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Rapport accablant sur les prisons de type F
by Bureau du droit du peuple Sunday August 03, 2003 at 09:05 PM
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Rapport sur les prisons de type F tant vantées par l'Union européenne...

BUREAU DU DROIT DU PEUPLE


Date: 31. 07. 2003


PRISONS DE TYPE F ALIAS CAMPS DE CONCENTRATION MODERNES

Dès leur création, les prisons et les tribunaux ont été utilisés par les pouvoirs en tant qu’institutions destinées à corriger les hommes mais aussi en tant que symboles de sécurité. Sous le prétexte de regagner les prisonniers à la société, tous les pouvoirs ont successivement tenté de ‘réhabiliter’ l’identité et la personnalité du prisonnier lorsque celui-ci en venait à remettre leur gouvernance en question.

Aujourd’hui, ces mêmes principes restent toujours valables. Dans notre pays, par l’intermédiaire des camps de concentration appelés prisons de type F où sont confinés les prisonniers dans des cellules individuelles, on cherche à priver les prisonniers de tous leurs droits. Ces cellules de type F ont pris la place des chambres à gaz jugées acutellement par les tyrans comme trop sanglantes .

Cet univers où l'extermination se pratique de manière plus douce, s’attaque à l’esprit et à la pensée humaines et vise à détruire l’individu par la déprivation sensorielle. Cette forme de châtiment s’attaque au mental. Dans leurs agissements odieux, les geôliers sont assistés par des psychologues qui eux-mêmes empruntent leurs méthodes aux disciplines telles que la criminologie et à la pénologie. Certains Etats qui agissent en maîtres du monde en imposant des embargos, en envahissant et en occupant tel ou tel pays, s’efforcent en en même temps d’imposer leur conception de l’univers carcéral et de la captivité. Ces soi-disant maîtres du monde n’ont d’ailleurs à offrir à l’humanité que les guerres, les destructions, les génocides et la désolation.

Le sujet sur lequel nous voulons attirer l’attention est sans doute difficile à comprendre pour des personnes qui n’ont jamais connu la torture et encore moins le supplice de l’isolement.

Par l’isolement physique, l’Etat espère éliminer le droit d’organisation ainsi que toutes les valeurs collectives créées par la société. Il espère réduire les prisonniers à des individus aliénés à toute forme d’existence sociale, qui ne critiquent pas, ne s’interrogent pas, ne réagissent pas, qui obéissent sans conditions, qui vivent de manière individualiste, qui ne raisonnent pas de manière scientifique et qui en fin de compte, ne sortent plus de chez eux.

Par la solitude, on vise à isoler l’individu sous toutes les formes. Aujourd’hui, l’isolement est en vigueur dans toutes les prisons. L’usage de l’isolement est la conséquence d’une vision nourrie par le pouvoir à l’encontre de ses citoyens. L’opération de “retour à la vie” menée en décembre 2000 est également la conséquence de cette vision de l’Etat. Suite à cette opération, une nouvelle ère a commencé dans les prisons.


L’isolement est un régime brutal!


L’action de jeûne de la mort dure depuis plus de 1000 jours. Contre l’agression physique et mentale à laquelle ils sont soumis, cette action du jeûne est une moyen de se défendre et de se protéger, mais aussi un droit légitime.

Pour les prévenus comme pour les condamnés, l’isolement est une mesure globale qui affecte les familles et les avocats des prisonniers.

L’isolement est appliqué différemment d’une prison à l’autre.

Le pouvoir ne cesse pourtant de renforcer sa répression.

Cette répression frappe la pensée démocratique de plein fouet. La loi sur le repenti ratifiée récemment par le parlement turc vise pour l’essentiel à créer des gens sans identité, sans personnalité, méfiants et égoïstes. Cette loi sert à légitimer l’aveu. C’est une loi qui menace d’emprisonnement toute la société et qui appelle le prisonnier à sauver sa peau. La loi sur le repenti ratifiée aujourd’hui sera suivie d’une loi sur l’application de peines qui servira à pousser le peuple à la reddition. C’est donc pour briser la résistance qu’ils agressent les prisonniers avec un tel acharnement. Seule la lutte démocratique du peuple pourra être une solution contre l’isolement. La question dépasse désormais le clivage entre “être sensible ou non” face à ce problème, car l’attaque vise toute la société et seule une lutte commune peut y mettre fin.

Si l’on analyse de près l’évolution actuelle de la pratique de l’isolement dans les prisons, on s’aperçoit que l’introduction de nouvelles mesures carcérales se fait à travers le “projet de loi sur l’application des peines”.

Par exemple, alors que le projet dit: “l’article 23, paragraphe 3 dont le titre est l’application des peines d’emprisonnement à perpétuité alourdies affirme que personne ne peut rendre visite au détenu hormis son avocat, son époux (se), ses frères et soeurs principaux et secondaires ainsi que son tuteur”, au 4e et au 3e paragraphes, on dit clairement que les personnes désignées ci-dessus peuvent aller en visite uniquement de manière séparée, selon la date et l’heure déterminées par le chef de l’établissement pénitentiaire. En outre, parmi les conditions imposées, on ne tolère qu’une seule visite toutes les deux semaines pour une durée maximale d’une heure.

Avec cet article, les visites sont limitées et on légalise le supplice de l’isolement en rompant le plus possibles les liens du détenu avec le monde extérieur.

L’article 24 intitulé “purger sa peine et respecter le programme de sécurité et d’amélioration” vise à le faire supporter sa privation de la liberté et à pousser le détenu à se conduire en conformité avec le règlement pénal.

Le détenu est alors contraint de faire preuve de docilité. Mettre délibérément son propre corps et son état physique en danger, quel que soit le but, est considéré comme une violation à ses obligations en tant que prisonnier.

Cet article vise à interdire des actions telles les grèves de la faim et les jeûnes de la mort et à supprimer le droit de résistance.

Avec l’article 27 concernant le travail des détenus, le détenu est obligé de travailler dans des ateliers ou toute autre unité de travail.

L’article 28 prévoit le travail obligatoire du détenu à l’extérieur de l’unité et grâce à cet article, son labeur est grossièrement convoité.

Article 34: on peut à tout moment effectuer des fouilles de cellules et des fouilles corporelles sans prévenir le détenu préalablement. Chaque mois, sans exception, l’administration opère à une fouille complète. Cette mesure arbitraire ressemble davantage à une mise à sac qu’à une fouille.

L’article 39 prévoit une limitation ou une interdiction de communication allant de un à trois mois de privation de lettre, de télégraphe, de télévision, de radio, de journaux, de livres et de revues.

Les actions qui nécessitent le recours à cette peine sont:

a- faire une grève de la faim et encourager autrui à faire de même,

d- mener toute forme de résistance collective même silencieuse, en guise de protestation contre l’administration pénitentiaire,

f- les chansons militantes ou les slogans sont passibles de peines disciplinaires lourdes.

L’article 62 concerne le vêtement du détenu;

Le détenu est interdit de porter ses propres vêtements. Il a droit à deux vêtements, l’un hivernal, l’autre estival, selon les conditions climatiques et conformes aux normes hygiéniques. Le détenu est contraint de porter ces vêtements. Les articles 53 et 54 du règlement (transferts effectués pour des raisons disciplinaires et sécuritaires) prévoient que le détenu peut porter ses propres vêtements lorsqu’il quitte son établissement hormis s’il s’agit d’un transfert prévu par sa condamnation. Avec cet article, on voit réapparaître la pratique du port de l’uniforme, avec le projet de loi, le port de l’uniforme, le travail obligatoire pour les prisonniers en préventive ou condamnés, la limitation des visites des familles et des avocats, les peines disciplinaires et l’alourdissement des peines montrent que le pouvoir renforce considérablement la répression. Ces mesures sont imposées aux prisonniers en détention préventive comme aux prisonniers condamnés, sans distinction.

Pour mieux comprendre ce qui se passe dans le régime d’isolement, les exemples qui suivent sont assez révélateurs d’une situation plus qu’alarmante:

1- Dans la prison de type F d’Edirne, il est prévu que le condamné dénommé Ali Osman Köse soit visité par son avocat en présence de son tuteur. Cependant l’administration pénitentiaire lui refuse tout contact avec son avocat alors qu’il a un tuteur. Motif: selon la nouvelle circulaire ministérielle, étant déjà condamné, le prisonnier Ali Osman Köse n’a plus rien à faire avec un avocat. Or, Ali Osman Köse est cité en tant que prévenu dans plus de 20 affaires dont il est condamné pour deux procès. L’administration pénitentiaire connaît sa situation et dispose de toutes les informations concernant ses différents dossiers. En toute connaissance de cause, l’administration le prive de tout droit à la défense et renforce ainsi son régime d’isolement. Ces restrictions brutales sont menées avec l’appui d’une circulaire émanant du ministre de la justice. C’est cela, la véritable conception de la démocratie, du droit à la défense, de l’indépendance du pouvoir judiciaire et du droit à un procès équitable prônés par le gouvernement AKP. Tous les “paquets d’harmonisation” aux normes européennes ne sont que de la poudre aux yeux. Personne ne croit à leurs comtes de fée sur “la démocratisation, l’extension des libertés et des droits”.

A part cela, Ali Osman Köse souffre d’hypertension et depuis le 22 décembre 2000, il est confiné dans une cellule individuelle. Il est parmi ceux qui sont sous le régime d’isolement le plus strict. Durant l’assaut des 19-22 décembre 2000 effectué dans la prison de Çanakkale où il était détenu, une bombe à visé sa tête et l’a rendu presque sourd d’une oreille. Il y a peu, il a eu une hémorragie sérieuse. Sa vie est toujours en danger. Il avait d’abord été placé dans une cellule située sous les ateliers de travail d’où s’élevaient des bruits assourdissants. Ensuite, il a été placé dans une cellule contiguë au la pièce réservée aux gardiens. Connaissant ses souffrances, les gardiens n’ont cessé de le tourmenter en actionnant les chasses d’eau. Il a ensuite été transféré vers une pièce qui jouxte la pompe d’arrosage des jardins qui elle aussi, dégage un bruit insupportable. On fait tout pour détériorer sa santé. Dans cet exemple, on voit que tout est utilisé comme instrument de torture.

2- Le détenu Ercan Kartal est confiné dans une cellule individuelle depuis le 19 décembre 2000. Même dans les véhicules de transport de prisonniers qui le conduisent aux tribunaux de sûreté de l’Etat, il était toujours tout seul. Au point même d’aménager une cellule individuelle dans le véhicule pour qu’il n’aie aucun contact avec tout autre détenu.

Il est complètement privé de livres et de journaux qui lui sont nécessaires pour préparer sa défense, une autre manière de le tenir à l’écart de l’opinion publique et de la réalité du monde extérieur.

3- Les prisonniers sont régulièrement privés de soins médicaux. Comme les militaires déshabillent complètement les détenus, hommes et femmes sans faire de distinction et comme ils procèdent à des fouilles humiliantes, les prisonniers refusent d’aller à l’infirmerie. Dans la prison de type E de Kütahya, notre cliente dénommée Hatun Polat a demandé à pouvoir être consultée par une obstétricienne. L’officier en service à la prison qui l’accompagnait a refusé de quitter la salle de consultation du médecin. Notre cliente a naturellement refusé d’être auscultée dans ces conditions suite à quoi elle a été reconduite en prison sans consultation. Voyez le degré d’indécence et de grossièreté de la part de cet officier. Une plainte a été déposée contre ce dernier pour atteinte à la pudeur mais le tribunal a classé le dossier en invoquant les “impératifs sécuritaires”. La politique d’anéantissement des prisonniers ne se mène pas que par des assauts militaires.

4- L’arbitraire et le mépris des lois de la part des directions pénitentiaires ont augmenté considérablement. Dans la prison de Kürkçüler à Adana, par exemple, le directeur de la prison menace les détenus de mort.

Le directeur principal de la prison de type F de Kandira a été muté vers une autre prison pour ses multiples délits de malversations et ses liens avec les gangs maffieux. Ce directeur de la prison de type F de Kandira se serait livré à de l’escroquerie dans l’achat de chaudières de réserve pour les installations de chauffage ainsi que dans l’achat de fuel destiné à la combustion. Il aurait également tiré des profits abusifs des produits vendus à la cantine de la prison. C’est ainsi qu’ils méprisent les droits des prisonniers. Tout leur est permis. Les administrations pénitentiaires sont de véritables foyers d’abus, de fraude et d’arbitraire.

5- En prison, même l’oxygène est payant. Les prisonniers sont considérés comme des sources de lucre. Que ce soit dans les prisons de type F, les anciennes prisons spéciales ou les nouvelles prisons de type H, la direction fait payer l’électricité aux prisonniers en soutirant leurs frais de consommation de leur compte. A la prison de Kartal, la direction a manigancé un autre plan, cette fois, pour priver les prisonniers d’électricité: il y a trois mois, elle a sciemment omis d’extraire les frais de consommation des comptes des détenus et invoqué leur refus de payer pour leur couper le courant. Depuis 3 mois, ils sont privés d’électricité et demeurent dans le noir complet.

6- Dans les prisons de type E, F et H, les prévenus et les condamnés sont tous soumis aux déshabillages avilissants quand ils doivent se rendre au tribunal, à l’hôpital ou à la médecine légale. Ces fouilles sont effectuées à chaque fois qu’ils entre ou qu’ils sortent de la prison. Ils sont complètement mis à nu et ceux qui s’opposent sont tabassés à mort.

7- Le droit à la défense est limité de diverses manières, notamment par le refus de conduire le détenu au tribunal : les détenus Hasan Kaya et Ali Koca incarcérés à la prison de type F de Tekirdag se sont vus refusé de comparaître sous prétexte que leur citation ne leur a pas été signalée. C’est ainsi que l’on a empêché leur acquittement.

8- Les passages à tabac sont monnaie courante dans toutes les prisons. Dans la prison de Kandira de type F, Ali Ihsan Kiliç avait perdu la mémoire après que les gardiens lui avaient fracassé le crâne contre les murs. Ensuite, le détenu Volkan Agirman a été retrouvé pendu dans sa cellule dans des circonstances suspectes. Récemment, le prisonnier Bayram Ayverdi a voulu vider sa poubelle au cours du recensement. Il a été maltraité par les gardiens et les soldats parce que ce jour-là ne correspondait pas à la sortie des poubelles.

Dans une de ses lettres, Bayram Ali Ayverdi dit: “le vendredi 18 juillet, le directeur accompagné des gardiens et des soldats m’ont rendu visite pour une fouille de cellule. Durant la fouille musclée, j’ai été emmené de force vers la petite cour. Les soldats m’ont sommé de sortir mes poubelles. Je leur ai répondu que ce jour ne correspondait pas au jour de sortie des poubelles. Le directeur a ordonné aux soldats de verser la poubelle dans ma cellule, ce qu’ils ont fait. Pour protester contre cette attitude arbitraire et délibérée, j’ai cogné la porte de ma cellule et j’ai commencé à crier. C’est alors que le procureur de la prison est entré dans ma cellule et a fait appel au personnel pour ramasser les détritus et les sortir de ma cellule. Ils sont ensuite sortis.

Le même jour, on m’a demandé de faire une déclaration pour un procès-verbal ce que j’ai refusé étant moi-même le plaignant. Deux jours plus tard, ils m’ont apporté un document qui mentionnait que j’étais privé de visite pour un mois. J’ai refusé de signer cette décision que j’estimais illégitime et illégale.”

9- Autre forme d’isolement: priver le prisonnier de publications, livres, revues ou journaux. Même les publications qui ne sont pas soumises à confiscation sont détruites sous le prétexte de circulaires et de règlements internes etc. Il n’y a aucun contrôle judiciaire sur ses pratiques. Dans les prisons d’Edirne, les prisons de type F de Tekirdag et les prisons de type F de Kütahya, les prisonniers sont privés livres alors qu’il n’y a pas de confiscation légale.

10- Dans la prison de type F de Kiriklar à Izmir, les durées de visite des familles et des avocats sont arbitrairement raccourcies. La direction de la prison invoque le fait que la prison est située loin des centres urbains et que les membres du personnel de la prison ne retournent chez eux qu’à des heures tardives.

11- Nurten Hasçelik détenue dans le dortoir des femmes de la prison de Tekirdag est privée de courrier. Ces lettres qui lui sont envoyées par son avocat et par fax sont jugées trop subversifs. Dans sa lettre datant du 27 juillet 2003, Nurten Hasçelik raconte ceci “la lettre datée du 22 juillet 2003 dont je n’ai pas pu avoir le fax ne m’a pas été remis parce que la commission de lecture du courrier aurait jugée la lettre trop subversive. Demain, j’introduirai ma plainte au procureur. Le droit de communication et mon droit le plus naturel. La décision de refus que la direction m’a donnée était jointe d’une circulaire du ministre de la justice concernant les visites d’avocat en prison etc. Ils m’ont demandé de signer cette circulaire mais j’ai refusé”.

Lorsque l’on lit la décision relative à la destruction de la lettre émise par la commission de lecture du courrier, on s’aperçoit que celle-ci constitue l’essence même de l’isolement.

A titre d’exemple, voici ce qui est dit dans la décision du 4 juillet 2003 émise par la présidence de la commission de lecture du courrier de la direction pénitentiaire de la prison de type H de Kartal:

“1- Concernant la lettre recommandée adressée par Yasemin Ilter à Filiz Gencer: en vertu des article 144 et 145 du statut de la direction générale des maisons pénales et des maisons d’arrêt du ministère de la justice, il est défendu d’envoyer des lettres de plus de quatre pages. . .

2- Dans les lettres envoyées par Gözde Sahin à Filiz Gencer, on dit de notre Etat qu’il est “assassin, collaborateur et hostile au peuple”. Ces propos étant punissables par l’arrêt sur la “création d’une opinion publique contre l’Etat, à partir de thèses erronées et injustes”,

3- Concernant la lettre adressée par Serpil Cabadan à Ümit Akyüz: en vertu des articles 144 et 145 du statut de la direction générale des maisons pénales et des maisons d’arrêt du ministère de la justice, il est défendu d’envoyer des lettres de plus de quatre pages et d’utiliser des phrases et des textes dont le caractère se réfère à une organisation (illégale) encourageant ou célébrant le jeûne de la mort,

4- Dans une lettre adressée à Niyazi Agirman par Yasemin Ilter, des propos élogieux à l’égard des jeûnes de la mort et injustement agressifs à l’égard des forces armées de notre Etat, punissables en vertu de l’arrêt sur la création d’une opinion publique contre l’Etat, à partir de thèses erronées et injustes

Ce faisant, en vertu des articles 144-145-151 du statut 1062 de la Direction générale des maisons pénales et des maisons d’arrêt du ministère de la justice datant du 16 juillet 1996 et en vertu de la circulaire 067226 datant du 6 novembre 2000, toutes les lettres et les publications susmentionnées ont été détruites.”

Un autre exemple: on constate dans un décret ministériel de la direction de la prison de type H de Kartal datant du 27 juin 2003, que “la lettre adressée par Yasemin Ilter détenue dans notre prison, au dénommé Ümit Ilter, en vertu des articles 144 et 151 du statut de la direction générale des maisons d’arrêt et des maisons pénales liées au ministère de la justice, les lettres dépassant les 4 pages (dans ce cas, il s’agit de 14 pages), il apparaît des phrases à caractère organisationnel (faisant allusion à une organisation illégale) et des textes qui comportent des passages encourageant et célébrant les jeûnes de la mort., il apparaît des phrases qui exaltent la dénommée Sengül qui au cours d’une tentative d’attentat à la bombe à Ankara est morte en actionnant accidentellement sa bombe, qui font l’apologie de son action et qui véhiculent des conseils ainsi que des propos menaçants adressés à la rédaction d’une gazette pour certains de ses articles,

Dans la lettre adressée par la détenue Gözde Sahin au dénommé Sezgin Çelik, il apparaît des propos jugées de nature à monter “l’opinion publique contre l’Etat, à partir de thèses erronées et injustes”

Ce faisant, il a été jugé que la remise de ces lettres à leurs destinataires serait nuisible et se basant sur l’article 147 du statut, ces lettres ont été détruites en la date du 27 juin 2003.”

Ainsi, toutes les correspondances où les prisonniers expriment leurs opinions sont soumises à la censure et sont détruites. Il n’y a pas de mesure qui détermine le motif de la destruction d’une lettre.

Les lettres adressées par les prisonniers aux intellectuels, aux artistes et aux associations démocratiques où ils relatent leurs conditions de détention et leur régime d’isolement sont toutes détruites.

Récemment, pas moins de 300 lettres adressées par les détenus de la prison de type F de Tekirdag à certaines personnalités intellectuelles, académiques et artistiques ont été détruites.

La destruction du courrier est en soi un moyen destiné à isoler le détenu. Le but est d’empêcher tout échange social et culturel et toute possibilité pour l’opinion publique de s’informer sur ce qui se passe en prison. Il s’agit donc d’un système d’isolement double qui implique le prisonnier et la société.

Le pouvoir fait tout pour contenir ce qui se passe dans la prison. Ainsi, l’opinion publique et la société sont maintenues dans l’isolement par rapport à la réalité de l’univers carcéral.

Pour les familles, le régime d’isolement a des conséquences plus néfastes.

Avant tout, les familles s’inquiètent pour la santé de leur proche incarcéré. La dégradation de la santé de leur proche devient insupportable.

Ces familles sont régulièrement confrontées à l’interdiction du droit de visite. Elles sont soumises à des fouilles humiliantes et autres vexations.

Un proche de détenu dénommé Sahin Güzel est systématiquement mis en garde à vue lors de chaque visite.

Caque fois que les familles remettent des objets à la consigne pour leur proche en prison, elles sont copieusement malmenées.

Les autres témoins voire les autres victimes de l’isolement sont sans aucun doute, les avocats. Les avocats sont considérés comme des personnes suspectes par le personnel des prisons de type F. Il leur faut à chaque fois serrer les dents.

Les avocats font l’objet de tracasseries répétées de la part des gardiens qui s’efforcent d’interpréter les circulaires au détriment des avocats. Ces interprétations et les mesures arbitraires qui en découlent se suivent à chaque fois de démêlés, de plaintes sans suites, de demandes d’entrevues avec le directeur tout aussi stériles.

En bref, ces tracasseries sont des atteintes aux rapports qui existent entre un avocat et son client et d’une manière générale, au droit à la défense.

Normalement, d’après la même circulaire invoquée par les gardiens, les avocats ne peuvent être soumis à l’examen de leur casier judiciaire, désormais, l’arrestation et la mise en garde à vue de l’un ou l’autre avocat est devenu une pratique ordinaire. Dans le cas de l’un de nos confrères, la raison invoquée pour sa mise en garde à vue a été un “avis de recherche” lancé à son encontre par le passé mais que la police du commissariat local avait omis de supprimer.

Comme les prévenus n’ont pas le droit de porter un crayon et du papier durant les visites, il est très difficile de préparer une défense sérieuse et efficace. Car toute l’efficacité de notre assistance juridique dépend de la capacité de mémorisation du prévenu.

Sous régime d’isolement, il est en outre très difficile de préparer une défense commune dans le cas de procès qui engagent plusieurs clients en même temps.

Pour visiter un client à l’hôpital, il faut disposer d’une autorisation émise par le procureur. Il s’agit d’une autorisation qui est bien rarement accordée.

On peut multiplier les exemples mais ce qu’il importe de souligner est que toute velléité de dénonciation de ces faits et de conscientisation de l’opinion publique sur ce sujet de la part des intellectuels et des familles des prisonniers est sans cesse confrontée aux menaces et aux matraques de la police.

Les attaques perpétrées à Istanbul et à Afyon contre les familles des prisonniers sont les plus illustratives et les plus récentes.

Dans ces deux exemples, la police et les fascistes en civil ont molesté les familles conjointement. Un grand nombre de personnes a été blessé durant l’attaque. En outre, l’autocar qui les transportait a été complètement détruit.

A travers ces agissements, on s’aperçoit que l’isolement en vigueur dans les prisons est le fruit d’un choix politique et qu’il est renforcé par le silence imposé à l’opinion publique. Et réciproquement, l’indifférence de la société par rapport à ce problème ne fera qu’aggraver la situation dans les prisons.

Avec la ratification des projets de loi sur l’exécution des peines, l’isolement trouvera un cadre légal plus solide.

Par conséquent, la répression va faire des dégâts toujours plus importants.

C’est pourquoi, l’abolition de l’isolement doit être la revendication de toute la population.

Cette revendication est désormais la pierre angulaire de la lutte pour la démocratie. Tout démocrate, tout intellectuel ne peut demeurer indifférent face à ce drame.

La solution pour les prisonniers réside dans la levée de l’isolement. C’est uniquement ainsi que cessera pourra cesser leur lente agonie.

Bureau du Droit du Peuple