arch/ive/ief (2000 - 2005)

Histoire des hiérarchies
by Dominique Friday August 15, 2003 at 03:22 PM
dominique_pifpaf@hotmail.com

Le livre suédois "Svenskarnas religion" présente un excellent exposé sur l'histoire de la religion en Suède. Un point saisissant est le parrallélisme parfait entre l'évolution des hiérochies dans la société et dans la religion.

Les deux auteurs, Åke Ohlmarks et Berndt Gustafsson, dans ce livre édité en 1974 par AB Tryckmans à Stockholm dont le titre signifie en francais "Religion des suédois", remontent jusqu'aux premiers peuples ayant peuplés la Suède à la fin des dernières glaciations. Ils font ensuite l'historique de la religion des suédois jusqu'à nos jours.

"Les premiers peuples ayant peuplés la Suède furent, comme sur le reste de la planète, des peuples vivants de ceuillette et de chasse. Leur religion était une religion totémique où chaque chose et chaque être avait son dieu ou esprit. Il n'y avait pas de hiérarchie entre ces dieux ou esprits, le dieu du papillon était égal au dieu de l'ours, lesuqels étaient égals aux dieux de l'homme, de la femme, du soleil ou de la lune."

"Ce manque de hiérarchie entre les dieux ou esprits vient du fait que pour ces peuples il n'y avait pas de différence entre chasser le jour sous le soleil ou la nuit au clair de lune, cela est toujours chasser. Ce manque de hiérarchie se retrouvait dans la société. Le chamane était un médecin, un conteur et un acteur; il n'avait aucun pouvoir politique particulier et même son autorité de chamane était remise en doute s'il manquait d'inspiration. L'esclavage comme la guerre était inconnu."

Un point fondamental est que ces religions totémiques ou chamaniques se retrouvent sur toute la planète aux époques préhistoriques. Elles ont évolués à des vitesses diverses vers nos religions modernes occidentales; certains peuples du monde comme les indiens d'Amazonie ont encore une religion totémique et ne connaissent aucune autre hiérarchie que celle que les hommes "civilisés" essaient de leurs imposer.

Autre point fondamental, ces sociétés dites "primitives" réalisait ce qui pour moi est le but de toute société digne: le bonheur de ses membres. Et ce malgré une science et des connaissances techniques tellement sommaires qu'elles ne sonty que difficilement comparables avec la science et les connaissances de notre société moderne. Certes ce bonheur n'était pas parfait, d'autres sources comme Hengels montre que le cannibalisme est apparu à cette époque, mais les archéologues n'ont jamais retrouvés de trace de guerres ou de massacres comme cela s'est produit avec l´évolution parallèle de la religion et de la société.

"Le stade suivant fut l'invention de l'agriculture. Ce furent les femmes qui l'inventèrent en mettant à profit le temps libre qu'elles avaient quand les hommes étaient à la chasse. Les femmes prirent ainsi une forme prépondérente dans la société qui s'orienta vers le matriarcat."
D'après Hengels (L'évolution du mariage, de la propriété privée et de l'état), la forme de mariage la plus répandue dans la société totémique devait être le mariage de groupe.
"Le soleil prit une importance prépondérente dans la vie des gens de part la dépendance des récoltes par rapport aux cadeaux du soleil. De même dans la religion, le soleil devint le dieu principal et son sexe était féminin, comme le témoignent encore les langues germaniques où le genre du mot soleil est le féminin."

Cette époque était encore une époque heureuse pour l'humanité, avec une apparition de la hiérarchie dans la religion et dans la société. Le dieu dominant est une déesse de la fécondation. Il n'y a toujours pas de guerres et de massacres, ni d'esclavage ou de racisme.

"Puis vinrent des peuples qui émigrèrent d'Asie à travers la Méditéranée, Gibraltar et la côte atlantique. Ils avaient des bateaux renforcés de cuivre, un art moderne de la guerre, et apportèrent le commerce dont un des plus florissants était celui d'esclave. Leur dieu principal était un dieu soleil mâle et dominateur, fier capitaine du bateau dans lequel se trouvait le soleil lui-même, soleil réduit à une coque d'or ou de lumière."
"Pour ces nouveaux peuples, les femmes n'étaient que des accessoires de harems et leurs bateaux valait plus que toutes les femmes et beaucoup d'esclaves. Ils prirent de nombreux esclaves dans les populations de chasseurs, tandis que les peuples d'agriculteurs prirent leurs coutumes, se convertirent à cette nouvelle religion et au patriarcat."

Nous voyons apparaître à cette époque des dieux non plus fécondateurs mais dominateurs, des seigneurs dans la société humaine, les premières guerres et le commerce avec son corollaire: l'esclavage. C'en est donc fait du bonheur de l'humanité. Les tombes de pierres ou tombes mégalitiques de cette époque ont toutes été construites à grand renfort d'esclaves. Les pyramides d'Egypte sont l'exemple le plus connu de ces tombes, qui se retrouvent dans tous les pays méditérannéens (et bien d'autres). "Ces esclaves ont aussi construits les routes et chemins en pierre de cette époque" et de biens des époques postérieures.

"Vers 3000 avant J.C. vient un nouveau peuple indoeuropéen d'Asie de l'ouest vers l'Europe centrale: le peuple à la hache de guerre. Vers 2000 avant J.C, ils arrivent dans le pays de la mer du Nord. Il y a eu vraisemblablement des guerres sanglantes avec les peuples de paysans mégalitiques avec de grandes chasses à l'esclave dans les peuples de chasseurs et de pécheurs. Ce nouveau peuple réussit à devenir maître de la Suède. Il semble que ce soit à cette occasion que le mythe du dieu de la guerre Tor entre en scène et renverse tout sur son passage. Les équivalences directes de Tor sont les dieux Herakles en Grèce presque mille ans plus tard, la déité védique Indra au Penjab et le dieu Taramis des celtes."

"Tor personnifie avant tout pouvoir infini et tout autant infini appêtit de guerre et de conquête. Ce complexe devait se montrer incroyablement fort, presque indéracinable. ... Tor est un modèle pour tout héros suédois à la fois dans les contextes profanes que religieux."
"Et quand la chrétienté fait son entrée en scène, c'est à la place (de Jésus, pauvre d'entre les pauvres) le Christ qui est percu comme héros. Les crucifix romains montrent encore non pas un maître de la souffrance mais un fier et lumineux seigneur de la victoire qui ne pend pas sous la croix mais se tient debout devant elle."

Le dieu solaire a été remplacé par un dieu de la guerre. Plus tard avec les religions monothéistes, ce caractère de dieu de la guerre est préservé, et même en fait renforcé car ce dieu de la guerre cummule en plus les pouvoirs de tous les autres dieux qui disparaissent. En parrallèle à cette évolution religieuse, l'organisation de la société se développe.

"Vers 1500 avant J.C. est terminé l'amalgame entre le peuple à la hache de guerre et le peuple mégalitique... C'est le début de l'âge du bronze nordique. L'or fait son entrée..."
"Il semble curieusement que l'idée du royaume de la grace de dieu dans l'imagerie européenne fut une invention des maîtres de la Suéde pendant cet âge du bronze."
"La pensée semble en avoir été prise du nouveau royaume solaire d'Egypte, où elle fut introduite déjà dans l'ancien royaume, quand le prêtre supérieur d'Heliopolis du dieu solaire Ra montat sur le trône pharaonique..." "Du Nord, les migrations conduirent le royaume de la grace du dieu solaire dans le reste du monde: avec les goths en Ukraine, dans les pays du Danube, en Italie et en Espagne; avec les francs en France et en Allemagne, avec les vandales en Afrique, avec les Rurik (NDT.: je laisse cette appellation et la suivante en suédois car j'ignore les noms francais)et les varjagerna en Russie."

"Ce n'est certainement pas une coincidence que le premier roi descendant de la grace du dieu solaire apparait en même temps qu'un culte solaire intensif vers 1000 avant J.C. On commence à bruler les morts au lieu de les enterrer non brulés."
"La foi dans une nouvelle vie après la mort dans le pays paradisiaque du soleil a depuis lors vécusous différentes formes à travers les temps. Les Evangiles non pas grand chose de concrêt à nous dire sur la vie de l'autre coté, plus se trouve dans l'apocalypse avec sa Jerusalem paradisiaque dont les rues sont illuminées d'or."

Cette foi en une nouvelle vie après la mort (ou en une autre vie) rend possible la pire des choses: faire croire à l'homme que son but se situe dans une autre vie, et que par conséquent il est illusoire d'espérer être heureux dans celle-ci. Le paradis, oui, mais pas ici et maintenant. Le propre de l'homme est justement de se fixer des buts, le savoir et la science n'étant que des moyens pour atteindre ces buts. Avec un but se situant dans une autre vie, nous tombons dans l'absurde total, où d'avance la foi nous fixe des barrières qu'aucune science et connaissances ne pourrat jamais franchir, et pour cause. Nous vivons ici et maintenant, et c'est ici et maintenant que nous déterminons nos buts et que nous travaillons à leurs réalisations. C'est ce travail au présent qui fait que notre avenir est différent de notre passé.

"La révolution industrielle a rendu possible de se libérer des religions ainsi que l'athéisme. L'athéisme est une religion comme une autre où le sacré consiste à remettre en cause le sacré."

À ce point, ma conclusion est que le but des religions, même s'il peut être un but concrêt sur le plan de la vie spirituelle pour un croyant convaincu, est un but totalement illusoire pour une société. Le bonheur se savoure au présent, non au futur inconditionnel de l'illusoire du parfait.

Quand à notre société moderne, son but est la santé de l'économie et le progrès des sciences. L'économie est une science, celle de l'argent, et comme toute science est un moyen pour atteindre le but fixé. Nous avons donc enlevé le but illusoire des religions, ce qui fut une bonne chose la religion étant une affaire personnelle, pour le remplacer par un moyen. Notre société n'a pas de but, elle court après des moyens, persuadées que ces moyens sont des buts en eux-mêmes. Cela s'appelle idolatrie des moyens. Notre société court, comme Don Quichotte, après des moulins à vents.