arch/ive/ief (2000 - 2005)

La lettre Afghane n°4 (08-08-03)
by Hugues Corriat Saturday August 09, 2003 at 12:46 PM
corriat_h@swing.be

L'amour consiste à donner ce qu'on a pas à quelque'un qui n'en a pas besoin (Lacan)

Un petit mot ...

Sur ma table de travail, se trouvent trois statuettes indonésiennes. Sous forme anthropomorphique, elles représentent dans la même attitude les 3 petits singes : qui se tait, qui se bouche les oreilles, qui ne veut pas voir. Certains y comprennent l'incommunication. Personnellement, je trouve qu'elles peuvent montrer les différents stades de la communication. Enlevez l'une, et vous voyez et entendez ; combinez-en deux et vous parlez mais n'entendez pas. Ainsi de suite. L'incommunication totale n'existe pas, elle est rendue difficile parce que nos mains nous y empêchent. Heureusement, nous n'en avons que deux, elles ne peuvent entraver complètement ces trois sens essentiels de notre vie de tous les jours. Nous avons vécu une de ces journées : conférence de presse le matin et pourparler le soir. Quant aux mains, nous les avons laissées dans les poches. Du moins, je crois, il y en a toujours une qui est baladeuse.

Bien à vous tous, chers Voisins,

Hugues Corriat

Rue Malibran, 104

Morceau de bravoure

Julien Sigarde a eu l'excellente initiative de rencontrer notre Borges national. Arthur Haulot est un personnage vénérable de notre histoire. Il est devenu aveugle, au fil de l'âge. Ce résistant fut incarcéré par les Nazis à Brendonck, de sinistre mémoire. Ce message nous vient donc de notre mémoire collective.

En tant que citoyen belge attentif aux drames du monde actuel, je considère l'attitude prise à l'égard des Afghans réfugiés en Belgique comme d'une parfaite indécence. Nous nous présentons comme un peuple cultivé, humaniste, solidaire de tous ceux qui se battent dans le monde pour la liberté et la dignité de l'homme. Comment osons-nous, sur de telles professions de foi, rejeter sans le moindre remord des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants dans une misère que personne ne peut ignorer?

Pour ma part, je fais appel à la solidarité internationale et au respect de l'homme qui sont nos deux grands principes de base et je ne reconnais à personne le droit de les bafouer."

Arthur HAULOT

Brèves

· La politique, c'est un peu comme le ping-pong. On se renvoie la balle. Donc le bourgmestre a changé d'avis et autorise le rassemblement-manifestation. Car plus personne ne sait si c'est à Sainte-Croix ou à Fernand Cocq que ça se passe. Bonjour les allées et venues entre ces deux endroits. Finalement, le yoyo, c'est sympa aussi !!!

· Le Centre de l'Egalité des Chances n'assume plus la médiation entre le Gouvernement et les Réfugiés.

· Monsieur Victor Bricout, magistrat honoraire du Parquet, a été désigné par le Ministre Dewael en tant que médiateur. (Eppure, si gira ! -Galileo Galilei)

· Ce matin, entre 11 h et 12 h, s'est tenue une conférence de presse à l'appel de l'Assemblée des Voisins. Nous parlerons des absents, pour une fois, la RTBF qui ............................................ (sic!)

· Il y avait quatres choses d'important à dire, mais j'ai oublié quoi ? Ah oui, les Afghans sont à leur 16ème jour de grève de la faim. Putain ce qu'elle est longue la route de la Liberté presqu'aussi longue que l'E42.

Réac' à la rédac'

Je lisais les brèves, je trouve ça formidable de pouvoir suivre du bureau, où heureusement je peux faire du travail pour les Afghans :-) (de Natasha Bervoets, qui fait de l'info formidable et utile)

"C'est chouette La Lettre Afghane, car c'est moi qui ai trouvé la serviette. Je suis contente d'apprendre qu'elle a été rendue", dixit Griet.

Journée du 8 août 2003 16h30

Les marches sont peuplées. Danielle, un peu seule, entame une conversation avec moi

Une équipe du CIRE et de l'OCIV prend l'air.

Re-Edith.

Une équipe de Télé Bruxelles s'est attardée depuis la conférence de presse.

Jean-Marie m'informe que Radio Vaticon (Amen!) a contacté les Afghans.

Deux femme entrent portant des sacs remplis de fruits (tomates et pastèque)

Une fille joue au tennis contre le mur. La balle rebondit trop loin, un passant lui rend la balle au bond.

Jean-Marie donne une interview par téléphone.

L'équipe du CIRE/OCIV (ils sont 5) attend que les négociatons entre les grèvistes et le réprésentant du Ministre de l'Intérieur avec le médiateur se termine. Alors on tire une clope. Un grèviste s'adresse à eux : 'Alors, c'est la pause ?' Rire général.

Journée du 8août 2003 17h10

Un homme avec un accent prononcé : 'Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour eux ? '

Jean-Marie cause encore au téléphone. Au bout du fil, ce sont des militants de Paris qui connaissent une situation similaire.

L'homme à l'accent fort parle avec Nathalie (CIRE). En short, il a les chaussettes bien tirées, avec des toucans comme motifs. Il viendra au Rassemblement.

Une voisine est satisfaite. Elle a obtenu la sono pour demain : 'Quelle bataille', dit-elle.

' 't was vooral nat ! ' Angela qui vient d'animer les gosses.

Et en plus, gâteau sur la cerise, Sam Touzzani sera là, samedi.

Arrivée d'une voisine avec sa petite fille, la panse d'une casserole déforme le sac Delhaize qu'elle tient en main.

Journée du 8 août 2003 17h35

Autre voisine, sac Delhaize et pile d'essuis dans sac plastique.

- Isabelle dit : 'Victor est passé?'

- Victor ? Qui c'est ?

- Victor Bricout, le médiateur.

- Ah! et bien, il pourparle.

Marie-Pierre, tout à trac, elle doit envoyer un recommandé urgent :

- Quelqu'un n'aurait pas 5 euros ? J'ai peur de ne pas avoir assez d'argent pour expédier mon courrier. La poste va fermer. C'est urgent.

Bon d'accord. J'ai ça en poche et puis, ça aide.

Une indienne avec ses filles jumelles en robes à carreaux s'en va dans l'église.

une jeune femme aux cheveux roux joue une réussite sous les yeux d'un groupe d'enfants.

Tout à coup, beaucoup de monde sur les marches sous un soleil à la chaleur tendre. Quelqu'un filme avec une midi-caméra. Un groupe discute avec Jean-Marie. Ballet de casseroles, de cocote-minute, de plats recouverts d'alu. Autre groupe avec Selma. Des gosses balances des capsules, les reprennent, les relancent. Encore un bout'chou, raquette en main, l'oublie au pied des marches. Nassyr les bras croissés en discussion. Les marches bleues s'animent de paroles. La réunion avec Victor est finie. On constate, on espère, on croit que.

Journée du 8 août 2003 18h10

Un italien m'a questionné : 'Pourquoi faites-vous cela ?' Et la discussion est partie : démocratie, islam, révolution, femme musulmane, liberté, vérité, révolution française, immigration italienne. L'homme vit en Belgique depuis 1947. Arrivé à Courcelles, il a connu les baraquements, ancien camps de prisonniers allemands reconverti en lieu d'accueil pour la main d'oeuvre italienne. Il dit que certains de ces prisonniers ont fait le choix de rester en Belgique plutôt que le retour au pays etc ... etc ...

Une dame discute avec un Afghan devant les portes qui servent de tableau d'affichage.

Journée du 8 août 2003 18h30

Deux dames à l'embonpoint prononcé entrent avec des sacs. Un enfant les reconnait et leur adresse brièvement la parole.

On rembarque la vaisselle. Une casserole bleue dans une bassine grise.

Une dame avec un petit chien blanc

Un petit diable est en train d'entortiller une dame venue à l'église. Il galope là où il ne faut pas, elle lui GRRRRR dessus. Il n'en a que fuir. 'C'est rapide', s'aperçoit-elle

Une jeune fille afghane porte un T-Shirt : I YN-Y

Je cause avec Julien. Une dame se présente :

- Vous connaissez Julien ?

- C'est moi.

-Ah non, c'est mon fils. Il a une boule de cheveux sur le crâne.

-Euh !! Il est au restaurant en face, parti saluer une connaissance.

Un petit peuple afghan est sur les marches en quête de fraicheur. Des femmes (avec ou sans foulard) sur l'angle du perron, 3 marches plus hautes; 2 hommes et une femme dans un coin, au côté opposé, près de la rampe, dans un rayon de soleil couchant, 4 hommes sur chaque degrés des marches. Appuyés sur le parapet, deux hommes discutent, derrière eux, une marmaille se détend comme elle peut, caresses maladroites, rires pour rien. Un couple de l'extérieur vient saluer. L'homme porte son bébé sur le ventre dans une poche kangourou. Sa femme porte un foulard à paillettes. Ils entrent.

Une dernière info : durant tout ce temps, 31 citoyens belges ont monté les marches et sont restés quelque temps sous le porche à lire les proses affichées.