Action Nation à l'église d'Ixelles by David Lefébure [posted by protesta] Sunday August 03, 2003 at 06:10 PM |
Un membre de la rédaction de ResistanceS livre ses observations à la suite de l'apparition d'un groupuscule d'extrême droite à l'église Sainte-Croix, ce dimanche matin.
Un groupement ridicule. Comment qualifier autrement une manifestation si longuement préparée, dont l'annonce aura autant été communiquée pour finalement ne rassembler que 14 ou 15 personnes par un temps ensoleillé?
Cela faisait près de deux semaines que le groupuscule Nation projetait une "action" à l'encontre des Afghans réfugiés à l'église Sainte-Croix d'Ixelles. Un mailing était parti en ce sens à deux reprises, tandis que chaque page du site Internet de Nation "propulsait" une annonce appelant les lecteurs sympathisants à se rassembler, et que last but not least, l'agence Belga avait diffusé une partie du communiqué de Nation précisant l'heure et le lieu de rendez-vous de l'action. Pourtant, seuls 14 crânes sont apparus sur le coup de 10h50.
La plupart rasés, façon skinhead, ils n'ont pas eu à craindre d'insolation, tant un dispositif policier a su les mettre à l'ombre. En effet, comme on le voit sur la photo, la police a procédé à l'arrestation administrative des 14 agités (12h de privation de liberté) exécutant ainsi un arrêté d'interdiction de manifester pris par le bourgmestre f.f. d'Ixelles, Pierre Lardot. Cette initiative politique est appréciable lorsque trop souvent l'extrême droite jouit d'une tolérance lors de ses manifestations non autorisées et quasi systématiquement violentes. Ici, les antifascistes présents ont pu se rendre compte qu'un tel arrêté de police est efficace: embarquement immédiat des fachos pour les geôles de l'Amigo.
Il faut les saluer aussi, nos camarades antifascistes venus deux fois plus nombreux que le groupe Nation et qui ne répondaient pourtant qu'à l'appel d'un mail relayé en chaîne depuis la veille de la manifestation. On aurait pu craindre un affrontement, comme cela s'était déjà vu par le passé, lorsque l'extrême droite donnait littéralement l'assaut aux contre-manifestants. Aujourd'hui, la nuance avait son importance: il n'y avait pas de contre-manifestants, mais bien des personnes venues soutenir les Afghans en grève de la faim. Certains sont même venus avec des jouets pour les enfants afghans. Les autorités politiques et les forces de l'ordre ont ainsi pu être rassurés sur le fait qu'aucun antifasciste ne cède à la provocation des nervis néonazis. Les antifascistes se sont montrés responsables de leurs actes, comprenant bien qu'il ne s'agissait pas d'offrir à Nation l'occasion d'apparaître longtemps au JT.
Car le danger d'une présence antifasciste est bien entendu celui de la médiatisation dont une formation fasciste peut tirer profit. La règle de conduite de la plupart des médias francophones a toujours été: on filme, on diffuse les incidents. L'attitude constructive des antifascistes de ce matin a été de comprendre que le fait d'une présence fasciste s'exprimant sur la voie publique était déjà un incident et que toute action/pression suscitant l'interdiction de la manif' constitue le meilleur acte antifasciste qui préside à la réussite. Aujourd'hui, ce fut une réussite.
Certains peuvent nuancer la réussite d'une opération antifasciste en évoquant les images de Nation retransmises par les chaînes de télévision. La réflexion que suscite un tel point de vue tient du rapport "diabolisation/banalisation" où, si on veut faire court aujourd'hui, un journaliste probe et rejetant toute idée de diabolisation doit savoir traiter une information aussi grave que les extrêmes droites sans la banaliser. C'est en ce sens qu'on retient l'image d'un groupuscule de 14 personnes criminalisé. Il est cependant vrai qu'on aurait pu entendre commenter le caractère spécieux des motivations de Nation, qui exigeait que la messe où se rendaient ses militants se déroule normalement, alors même qu'aucun ne connaissait l'heure de l'office. Les nervis s'étaient en effet donné rendez-vous une heure après le début de la messe dominicale.