des essayistes israéliens d'aujourd'hui n'ont aucune difficulté à reconnaître le massacre de Deir Yassin et son effet, sinon son intention, d'avoir précipité l'exode. Cependant, plusieurs de ces essayistes se réfugient derrière le fait que les atrocités à Deir Yassin ont été commises par les «dissidents» de l'Irgoun (alors commandée par Menahem Begin) et du Lehi (le Groupe Stern, alors co-commandé par Yitzhak Shamir), exonérant ainsi la Haganah de Ben Gourion, les forces armées du sionisme dominant. Des documents hébreux récemment publiés démontrent cependant que:
en janvier 1948, le moukhtar [maire du village, NdT] et les notables du village étaient parvenus à un pacte de non-agression avec la Haganah et les colonies juives voisines de Giva't Shaul et Montefiori;
l'assaut de l'Irgoun sur le village le 9 avril avait le soutien du commandant de la Haganah de Jérusalem, David Shaltiel. Celui-ci a non seulement décidé de rompre son accord avec les villageois, mais a aussi fourni des armes et des munitions aux membres de l'Irgoun;
la Haganah a contribué à l'assaut sur le village par le biais d'une couverture par l'artillerie d'une compagnie de Palmah;
un officier des services de renseignements de la Haganah à Jérusalem, Meir Pa'il, a été dépêché à Deir Yassin pour évaluer l’efficacité et les performances des forces de l'Irgoun. Bien que les meurtres aient été commis par des éléments de l'Irgoun et du Lehi, la responsabilité du massacre des villageois doit être partagée par la Haganah et l'Irgoun/Lehi.
Plus significatif, des documents israéliens récemment publiés prouvent que Deir Yassin n'est qu'un cas parmi tant d'autres massacres commis par les forces juives (principalement la Haganah et les FDI) en 1948. Des recherches récentes montrent que les Palestiniens étaient moins susceptibles d'évacuer leurs villes et villages au cours de la seconde moitié de la guerre. D'où les massacres commis à partir de juin 1948, comme ceux de Lydda, Khirbet Nasir al-Din, 'Ain Zaytun, 'Aylabun, Sa'sa', Jish, al-Dawayma, al-Tira, Safsaf, Sha'ib, Saliha et Hulam, tous conçus pour forcer des évacuations massives.
Al-Dawayma, 28-29 octobre 1948
En 1948, al-Dawayma, situé sur les collines ouest de Hébron, avait une population d'environ trois mille cinq cents habitants. Comme Deir Yassin, le village était non armé et a été capturé le 29 octobre 1948, sans combat. Le massacre d'entre quatre-vingts et cent villageois a eu lieu le lendemain, pas au cœur de la bataille, mais après que l'armée israélienne soit clairement sortie victorieuse. Les témoignages des soldats israéliens qui ont assisté aux atrocités et pris part à l'invasion du village par le 89ème bataillon de Moshe Dayan révèlent que les troupes des FDI sont entrées dans le village, ont effectué la liquidation de civils avant de les jeter dans des fosses. «Les enfants qu'ils ont tués en brisant leur tête avec des bâtons. Il n'y avait pas une maison sans un mort.» Les Arabes restants ont ensuite été enfermés dans les maisons «sans nourriture ni eau», pendant que le village était systématiquement rasé. «Un commandant a ordonné à un sapeur d'enfermer deux vieilles femmes dans une certaine maison ... et à fait exploser la maison avec elles [à l'intérieur] ... Un soldat se vantait d'avoir violé une femme puis de l'avoir tuée. Une femme, avec un nouveau-né dans ses bras, a été employée pour nettoyer la cour où les soldats mangeaient. Elle a travaillé pendant un jour ou deux. À la fin, ils l'ont tuée ainsi que son bébé.» D'autres sources indiquent que les atrocités ont été commises dans et autour du village, y compris dans la mosquée et dans une grotte voisine, que des maisons avec des personnes âgées à l'intérieur ont été détruites à l'explosif, et qu'il y a eu plusieurs cas de meurtres et de viols de femmes.
Dans «The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949», Benny Morris documente l'inventaire suivant des massacres commis par les FDI en Galilée en octobre 1948:
Safsaf, un village de la région de Safad, a été occupé le 29 octobre. Les forces juives ont rassemblé tous les habitants du village (un total d'environ mille personnes) et ont tué entre cinquante et soixante-dix hommes. Cinquante-deux hommes ont été liés par une corde, jetés dans un puits et tués. Les femmes demandaient grâce. [Il y a eu] trois cas de viol, dont une fille de quatorze ans. Quatre autres ont été tuées.
Jish : «Une femme et son bébé ont été tués. Onze autres» [ont été tués].
Sa'sa' : des cas de «meurtres nombreux [malgré] qu'un millier aient levé des drapeaux blancs et qu'un sacrifice ait été offert à l'armée. Tout le village a été évacué.»
Saliha : «Quatre-vingt-quatorze sont morts dans l'explosion d'une maison.»
'Aylabun, octobre 1948 : après la capture du village le 30 octobre, douze jeunes ont été exécutés.
Majd al-Kurum, novembre 1948 : sept hommes et deux femmes ont été tués.
Deir al-Assad et al-Bi'ene, 3 octobre 1948 : deux hommes de chaque village ont été pris et exécutés publiquement par des soldats des FDI.
Abu-Zurayk : des soldats des FDI ont tué plusieurs Arabes après la capture du village.
Um al-Shuf : sept jeunes ont été tués après la capture du village.
Hula, 31 octobre : un haut officier des FDI, Shmuel Lahis, a tué plusieurs dizaines de civils arabes (jusqu'à quatre-vingts personnes); il était de garde dans une mosquée dans le village non défendu de Hula au Liban sud au cours des opérations de nettoyage de la terre en octobre.
D'autres atrocités commises plus tôt en 1948 ont été rapportées par Morris et d'autres chercheurs:
Khirbet Nasr al-Din, 12 avril : un bataillon de la Haganah «a capturé le village de Khirbet Nasr al-Din ... quelques civils ont apparemment été tués et quelques maisons détruites.»
Nasr-ed Din : «des sionistes ont attaqué le village de Nasr-ed Din (avec quatre-vingt-dix habitants) et ont détruit toutes les maisons, tuant certains des habitants, incluant des femmes et des enfants et expulsant les autres.»
‘Ayn Zaytun, 3-4 mai : quelques jours avant la prise de Safad, quelque trente-sept jeunes hommes du village voisin de 'Ayn Zaytun ont été rassemblés après la capture du village par la Haganah. Ils font partie des soixante-dix détenus arabes massacrés par deux soldats du 3ème Bataillon du Palmah, sur les ordres du commandant du bataillon, Moshe Kalman, le 3 ou le 4 mai, dans un ravin entre 'Ayn Zaytun et Safad.
Tantoura, 22-23 mai : dans le cas de Tantoura, le massacre de grande envergure a été planifié bien à l'avance. Tantoura et quatre autres villages côtiers au sud de Haïfa avaient été désignés par les Israéliens pour être expulsés. Les villageois ont refusé de se rendre. Le 9 mai, les services de renseignements locaux de la Haganah et des spécialistes «se sont réunis à Netanya pour trouver le meilleur moyen afin d'expulser ou de soumettre ces villages côtiers.» La rencontre a été «précédée par un effort de la Haganah pour obtenir la reddition sans combat, mais les anciens avaient refusé, rejetant les conditions de la Haganah qui incluaient la remise des armes.» Récemment, des chercheurs israéliens ont découvert le bain de sang de Tantoura, dans lequel des dizaines de civils arabes ont été massacrés.
Lydda, 11-12 juillet : des dizaines de civils sans armes, détenus sur les lieux d'une mosquée et d'une église, ont été abattus à bout portant. Une source officielle israélienne estime le nombre de morts à deux cent cinquante, ainsi qu'un grand nombre de blessés. Il est fort probable, cependant, qu'entre deux cent cinquante et quatre cents Arabes ont été tués dans le massacre massif par les FDI à Lydda et qu'environ trois cent cinquante autres soient morts au cours de l'expulsion subséquente et de la marche forcée.
Tel Gezer : un soldat de la Brigade Kiryati des FDI a témoigné que ses collègues se sont emparés de dix hommes et deux femmes arabes, une jeune et une plus vieille. Tous les hommes ont été tués, la jeune femme violée et l'autre tuée.
Khisas, 12 décembre 1947 : douze villageois arabes ont été massacrés de sang-froid au cours d'un raid de la Haganah.
Asdud, fin août 1948 : des soldats de la Brigade Giv'ati des FDI ont tué dix fellahin de sang-froid.
Qisarya, février 1948 : le 4ème Bataillon des forces du Palmah, sous le commandement de Yosef Tabenkin, a pris le contrôle de Qisarya. Selon Uri Milstein, tous ceux qui ne se sont pas enfuis ont été tués.
Kabri : le 20 mai, la Brigade Carmeli a pris le contrôle du village. Un des soldats israéliens, Yehuda Rashef, s'est emparé de quelques jeunes (probablement sept), leur a ordonné de remplir des fossés, les a ensuite alignés et a tiré dans leur direction avec un fusil mitrailleur. Quelques-uns sont morts.
Abu Shusha, 14 mai 1948 : preuves d'un massacre de grande envergure. [1]
La destruction systématique de 418 villages
Des montagnes de documents d'archives et d'autres preuves montrent une forte corrélation entre la solution sioniste du transfert (qui est devenue centrale dans la stratégie juive au cours des années trente et quarante) et la Naqba palestinienne, la création du problème des réfugiés palestiniens, la destruction délibérée et systématique de centaines de villages arabes. À la fin de la guerre de 1948, des centaines de villages avaient été complètement dépeuplés. Les maisons avaient été détruites à l'explosif ou au bulldozer, dans le but principal de prévenir le retour des réfugiés dans leurs maisons et villages (en plus d'aider la perpétuation du mythe sioniste selon lequel la Palestine était pratiquement une «terre sans peuple» avant l'arrivée des Juifs). L'étude exhaustive par une équipe de chercheurs et universitaires palestiniens, sous la direction du professeur Walid Khalidi, détaille la destruction de chaque village, fournissant des détails statistiques, historiques, topographiques, archéologiques, architecturaux et économiques, ainsi que les circonstances de l'occupation et de la dépopulation de chaque village et une description de ce qui reste. L'équipe de recherche de Khalidi a visité tous les sites, sauf quatorze d'entre eux, a fait des rapports détaillés et pris des photos, enregistrant tous les détails qui restaient. «All that Remains» est autant une étude monumentale qu’une commémoration: une reconnaissance des souffrances énormes de centaines de milliers de réfugiés palestiniens.
Il y a une inconsistance apparente quand vient le temps de déterminer le nombre de localités palestiniennes dépeuplées et détruites en 1948. Morris énumère 369 villes et villages et donne les dates et circonstances de leur dépopulation, se fiant surtout à des sources israéliennes, d'archives ou non. L'estimation faite par Khalidi de 418 est basée sur les villages et hameaux (seulement) qui sont recensés dans la Palestine Index Gazetteer de 1945 et se trouvant à l'intérieur de la ligne d'armistice de 1949. Mais le nombre de Khalidi représente seulement la moitié de la quantité totale de villages palestiniens de la Palestine mandataire. Plus récemment, Salman Abu Sitta a fourni un registre mis à jour de 531 villages. Le registre d'Abu Sitta inclut les localités énumérées par Morris et Khalidi ainsi que toutes celles des tribus du district de Beer Sheba. Mais, alors que Abu Sitta ajoute à la liste des villages détruits, le compte de Khalidi est le plus méticuleux et exhaustif. 418 villages dépeuplés, 293 ont été complètement détruits et 90 partiellement. Sept ont survécu, dont 'Ayn Karim (à l'ouest de Jérusalem), mais ont été pris par des colons israéliens. Alors qu'un voyageur attentif peut encore apercevoir quelques traces de ces villages, en général, tout ce qui reste est un amas de pierres et de décombres.
La responsabilité principale de la direction sioniste eu égard au déplacement et à la dépossession des réfugiés palestiniens
Il y a amplement de preuves pour démontrer une corrélation forte entre les discussions sur le transfert, l'intention idéologique et les ordres réels d'expulsion de 1948. Des politiques de transfert et d'expulsion de facto ont été discutées et adoptées en 1948 avant d'être mises en œuvre. Les faits écrasants montrent la responsabilité principale des sionistes eu égard au déplacement et à la dépossession des Palestiniens en 1948. En particulier, Ben Gourion se révèle être un défenseur obsédé du transfert obligatoire, au cours des années trente, et le grand responsable de l’exode des Palestiniens. Israël est principalement responsable de la création du problème des réfugiés palestiniens; l'exode a été largement la création délibérée des dirigeants juifs (en premier Ben Gourion) et des commandants militaires; ce fut le résultat de la pensée et la mentalité sionistes face au transfert, ainsi que leur prédisposition et préméditation. La guerre de 1948 a simplement fourni une occasion et le contexte nécessaire pour la création d'un État juif largement dépourvu d'Arabes; elle a groupé les esprits sionistes et juifs et a fourni les explications et justifications sécuritaires, militaires et stratégiques afin de purger l'État juif et déposséder les Palestiniens
2ème Partie : La période suivant 1948
Empêcher le retour des réfugiés: Propositions du «Comité sur le transfert» du gouvernement israélien, octobre 1948
En août 1948, le Comité de facto sur le transfert a été formellement et officiellement nommé par le cabinet israélien afin de planifier la réimplantation organisée des réfugiés palestiniens dans les pays arabes. Le comité tripartite était composé de Ezra Danin, un ancien haut officier des services de renseignement de la Haganah (Shai) (1936-48) et conseiller supérieur pour les Affaires arabes à partir de juillet 1948, de Zalman Lifschitz, le conseiller du Premier ministre pour les questions géographiques et de Yosef Weitz, dirigeant du Département de la colonisation au Fonds National Juif et qui a dirigé le comité. À part faire tout ce qui est possible pour réduire la population palestinienne en Israël, Weitz et ses collègues ont cherché, en octobre 1948, à amplifier et consolider la transformation démographique de la Palestine par l’entremise de:
la pose d’obstacles au retour des réfugiés dans leurs maisons et villages;
la destruction des villages arabes;
l’installation de Juifs dans les villages arabes et la distribution des terres arabes aux colonies juives;
«le sauvetage des Juifs d’Irak et de Syrie»;
la recherche de moyens qui assureraient l’absorption des réfugiés palestiniens dans les pays arabes tels que la Syrie, l’Irak, le Liban et la Transjordanie, et le lancement d’une campagne de propagande visant à décourager le retour des Arabes. Apparemment, Ben Gourion approuvait ces propositions, bien qu’il recommandait que tous les réfugiés palestiniens soient réimplantés dans un seul pays arabe, de préférence l’Irak, au lieu d’être dispersés dans les pays voisins. Ben Gourion était également opposé à l’installation des réfugiés en Transjordanie voisine.
Au début de 1949, Danin a été envoyé en Grande-Bretagne par le ministère des Affaires étrangères pour promouvoir discrètement des «initiatives qui aideraient le plus grand nombre possible de réfugiés à être absorbés et à prendre racine dans divers pays arabes». Danin croyait fermement que l’argent «dissoudrait» le problème des réfugiés. Tout au long des années cinquante, Israël a cherché des partenaires occidentaux pour ses plans de réimplantation des réfugiés. À partir du début de 1949, Danin, Weitz et d’autres officiels supérieurs israéliens n’ont pas ménagé les efforts pour promouvoir leurs plans de réimplantation. Avant son départ pour la Grande-Bretagne, Danin a rencontré Weitz à Jérusalem le 23 janvier 1949 et a exprimé l’opinion selon laquelle «une [campagne de] propagande doit être mise en œuvre parmi les [réfugiés] arabes afin qu’ils demandent leur réimplantation dans les pays arabes.» La raison qui explique les préoccupations de Danin, Weitz et de leurs collègues face aux projets de réimplantation des réfugiés à l’extérieur de la Palestine provient de la peur du retour de réfugiés. Dans une lettre au secrétaire du cabinet, Ze’ev Sharef, envoyée de Londres le 6 mai 1949, Danin écrit au sujet d’une lettre qu’il a reçue de la part de Weitz, dans laquelle ce dernier insiste sur l’idée «d’une planification et d’une direction» claire au sujet de la réimplantation des réfugiés, que Weitz voyait «parfois une image cauchemardesque de longs convois de réfugiés sur le chemin du retour et il n’y a personne pour aider.»
Le problème des réfugiés palestiniens a été au cœur du conflit israélo-arabe depuis 1948. Ce sont principalement les réfugiés eux-mêmes qui se sont opposés à leur réimplantation dans les pays arabes. De manière générale, les Palestiniens et les Arabes ont refusé de discuter d’un règlement général au conflit israélo-arabe avant qu’Israël accepte le rapatriement des réfugiés, en conformité avec la résolution 194 (III) de l’Assemblée générale des Nations Unies de décembre 1948. Cette résolution affirme que: «les réfugiés souhaitant retourner dans leurs maisons et vivre en paix avec leurs voisins puissent le faire le plus rapidement possible.» Pour les sionistes israéliens, cependant, le droit au retour des Palestiniens semble n'entraîner rien d’autre que le renversement du sionisme et la transformation d’Israël en un État binational. La position officielle israélienne a toujours été qu’il ne peut y avoir un retour des réfugiés dans les territoires israéliens et que la seule solution au problème est leur réimplantation dans les pays arabes ou ailleurs. Depuis 1949, Israël s’est uniformément opposé au retour des réfugiés dans leurs maisons et sur leurs terres; il a toujours refusé d’admettre sa responsabilité à l’égard des réfugiés et les voit comme la responsabilité des pays arabes dans lesquels ils résident. Les Israéliens ne voulaient pas d’un retour des réfugiés sous aucune condition. [2] Ils ne voulaient pas qu’ils reviennent car ils avaient besoin de leurs terres et de leurs villages pour des immigrants juifs. Ils ne voulaient pas non plus d’un rapatriement d’une population arabe qui remettrait en question le caractère sioniste-juif de l’État d’Israël et ébranlerait sa démographie.
Depuis 1948, les gouvernements israéliens successifs ont refusé de discuter d’un quelconque retour des réfugiés à l’intérieur des frontières d’avant 1967. Cependant, entre 1949 et 1953, Israël a envisagé une certaine forme de restitution de la propriété des réfugiés au lieu du rapatriement.
Propagande israélienne
Depuis 1948, Israël a continué de clamer que l’exode des réfugiés palestiniens était une tactique des Arabes qui ont déclaré la guerre au Yishouv juif. Dans les faits, cette version officielle a été élaborée par le Comité du gouvernement israélien pour le transfert, dans son rapport d’octobre 1948, qui formulait les grandes lignes et les arguments de la propagande israélienne des décennies suivantes. Il niait toute culpabilité ou responsabilité pour l’exode arabe – déniait, en fait, le rôle de ses propres membres en divers endroits et contextes. Il s’élevait fortement contre tout retour des réfugiés et proposait que le gouvernement joue un rôle majeur dans la promotion de la réimplantation des réfugiés dans les pays d’accueil arabes. Israël a aussi prétendu que les réfugiés palestiniens constituent un échange de population avec ces Juifs qui ont quitté le monde arabe dans les années cinquante. Bien que le dossier israélien ait été aussi mensonger que trompeur, les porte-parole israéliens ont continué de le propager en Israël et à l’étranger, et plusieurs des amis d’Israël en Occident ont continué d’y croire.
Dans son livre, «The New Middle East», Shimon Peres répète les principaux points de l’argumentation israélienne afin de rejeter le retour des réfugiés:
Les Palestiniens ont fui leurs villages et villes, en 1948, suivant les ordres de leurs dirigeants (une allégation que plusieurs chercheurs, dont Walid Khalidi, Erskine Childers, Benny Morris, Tom Segev, Simha Flapan, Ilan Pappé et moi-même, ont pu démonter) [3];
Peres sous-estime le nombre de réfugiés de 1948 (à 600.000 [4]) et les met en équation avec le nombre de Juifs qui ont quitté les pays arabes pour aller vivre en Israël;
Le temps est venu, prétend Peres, de se détourner de l’histoire et des polémiques et de chercher une «solution juste et raisonnable» au problème des réfugiés, acceptable pour les Israéliens. Selon Peres, le droit au retour est une position maximaliste inacceptable qui «balayerait le caractère national de l’État d’Israël».
Dans les années cinquante, un slogan clé inventé par des officiels supérieurs du ministère israélien des Affaires étrangères était: «Si vous ne pouvez le résoudre, il faut le dissoudre», ce qui veut dire que si vous ne pouvez pas résoudre le problème des réfugiés palestiniens en tant que problème politique, vous pouvez essayer de le dissoudre et disperser les réfugiés avec l’aide de moyens économiques et de projets d’emplois. En d’autres mots, le problème des réfugiés palestiniens peut et doit être réglé par une approche économique, principalement par le biais de leur intégration dans les économies et les sociétés de leurs pays de résidence et/ou par le biais de leur dispersion dans l’ensemble du monde arabe. Cette préoccupation par le besoin de dissoudre le problème des réfugiés émerge d’une quantité de raisons, parmi lesquelles la peur profonde d’un retour arabe et la détermination de déloger ce problème du cœur du conflit israélo-arabe.
Expulsion de la ville d’al-Majdal, été 1950
Selon Morris, «au cours de la période suivant immédiatement 1948, les discours mentionnant le ‘‘transfert’’ de la minorité arabe d’Israël y étaient relativement communs.» Le chef d’état-major, Yigel Yaddin, soutenait implicitement le transfert des Arabes d’Israël. Pendant une rencontre avec Ben Gourion le 8 février 1950, il décrivait les Arabes israéliens en tant que «danger en temps de guerre comme en temps de paix». Le chef du gouvernement militaire, le lieutenant-colonel Emmanuel Mor (Markovsky), déclarait en 1950 («probablement seulement avec une exagération minime» selon Morris), que «l’ensemble de la nation [les Juifs] de Sion [Israël] sans exception ne veut pas de voisins arabes». À l’été 1950, les 2.700 personnes qui habitaient encore la ville arabe méridionale d’al-Majdal (maintenant nommée Ashkelon) ont reçu des ordres d’expulsion et ont été transportés vers la frontière avec la Bande de Gaza en quelques semaines. La ville, qui comptait 10.000 habitants à la veille de la guerre, avait été conquise par l’armée israélienne le 4 novembre 1948. À partir de ce moment et tout au long de 1949, l’officier commandant de la région militaire du Sud, le général Yigal Allon, «demandait … que la ville soit vidée de sa population arabe». En février 1949, un comité du gouvernement pour le transfert des Arabes avait décidé en principe d’évacuer les 2.700 habitants d’al-Majdal. Une année plus tard, au printemps de 1950, Moshe Dayan, le successeur de Allon dans la région militaire du Sud, avait décidé de diriger le nettoyage des Arabes vers Gaza. L’autorisation pour cette action a été donnée par Ben Gourion le 19 juin 1950. Quelque 700.000 Juifs sont arrivés en Israël entre la proclamation d’indépendance en mai 1948 et la fin de 1951. Les dirigeants de l’État croyaient qu’al-Majdal et ses terres étaient nécessaires pour les reloger et permettre leur établissement.
Les archives nationales israéliennes à Jérusalem contiennent des dizaines de dossiers officiels contenant de vastes informations au sujet des politiques israéliennes à l’égard de la minorité arabe, incluant ce qui est d’ordinaire nommé en Israël «transferts de population». Bien qu’un nombre substantiel de ces dossiers soit accessible aux chercheurs et a été utilisé pour ce chapitre, plusieurs dossiers officiels demeurent classés. Cependant, on peut se faire une idée du sujet de ces dossiers classés à partir de l’index des archives, dénombrant ces dossiers du ministère des Minorités: Expulsion des habitants; Transfert des habitants; Concentration des résidents arabes; Plaintes sur le traitement policier; Démolitions de maisons arabes; Actions contre les civils.
Compensations : propositions israéliennes, 1949-53
L’approche économique israélienne du problème des réfugiés palestiniens – essayer de résoudre le problème principalement par le biais de l’intégration des réfugiés dans l’économie de divers pays arabes et par la création de plans de réimplantation organisée – allait aussi main dans la main avec l’approche israélienne face à la restitution de la propriété des réfugiés. En octobre 1948, le Comité officiel sur le transfert recommandait que les «[coûts] de la réimplantation [devraient se monter à la] valeur des biens immobiliers [c’est-à-dire les terres et maisons abandonnées] dans le pays (après que les réparations [pour dommages de guerre infligés au Yishouv] aient été déduits), les pays arabes vont donner la terre, le reste [proviendra] des Nations Unies et des institutions internationales.» Le comité a également essayé d’évaluer la valeur monétaire des propriétés arabes abandonnées, mais a été incapable d’arriver à une conclusion sans études plus approfondies.
Une année plus tard, en octobre 1949, le Comité sur le transfert a été reconstitué en Comité sur la compensation, avec l’addition d’un certain nombre de conseillers techniques, et a soumis ses recommandations six mois plus tard. Il recommandait que, dans le contexte d’un règlement général du conflit israélo-arabe, Israël devrait faire un paiement unique et global, en tant que compensation pour la propriété rurale des réfugiés, pour la propriété urbaine non endommagée et pour les comptes bancaires. Au même moment, le Comité sur la compensation déconseillait la compensation pour les parts arabes dans les terres d’État et s’opposait à des paiements de restitution fait aux réfugiés sur une base individuelle, pour deux raisons principales (selon le comité): premièrement, cela nécessiterait des années d’arbitrage et deuxièmement, et encore plus important, cela exigerait que la permission soit donnée aux réfugiés de revenir en Israël pour participer à l’évaluation des leurs biens. Cela était considéré indésirable. Le Premier ministre Ben Gourion, en particulier, a exclu l’idée de compenser personnellement chaque réfugié. Israël ne s’impliquerait pas dans des réclamations individuelles.
En juin 1953, le gouvernement israélien a essayé de nouveau de mener à bien une politique de restitution de la propriété des réfugiés en nommant un nouveau comité, qui incluait des hauts officiels du gouvernement. Les recommandations du comité ont été présentées en décembre 1953 et suggéraient qu’Israël doive verser 100 millions de dollars, en guise de participation à la facture totale de restitution, dans un fonds international qui serait créé pour mettre en œuvre des projets de réimplantation collective dans les pays arabes. Cette volonté de contribuer à une part du coût financier de la compensation était encouragée par l’augmentation de liquidité en monnaie étrangère due à l’Accord de Réparations avec la République fédérale d’Allemagne, signé plus tôt en septembre 1952. Environ au même moment, diverses estimations israéliennes de la valeur globale de tous les biens mobiliers et immobiliers des réfugiés palestiniens s’établissaient à près de 350 millions de dollars. Bien que ce montant soit proche de l’estimation de l’Office des Nations Unies pour les réfugiés, qui s’élevait à 120 millions de livres, il ne représentait que seize pour cent de la valeur globale des pertes de propriétés palestiniennes établie par deux études palestiniennes détaillées. [5]
Tout au long du début des années cinquante, le gouvernement israélien a signalé sa volonté de contribuer à tout fonds international créé pour réimplanter collectivement les réfugiés palestiniens dans les pays arabes ou ailleurs. Cependant, au même moment, Israël n’était prêt à endosser qu’une partie des coûts totaux de la réimplantation. De plus, toutes les tentatives israéliennes pour mener à bien les propositions de restitution de la propriété des réfugiés palestiniens étaient graduellement liées à un paiement pour la propriété juive abandonnée en Irak, et plus tard dans d’autres pays arabes. En conséquence, depuis le milieu des années cinquante, tous les gouvernements israéliens ont, dans les faits, refusé d’admettre toute responsabilité face à la compensation monétaire due aux réfugiés palestiniens.
« Infiltration » : des réfugiés essaient de retourner, 1949-56
Les réfugiés palestiniens eux-mêmes et leurs dirigeants ont toujours demandé le rapatriement et refusé la réimplantation. Au début des années cinquante, les réfugiés s’accrochaient au «droit au retour», enchâssé dans la résolution 194 (III). Les réfugiés croyaient qu’ils retourneraient un jour dans leurs maisons et villages dans ce qui est devenu Israël. De plus, un grand nombre de réfugiés campaient soit le long des frontières israéliennes ou à faible distance de ces frontières, au Liban sud, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, créant un problème majeur d’«infiltration» pour Israël. Entre 1948 et 1956, des dizaines de milliers de réfugiés – principalement des paysans profondément attachés à la terre – ont continué à traverser les lignes d’armistice, s’«infiltrant» (dans la terminologie israélienne) dans leurs villages, soit pour se glisser chez eux ou pour visiter des connaissances ou pour ramasser des biens ou pour faire des récoltes ou, dans certains cas, pour attaquer les colonies frontalières. Occasionnellement, quelques-uns uns de ces «infiltrés» vivement affamés volaient ou tuaient des Israéliens, probablement comme vengeance personnelle pour leur infortune. Le premier objectif israélien était de les en empêcher et de contrecarrer le danger que représentaient des réfugiés se réinstallant en Israël. Pour combattre cette infiltration persistante, les Israéliens ont effectué de vigoureuses «représailles» contre des cibles palestiniennes en général et contre des camps de réfugiés de la Bande de Gaza en particulier. Ces attaques ont entraîné la mort de nombreux civils. De plus, entre 1949 et 1956, entre 2.700 et 5.000 «infiltrés» ont été tués par l’armée israélienne, la plupart étant des «infiltrés économiques et sociaux» non armés. Une des raisons majeures expliquant l’insistance avec laquelle Israël poursuivait sa politique de «représailles» à ce moment-là, selon Livia Rokach, «était le désir de l’élite sioniste au pouvoir d’exercer une pression permanente sur les pays arabes afin qu’ils déplacent les réfugiés palestiniens de la guerre de 1948, les éloignant ainsi de la proximité des lignes d’armistice et qu’ils les dispersent à l’intérieur du monde arabe.» En addition, des milliers de réfugiés qui avaient réussi à retourner chez eux étaient rassemblés par l’armée israélienne et expulsés au cours des premières années de l’État.
Expulsion des Bédouins du Néguev, 1949-59
Le Néguev a très tôt été un