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B-Security : quand capitalisme, répression et propagande font bon ménage.
by Cheminot Saturday August 16, 2003 at 04:03 PM

B-Security est une division de la Direction Réseau des Chemins de Fer Belges qui a été créé en mars 1999. Dans le magasine du personnel de la SNCB de août 2003, un large article est consacré à cette division sécuritaire.


Présentation et discours global.

B-Security est une division de la Direction Réseau des Chemins de Fer Belges qui a été créé en mars 1999. Comme son nom l’indique, elle s’occupe de la sécurité sur le réseau SNCB au sens large. Dans le magasine du personnel de la SNCB de août 2003, un large article est consacré à cette division sécuritaire. Etant donné la teneur de nombreux propos que l’on retrouve dans cette parution, il m’a semblé intéressant, voire nécessaire de proposer un contre-article. Celui-ci contient donc quelques citations d’agents de la SNCB, entourées de contre-réflexions anti-sécuritaires et anti-capitalistes.

Le titre de l’article annonce très bien la couleur : « Les agents de B-Security veillent sur nous et nos clients ». Remarquez le dernier mot qui est le symbole de la nouvelle politique de la SNCB. On ne parle plus que de clients, de relation avec la clientèle, de commerce. Comme dans tout le système capitaliste, toute personne qui ne se conforme pas au symbole de l’argent et des relations commerciales est immédiatement marginalisé, ridiculisé, piétiné, réprimé, isolé, puni, et même régulièrement … tué. L’introduction part ensuite sur la constatation franchement fataliste et peu lucide que le danger et l’insécurité sont omniprésents, et ce depuis la nuit des temps. Cela soulève bien entendu la question, plus globalement, du problème récurent et chronique de cette « insécurité ». Comme dans tout discours sécuritaire, l’accent n’est absolument pas mis sur les raisons réelles de toute cette « insécurité « et de tous ces « problèmes de société ». Psychologiquement, le lecteur est aussi directement plongé dans une paranoïa dont il ne se sortira plus. Au-delà donc des propos concrets, il y a véritablement une mise en forme de l’article qui nous projette dans une soi-disant ambiance détestable où tout le monde est sous la menace d’un mauvais coup. L’omniprésence de ce danger, c’est bien un discours très dangereux, tel ceux qu’on rencontre dans les grands médias états-uniens. Ceux qui ont vu « Bowling for Columbine » savent de quoi je parle.
Viennent ensuite les différentes missions de B-Security : la protection des personnes, la protection de l’infrastructure et le renfort en cas de catastrophe ferroviaire. Pour les 2 premières missions, il est intéressant de noter que la SNCB s’est dotée d’un projet assez important, connu sous le nom de MALAGA (Moyens d’Acquisition et de Logistique, d’Acheminements et de Gestion des Alarmes). Le chef de division B-Security signale aussi que nombre d’agents SNCB ont été équipés de GSM, essentiellement pour des problèmes de sécurité. Il est piquant de remarquer que la SNCB doit donc investir des milliards d’anciens francs pour une politique de haute-technologie. Le coût de l’investissement en matière de GSM et de surveillance via le projet MALAGA est énorme, et on remarquera encore une fois que la technologie qui devrait être au service du progrès social et humain sert plutôt les intérêts capitalistes et étatiques pour réprimer les personnes non-conformes à cette société. Au lieu de consacrer toute la richesse et la technologie à l’amélioration du niveau de vie, tout est entrepris pour monter les gens les uns contre les autres et pour « conserver » la misère.
La deuxième mission parlant de vandalisme et deprédations, on voit déjà là une allusion aux graffitis. J’y reviendrai plutôt vers la fin.
Pour terminer sur ce premier point, on signalera aussi les nombreuses missions de protection des dirigeants, des « trains royaux », et aussi d’arrestation des personnes en séjour illégal. Cela contribue bien sûr à réprimer le droit de s’exprimer et de circuler. En général, les personnes « illégales » sont aussi traitées sans ménagement par les agents de B-Security alors que ces personnes n’ont rien fait de mal, elles viennent juste chercher un peu d’espoir dans un pays dit « civilisé ».
Recrutement et formation : « Rambos s’abstenir ! »
L’article et les fonctionnaires de la SNCB estiment que le principal n’est pas d’avoir une carrure énorme, mais surtout d’avoir de la « psychologie ». Il faut donc avant tout VOULOIR exercer son job, et le faire dans le cadre même des objectifs économiques de la SNCB. Les agents de B-Security sont donc susceptibles d’intervenir contre un ivrogne par exemple. Une expérience personnelle m’a montré quelle psychologie était utilisée par les agents de B-Security : la même que la Police Fédérale qui est de rigoler de l’ivrogne en question, certainement pas de l’aider, de l’écouter. Les exemples continuent avec « les fauteurs de troubles à l’affût d’un mauvais coup ». Il faudra qu’on dise aux gens comment on peut discerner qu’un groupe VA faire un mauvais coup, c’est-à-dire qu’on va deviner le futur. Quels sont les critères qui permettent d’interpréter cela ? Encore une fois, il semble bien que cette politique est contraire aux nombreuses et importantes libertés fondamentales comme la liberté de circuler et de s’exprimer par exemple. On terminera ensuite avec la répression des « manifestants en colère », ce qui est le sommet de la marginalisation de certaines couches « non-conformes » de la société.

Ce qui est intéressant, c’est de remarquer que toute la politique d’action, mais aussi de recrutement et de formation, est axée autour du principe de « normalité », c’est à dire qu’il faut bien être dans la moyenne, et ne pas trop s’écarter des règles dictées par une certaine morale plus que douteuse. On vient de le voir avec les « ivrognes » et les « manifestants en colère ». Dans la formation d’un agent de B-Security, il est stipulé que le casier judiciaire doit être vierge et qu’une « enquête de moralité devra se révéler positive ». L’individu devra aussi subir des tests psychotechniques, « afin d’écarter les individus peu équilibrés, trop peu ou peu réactifs, sensibles aux pressions extérieures ou à la personnalité trop floue ». Encore une fois, je ne pourrai m’empêcher de faire le parallèle avec une scène de « Bowling for Columbine » où le réalisateur Michael Moore, qui veut se procurer une arme dans une banque, doit remplir un document où il stipule qu’il n’est « défaillant mentalement ».
La formation plus spécifiquement pourrait être résumée en un mot : endoctrinement ! Un premier cycle de formation détaille le monde ferroviaire, les structures propres de la SNCB, l’organisation, les objectifs économiques et toute l’infrastructure de base du réseau ferroviaire. On poursuivra dans un deuxième cycle avec notamment du droit pénal, ainsi que toutes les lois en matière de chemins de fer. La suite de la formation est dispensée, elle, par une société privée, ce qui montre aussi le côté privatisation partielle des chemins de fer.
On terminera ensuite par une formation locale, sur le terrain, supervisée par un dirigeant, qui sera sanctionnée par un ultime entretien d’évaluation et d’une possible affectation pour une fonction bien définie.

Dans le feu de l’action.

Il est temps maintenant de passer à des choses plus concrètes : les actions réelles de B-Security. Cette partie-ci est sans doute la plus pénible pour les défenseurs des libertés fondamentales et pour la respect mutuel.
Déjà, de savantes statistiques nous disent que sur 5606 trains accompagnés par des agents de B-Security, ceux-ci on été confrontés à 1333 personnes tentants de voyager gratuitement, 20 agressions verbales et 63 agressions physiques. Premièrement, le droit de circuler librement est inaliénable et visiblement, celui-ci n’a toujours pas été inscrit dans la Constitution et le Règlement du Chemins de Fer. En regard des plus nobles Déclarations de droits fondamentaux, c’est plutôt la SNCB qui est fautive, puisqu’elle demande une participation aux frais des voyageurs.
De nombreuses organisation, associations ou personnalités se sont déjà élevées contre cette absurdité que sont les transports payants, dont le Collectif Sans Ticket. Ceux-ci ont reçu pour seule réponse une masse d’amendes et même des attaques judiciaires ! Les dernières déclarations issus des ex-négociateurs gouvernementaux, par exemple M. Laurette Onkelinkx, ont peut-être dû donner de l’espoir à certaines personnes, mais quand on connaît la personnalité hypocrite de cette Ministre, on est endroit d’avoir beaucoup de doutes. Ensuite, cette même Madame Onkelinkx est passée au Ministère de la Justice et il y a fort à parier que cette Justice ne sera pas appliquée en Belgique avec pareille personnalité.
Ensuite, on fera remarquer pour les 2 autres chiffres que l’interprétation d’une agression verbale ou physique est différente selon la personne. Par exemple, si un voyageur refuse de payer, considérera-t-on cela comme une agression verbale ? Pour certaines personnes, oui. Toutes les personnes progressistes de ce pays connaissent la manière dont les chiffres sont traités par les services de sécurité pour augmenter ces mêmes chiffres et dispenser de la peur. Il faut savoir que la plupart des « agressions » vient à la base la mauvaise gestion du réseau et du traffic de la SNCB, donc à la sous-capitalisation de la société, la dictature de la hiérarchie, les procédures absurdes, le prix qui ne devrait pas exister, un mauvais confort (surtout dans un train non-climatisé). Quand on voit l’état déplorable du service public ainsi que la lourdeur de l’administration, on comprend qu’une partie des usagers soit « agressive ».
Toujours dans la même optique, un agent signale le cas de cette famille roumaine qui était retranchée à 7 dans le minuscule cagibi des toilettes. Malheureusement, en général, cette tactique est infructueuse car cela ne passe pas inaperçu. L’acte sera bien sûr sanctionné d’une immense amende, impayable par la famille, ce qui entraînera des conséquences inhumaines pour ces pauvres gens.
Après la criminalisation des « resquilleurs », l’article passe encore un cran plus haut dans son aspect réactionnaire : le racisme. En effet, un agent de B-Security fait remarquer qu’il est « intéressant d’interpeller les usagers récalcitrants dans leur langue – turc, russe, roumain, italien, espagnol, … Le fait d’apostropher un chef de bande en arabe, comme je l’ai fait lors d’une altercation, a souvent pour résultat de casser son assurance et celle du groupe entier, de les calmer ». Nous avons bien affaire là à une stigmatisation de la population étrangère. Dans l’article, il n’y a malheureusement nulle part mention de l’impossibilité pour ces gens de pouvoir se munir d’un « droit de se déplacer » car le prix étant vraiment onéreux. Déjà pour les allochtones, il n’est pas facile de se payer ce genre de « droit », nous n’osons donc imaginer l’affreux dilemme pour les populations d’origine immigrées qui sera de prendre des risques ou de devoir se serrer la ceinture de point de vue financier.
Malheureusement, avec cette affirmation à connotation raciste, l’intolérance et la xénophobie n’est pas près de disparaître au sein de la SNCB où de tels sentiments sont déjà très présents, au sein même des syndicats. De nombreux autres discours vont malheureusement dans ce sens et rien ne changera tant qu’on envisagera pas au moins le transport gratuit pour les usagers.
En continuant sur les techniques de maîtrise des « fauteurs de troubles », on signalera aussi que la Direction Réseau a intégré à la formation permanente de ses brigades un cours de self-defense. Il a été Baptisé TIS (Technical Intervention Security) et est dispensé 6 fois par an par un groupe de 8 moniteurs experts en la matière – ils ont été formés à la SUGE, la Surveillance Générale française. Ce petit détail piquant montre combien la sécurité est envisagée au niveau européen (comme la politique d’asile) et qu’une politique répressive européenne peut réellement exister, avec toutes les conséquences que cela induit. De plus, au vu de cette information, les méthodes Sarkozy risquent fort bien d’être importées en Belgique, ce qui n’est pas fait pour rassurer les progressistes et radicaux.
L’article se termine alors avec un passage assez important sur les graffitis. On remarquera que la paragraphe commence sur un ton mineur, parlant d’artistes « réputés » (intégrés au système ?).
Ce début très (étonnamment) doux semble permettre ensuite tous les débordements dans la suite, puisqu’on parle de « la grande majorité des auteurs de graffitis qui ont choisi de s’exprimer sauvagement, étalant n’importe où leurs œuvres colorées alors qu’on ne leur a rien demandé. La liberté d’expression est donc visiblement bien limitée au fait que l’on doit s’exprimer dans un cadre bien précis, pas « n’importe comment », et surtout qu’on ne doit pas mettre « n’importe quoi ». L’agent de la SNCB parle de « véritable déprédation des biens, d’actes de vandalisme authentique », et l’article mentionne qu’il se fâche ( !). « La SNCB prend aujourd’hui ce problème au sérieux, compte tenu du coût énorme qu’il représente. Il faut savoir que les frais de nettoyage de notre matériel roulant et des installations se sont élevées à près de 2,2 millions d’euros en 2002. » Bon, fâchons-nous un peu aussi : pourquoi nettoyer que diable ? Et pourquoi devoir chiffrer tout cela, pourquoi parler de pertes et de « dépenses inutiles » alors que plein d’infrastructures et d’autres dépenses ou contrats avec des firmes privées, bien plus importants en matière de quantité d’argent, sont eux clairement inutiles. La Belgique est LE pays des dépenses inutiles, et voilà qu’on se met à chiffrer une action fort jolie, décorative, amusante, qui égaye des endroits laissés à l’abandon par une mauvaise gestion publique.
Néanmoins, « l’heure est bien à la répression », poursuit l’agent de la SNCB. « Nous avons désormais établir une collaboration étroite avec la cellule TAG de Pol-Bru (la police de Bruxelles), qui possède une base de données riche de quelques 1300 taggeurs identifiées. Elle sera utilisée en complément de celle que nous avons nous-mêmes constituée, nos agents ayant été formés pour prendre des clichés de graffitis dans les moindres détails – ces photos servent à identifier les caractéristiques propres à chaque graffiteur. Cette collaboration avec Pol-Bru nous permettra notamment de faire aboutir bientôt un dossier à charge de l’un d’entre eux, dont les activités cumulées ont induit un coût de 78.000 euros pour la SNCB ! ». Pathétique … Dans ce domaine, il semble bien que la propriété privée soit mise en avant. Véritable pilier du système capitaliste qui vend des services, la propriété privée est bien dans ce cas la négation de la liberté d’expression et de la démocratie socialiste autogestionnaire en général. L’espace public n’est en aucun privatisable par une société et le peuple a parfaitement le droit de s’exprimer partout où il le veut. Nulle élite n’a le droit de nous dire où et ce qu’on peut écrire. De plus, punir d’une amende de 78.000 euros est complètement surréaliste, puisque ruinant complètement une personne pour des années !

Conclusion : La sécurité et la justice sociale, pas la sécurité de la propriété privée !

B-Security a été créée dans une optique sécuritaire, pour assurer les objectifs économiques de la SNCB, dans le cadre européen de la libéralisation du chemin de fer. C’est la direction contraire aux droits les plus fondamentaux. Alors que les usagers et le peuple exigent des déplacements confortables et gratuits, ceux-ci sont de moins en moins agréables et on envisage peut-être, du moins dans les déclarations de Karel Vinck, une augmentation des tarifs. De plus, ceux qui osent s’opposer à une telle politique réactionnaire sont systématiquement criminalisés et marginalisés, car n’étant pas « conformes » à la politique actuelle. On ne peut s’empêcher que tout ceci entre dans les nouvelles politiques sécuritaires européennes et mondiales liées à tous les mouvements sociaux ou les groupuscules terroristes qui déstabilisent le système capitaliste, à raison pour les premiers, à tort pour les seconds. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut renverser la vapeur : d’abord supprimer cette division B-Security, investir l’argent là où il faut : le confort, des lignes sûres, un voyage gratuit à financer avec toutes les sources possibles, rendre la SNCB complètement nationalisée sous contrôle de ses cheminots, stopper la mauvaise propagande qui tenterait d’unifier capital et travail ; bref faire en sorte que la SNCB soit un moteur de développement social et de longue durée pour l’ensemble de la population Belge et immigrée de Belgique.