Le général Franks reste accusé! by STOP USA [posted by protesta] Tuesday July 15, 2003 at 12:25 PM |
Jour de honte pour la Belgique! Le premier acte du nouveau gouvernement Verhofstadt a été de baisser son pantalon devant Bush. En supprimant la loi de compétence universelle, ce gouvernement accorde l’impunité aux pires crimes risquant d’être commis dans les prochaines guerres. Mais Stop USA tient à souligner que la plainte contre le général Franks, déposée par 17 Irakiens et 2 Jordaniens parents de victimes, reste toujours déposée valablement en Belgique et qu’elle ira jusqu’au bout! Explications...
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Enorme, la pression de la Maison Blanche! De façon inhabituelle, ce gouvernement a commencé son existence en abrogeant une loi qui punissait les crimes de génocide et les crimes de guerre. La Belgique est-elle un Etat souverain ou une colonie ? Une question qui va loin: Bush ne considère-t-il pas le monde entier comme une colonie US ?
Ainsi qu’il ressort des nombreux témoignages rassemblés, de graves crimes ont été commis par l’armée US contre la population irakienne: bombardements et assassinats de civils, attaques contre des hôpitaux et ambulances, attaques contre des journalistes, organisation et protection de pillages. En détournant les yeux, le gouvernement belge enterre les victimes une deuxième fois.
Sur le plan juridique, ce gouvernement commence par une monstruosité juridique en prétendant enterrer ainsi toutes les plaintes sauf trois. De quel droit l’exécutif s’ingère-t-il ainsi dans le cours du judiciaire ? De quel droit décrète-t-il lui-même quelles sont les “bonnes” et les “mauvaises” victimes ? De quel droit prétend-il que sa loi sera rétroactive, annulant les plaintes déjà déposées ? Dans tout système de loi qui prétend se respecter, une loi vaut pour l’avenir, pas pour le passé.
Mais justement, le gouvernement, aidé par certains médias, fait grand silence sur la plainte contre le général Franks, à l’origine de la fureur de Bush. En essayant de faire croire qu’elle était déjà renvoyée à Washington, donc à la poubelle. En réalité, la plainte est toujours en Belgique : l’avocat Jan Fermon s’est pourvu en appel devant la Chambre des mises en accusation. Il disposait aussi de soixante jours pour déposer au Conseil d’Etat le recours préparé pour faire annuler la décision du gouvernement précédent. La plainte ira jusqu’au bout. Ci-après, vous trouverez la note juridique rédigée ce jour par l’avocat Fermon. Elle démonte le bricolage pseudo-juridique du gouvernement.
Comme excuse, Verhofstadt a prétendu vouloir “éviter les recours abusifs auxquels on assisté” (Le Soir, 14.7.) “Abusive, la plainte contre le général Franks ? Elle est documentée par des témoignages très nombreux, des dizaines d’heures de vidéos, un dossier juridique complet et solide auquel le gouvernement n’a même pas pris la peine d’essayer de répondre. Nous vous mettons au défi, Monsieur Verhofstadt, et le ministre des Affaires étrangères Louis Michel, d’accepter un débat public où vous ne devriez avoir aucune peine, n’est-ce pas, à démontrer que la plainte n’était pas sérieuse !
A moins que ce qui serait devenu abusif, ce soit l’idée même de dénoncer les crimes de guerre commis par “nos amis”. L’armée US serait-elle garantie “clean” ? Avec son long palmarès de crimes au Vietnam (napalm), à Panama (bombardements de quartiers civils, 2.000 victimes), en Bosnie (bombardements à l’uranium de zones civiles), en Yougoslavie (bombardements d’usines, d’infrastructures civiles, assassinats de journalistes, violation de la Charte de l’ONU), en Irak à nouveau...
Une autre “excuse” a été avancée : il s’agirait d’empêcher les Etats-Unis de déménager l’Otan de Bruxelles à Varsovie et de sauver ainsi l’emploi en Belgique. Il faut remarquer que des gens comme Willy Claes (ex-secrétaire de l’Otan) qui ressassent cet argument, n’ont pas bougé le petit doigt lorsque Philips a fermé une usine dans sa province ou lorsque Ford s’en est pris à l’emploi à Genk. Et le chantage aux investissements US en Europe ? Mais l’Europe a investi beaucoup plus de capitaux aux USA que l’inverse!
En réalité, le déménagement vers l’Est a déjà été décidé depuis longtemps par les Etats-Unis. Afin de se rapprocher des théâtres des nouvelles guerres projetées à l’Est et au Moyen-Orient. S’aplatir devant Washington n’arrangera rien, l’Histoire en a déjà fourni tant d’exemples. Cela veut dire que de nouvelles guerres sont en en préparation et que la loi de compétence universelle offrait, au moins, une garantie pour les futures victimes de s’adresser à la Justice.
De toute façon, tout projet de loi doit passer au parlement. Stop USA mobilisera donc l’opinion et fera pression pour empêcher cette honteuse loi de l’impunité. Dès la rentrée, nous organiserons des débats publics, invitant les parlementaires de tous partis à prendre position et nous informerons très largement. Aidez-nous à organiser ces débats! Demandez à des personnalités de signer notre Appel! Résister aux diktats de Bush est indispensable pour défendre la paix des années à venir!
En juillet et août, nous continuons notre travail d’information, notamment aux festivals musicaux et avec le clip vidéo de 2 minutes 30 (en français et en anglais) sur la plainte. Pour toute question, info ou suggestion, vous pouvez vous adresser à info@stopusa.be ou bien à GSM 0499 / 409.317. Pour interviewer l’avocat Jan Fermon : <jan.fermon@progresslaw.net> ou 0475/44.18.96.
Pour Stop USA
Michel Collon
michel.collon@skynet.be ou 04/246 28 81.
La situation actuelle de la plainte contre le général Franks
et d'autres militaires américains
Note de l’avocat Jan Fermon
· Le 16 juin, le ministre de la Justice a notifié au conseil des plaignants la décision du Conseil des Ministres du 20 mai de renvoyer la plainte contre le général Franks aux autorités américaines. Cette décision est hautement critiquable pour de nombreuses raisons et notamment parce que:
· Le gouvernement a violé la séparation des pouvoirs en intervenant dans une procédure judiciaire en cours. Les modifications apportées à la loi au mois d'avril dernier avaient introduit une telle possibilité. Cette modification avait déjà été introduite à la toute dernière minute sous la pression du gouvernement Bush. Le gouvernement avait promis lors des débats parlementaires qu'il ne ferait usage de cette possibilité que dans des situations très exceptionnelles. Cette modification de la loi avait fait l'objet de critiques violentes du Conseil d'Etat.
· Le 20 mai, le gouvernement gérait les affaires courantes. Il est évident que la décision prise ne s'inscrivait nullement dans le cadre des ces affaires courantes, la continuité de l'Etat n'étant nullement en jeu.
· La plainte et le mémorandum subséquent envoyé au gouvernement contiennent une argumentation précise sur les raisons pour lesquelles cette affaire ne pourra pas bénéficier des garanties d'un procès équitable. Il ne s'agissait pas d'une argumentation générale sur la Justice américaine mais d’un examen minutieux des circonstances qui entouraient cette affaire (juridiction compétente aux Etats-Unis, interventions multiples de l'exécutif déclarant notamment que Franks est un héros etc. Selon les critères élaborés par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de telles interventions suffisent pour mettre à néant la garantie d'un procès équitable. La décision gouvernementale ne répond nullement sur ce point mais contient uniquement en annexe un avis d'un bureau d'avocats américains affirmant que la Constitution américaine prévoit des règles formelles d'indépendance de la Justice.
Sur base de ces considérations, un appel devant le Conseil d'Etat visant l'annulation de la décision gouvernementale est en préparation.
· La même semaine, le Procureur Fédéral a fait savoir qu'il estimait que la plainte était devenue sans objet vu la décision du gouvernement. Le Procureur Fédéral n'avait pas donné son avis dans le mois comme la loi le prévoit. Appel a été formé contre cette décision. En effet, la loi prévoit un dessaisissement par la Cour de Cassation, ce qui n'a pas été fait. Tant que la plus haute juridiction n'était pas intervenue, le Procureur était tenu de se prononcer. La Chambre des Mises en Accusation se prononcera après les vacances judiciaires.
· Le gouvernement a décidé, le jour même de son installation, de soumettre un avant-projet de loi au parlement abrogeant la loi de compétence universelle en la remplaçant par une nouvelle loi beaucoup plus restrictive.
Le texte de l'avant-projet est soigneusement tenu secret. Il est donc impossible de prévoir à l'heure actuelle l'effet de cette modification de la loi sur les affaires en cours. Le Premier Ministre a annoncé que les juridictions belges seraient dessaisies de toutes les affaires en cours sauf celles qui concernent le Rwanda, le Tchad et le Guatemala. Si telle était effectivement la portée des dispositions transitoires de la nouvelle loi, la légalité de celle-ci serait plus que critiquable. En effet, cela reviendrait à ce qu’une affaire pénale en cours soit retirée au pouvoir judiciaire par une intervention des autres pouvoirs, législatifs et exécutifs. Ainsi, ce dernier instrumentalise de façon indiscutable le premier. Le résultat pratique serait une sorte d'injonction négative, absolument contraire aux principes élémentaires du droit. En effet, il est constant que le pouvoir exécutif ne peut faire barrage à des instructions judiciaires. Le but de cette règle est évidente : éviter des situations à la Berlusconi qui tente de bloquer par de nouvelles lois les instructions judiciaires en cours qui le dérangent ou dérangent ses amis. Que le législateur intervienne en adoptant une nouvelle loi ne peut constituer qu'un barrage fictif contre de tels abus. En effet, il semble difficilement concevable que les membres de la majorité s'opposent au nouveau texte.
Une telle démarche serait d'ailleurs critiquable également du point de vue du droit européen. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit l'accès à un tribunal indépendant. En matière de conventions internationales existe une obligation de "stand still". Une fois qu'un droit a été accordé, même s'il n'est pas obligatoirement imposé par un traité international, il ne peut plus être aboli par une décision ultérieure.
Nous ne sommes d'ailleurs pas non plus dans le cas où le Parlement décide d'abroger l'incrimination d'un comportement. Dans ce cas, les juridictions pénales sont dessaisies par le seul fait que dorénavant le comportement qu'ils doivent juger n'est plus un délit. Il va de soi que la nouvelle loi ne pourra en aucun cas dire que les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre ou le génocide perdraient leur caractère délictueux.
En définitive, le nouveau système élaboré par le gouvernement instaure différentes discriminations: parmi ceux qui avaient une affaire en cours et dont certains (victimes comme prévenus) se verront privé d'accès à la Justice alors que d'autres pourront continuer leur procédure s'ils sont victimes ou se verront obligés de continuer à se défendre s'ils sont inculpés. Et des discriminations entre victimes car il y aura ceux qui pourront se constituer partie civile, ceux qui pourront s'adresser au Procureur Fédéral et ceux qui ne pourront s'adresser à personne, même s'ils sont victimes du même crime.
Dès que le texte de l'avant-projet sera connu, toutes ces questions devront être examinées et il va de soi que tous les recours possibles seront exercés.
· Les arguments avancés par le gouvernement pour justifier cette man¦uvre ne résistent pas à un examen critique:
· "L'ancienne loi donnait lieu à des abus"
Il est indéniable que parmi les plaintes déposées certaines étaient fantaisistes. La même situation se produit d'ailleurs quotidiennement dans tous les parquets du pays avec toutes les dispositions du Code Pénal. De nombreuses plaintes fantaisistes pour vol, coups, menaces etc. sont déposées. Les Parquets – et aussi en cas de constitution de partie civile - disposent de mécanismes pour se débarrasser de ce genre de plainte: classement sans suite, déclaration d'irrecevabilité par les Chambres du Conseil, non-lieu etc. Tous ces mécanismes s'appliquent évidemment aussi aux plaintes déposées dans le cadre de la compétence universelle.
En outre, la loi de 1993 prévoyait encore d'autres mécanismes de filtrage tels que la décision préalable du Procureur Fédéral dans les dossiers sans "attaches" avec la Belgique. Mais dans les affaires récentes, le gouvernement n'a même pas donné l'occasion au Procureur Fédéral et éventuellement en appel de sa décision à la Chambre des Mises en Accusation de se pencher sur les dossiers. Le gouvernement a immédiatement court-circuité le processus judiciaire en renvoyant lui-même les affaires aux pays des suspects respectifs. Il n'a pas non plus contesté que les faits dénoncés à charge de Tommy Franks étaient bien des violations graves du droit international humanitaire et plus particulièrement des crimes de guerre.
· "Israël et les Etats-Unis sont des démocraties qui peuvent eux-mêmes juger ces affaires"
Ariel Sharon n'a pas été jugé pour le massacre de Sabra et Chatila et pendant toute la durée de la procédure judiciaire contre Sharon en Belgique Israël a exercé des pressions pour garantir l'impunité à son Premier Ministre notamment en sollicitant le grand frère américain pour qu’il intervienne auprès de la Belgique.
Les Etats-Unis n'ont pas puni effectivement les crimes de guerre commis pendant la guerre du Vietnam (le lieutenant Kelly qui avait massacré tout le village de My Lai a fait l'objet d'un procès après une pression internationale très importante. Il a été condamné à perpétuité et libéré après 3 ans.), lors de l'invasion du Panama, lors de la première guerre contre l'Irak, lors de la guerre en Yougoslavie.
Le recours des victimes de violations graves du droit international humanitaire doit être effectif et non pas purement théorique. La pratique nous apprend que tel n'est pas le cas en Israël et aux Etats-Unis.
· La véritable intention du gouvernement est d'assurer l'impunité aux alliés de la Belgique, en premier lieu aux ressortissants des Etats-Unis et d'Israël.
Le Premier Ministre nie que la loi ait été modifiée sous pression des Etats-Unis. Une telle affirmation n'est tout simplement pas sérieuse.
A deux reprises, en avril et maintenant, dans la précipitation la plus totale, en balayant des principes tels que la séparation des pouvoirs, l'interdiction d'instaurer des discriminations, la non -rétroactivité de la loi pénale, l'interdiction pour le pouvoir exécutif le gouvernement de bloquer une enquête judiciaire le gouvernement a imposé - dans une ambiance de panique totale - des modifications de la loi.
A deux reprises, ces modifications étaient l'effet direct des pressions de Washington. La dernière modification le montre le plus clairement.
Il y a 15 jours à peine, le Premier Ministre et le ministre des Affaires Etrangères ont juré qu'aucune nouvelle modification de la loi ne serait envisagée. "Les Américains ne font pas la loi en Belgique" disait le ministre Michel dans La Libre Belgique. Peu après, Le Soir signalait que les juristes du gouvernement travaillaient en collaboration avec ceux du State Department.
Entre-temps, le ministre de la Défense des Etats-Unis avait posé un ultimatum à la Belgique : se débarrasser de la loi de compétence universelle avant décembre, sinon l'Otan déménagerait. (alors que la discussion sur ce déménagement faisait rage depuis des mois pour des raisons toute autres de glissement stratégique vers l'Est). Le lobby atlantiste, notamment représenté par l'ancien secrétaire général des Nations Unies le socialiste Willy Claes, s'est mêlé de la discussion et a dressé des descriptions apocalyptiques d'entreprises américaines qui partent en masse de la Belgique etc. Certains cercles atlantistes n'ont même pas hésité à mettre sur pied une man¦uvre de déstabilisation contre Louis Michel, considéré comme trop critique à l'égard des Etats-Unis.
Depuis dix ans, les Etats-Unis ont instrumentalisé le droit international à coups de résolutions du Conseil de Sécurité prises "après coup" pour justifier des aventures militaires, de "sous-traitance" d'actions militaires par le Conseil de Sécurité aux Etats-Unis alors que la Charte des Nations Unies interdit de telles pratiques etc. Ils ont vidé le droit international de toute sa substance: l'interdiction de l'usage de la force dans les relations internationales sauf dans des cas très limités et dans ces cas, les opérations doivent être placées sous commandement multilatéral. Une fois ces dispositions complètement vidées de leur substance, les Etats-Unis semblent estimer que même la coquille vide constitue un obstacle aux projets de l'administration actuelle pour une guerre permanente préventive dans différents points du monde. Les Etats-Unis ont donc entamé une croisade pour la réaffirmation de la force comme seul moyen adéquat dans les relations internationales: ils mènent une guerre manifestement illégale au regard du droit international, ils refusent tout statut légal aux prisonniers de guerre les taxant de "combattants irréguliers" et les privant ainsi des garanties les plus élémentaires contenues dans les Conventions de Genève et même de ceux inscrits dans la Constitution américaine même, le retrait des Etats-Unis de la Cour Pénale Internationale. En outre par la menace, le chantage et la corruption, les Etats-Unis s'assurent un espace d'impunité totale dans le monde. Ils obligent des pays du tiers monde, de l'Europe de l'Est de conclure des traités bilatéraux garantissant l'immunité aux ressortissants américains. Les pays qui acceptent sont récompensés à coups de millions de dollars, les autres se voient supprimer leur aides.
Les chantages exercés par les Etats-Unis - et auxquels le gouvernement a lamentablement cédé - visent le même objectif que les pressions exercées à l'égard des pays du Tiers Monde: assurer aux militaires américains l'impunité totale au moment où les Etats-Unis se lancent sur tous les continents dans des aventures militaires.
Le gouvernement belge a cédé devant cette politique américaine de la force brutale dans les relations internationales.
Ce qui reste de la loi sur la compétence universelle ne peut que devenir un instrument de plus pour exercer une tutelle de type néo-colonial sur le reste du monde.