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Une Belgique craintive et sécuritaire ?
by le MRAX [posted by protesta] Monday July 14, 2003 at 03:48 PM

À propos du nouveau gouvernement belge: communiqué du MRAX

On avait apprécié beaucoup le titre volontariste du nouvel accord de
majorité : une Belgique créative et solidaire, qui dit mieux ? On aurait
aimé se laisser entraîner par le souffle nouveau promis en sous-titre, et
puis, à l'examen du catalogue des bonnes et des (parfois) moins bonnes
intentions qui le constituent : la déception (pour ceux qui estiment qu'une
démocratie se juge à l'aune de sa capacité d'accueil des étrangers).

En matière d'égalité des droits pour commencer : oublié (comme prévu ?)
l'engagement pourtant solennellement répété par tous les présidents de
partis francophones de faire de l'octroi du droit de vote aux étrangers une
condition sine qua non pour entrer dans la coalition. L'affaire se débattra
au Parlement, promet-on avec un laconisme guère encourageant. Est-ce cela,
offrir « plus de démocratie citoyenne et participative » comme stipulé par
ailleurs dans l'accord de majorité ? Est-ce cela aussi, « encourager
l'intégration et stimuler l'émancipation » ? On se demandera également, en
passant, si ce manque de courage est réellement de nature à contrer
l'extrême droite, ce qui revient pourtant régulièrement comme une priorité,
dans les discours tout au moins.

En matière de droit des étrangers ensuite : balayées les lignes directrices
pourtant dégagées par l'Informateur après consultation des associations
spécialisées en la matière, associations tant francophones que
néerlandophones. La politique d'asile à venir - dont la nécessité de
réforme n'est pas évoquée - se voit définie comme « humaine et réaliste »,
autant dire qu' à travers tout le texte de l'accord, derrière la vacuité
des mots, l'étranger continue à être, plus que jamais, perçu comme un
danger, qu'il convient d'évacuer poliment mais fermement. Pire : l'accord
se propose de rogner un peu plus sur les droits de ces personnes pourtant
déjà particulièrement précarisées de par la spécificité de leur situation
Ainsi, par exemple, la systématisation des fichages biométriques. Ainsi,
autre exemple, cette proposition de limiter les possibilités de recours des
demandeurs d'asile déboutés devant le Conseil d'Etat. Quand on se souvient
qu'il y a deux mois à peine, le Comité contre la Torture des Nations Unies
pointait déjà les dérives de la législation et des pratiques belges
appliquées aux étrangers (notamment les violences lors des expulsions et.
l'ineffectivité des recours), on se dit que la politique d'asile - si elle
mérite ce nom-là - sera, décidément, encore bien plus réaliste qu'humaine.
« Développer une politique d'accueil des primo-arrivants fondée sur la
responsabilité et l'autonomie de chacun constitue le premier pas -
essentiel - vers leur insertion dans la société », énonçait pourtant fort
généreusement le texte de l'accord. avant de promettre que « l'humanisation
des centres fermés se poursuivra ». Ceux qui ont l'habitude de visiter ces
centres apprécieront l'ironie du rédacteur...

Quelques progrès néanmoins à relever en matière de lutte contre les
discriminations, notamment à l'embauche. Cela, au moins au niveau des
intentions, car on se demande quels leviers seront mis en ouvre pour les
concrétiser. Le renforcement de la législation visant à lutter contre la
discrimination en sera-t-il un? L'accord de majorité n'en parle pas.


A souligner aussi l'avancée prévue en matière de protection des mineurs
non accompagnés par la mise en place d'un service de tutelle ; avancée
cependant encore une fois nuancée par la possibilité annoncée de renvoyer
dans leur pays d'origine ceux d'entre eux qui se seraient rendus coupables
de faits criminels .

Autre point positif : restée longtemps confidentielle, la circulaire
relative à la « double peine », qui limite les possibilités d'expulsion des
personnes ayant purgé leur peine en Belgique, (sans pour autant
l'interdire) sera désormais inscrite dans la loi . Une clarification non
négligeable. qui ne résout pas le cas de ceux qui ont déjà fait l'objet
d'une mesure d'expulsion, et qui se voit fort malheureusement
contrebalancée par le paragraphe précédent, lequel énonce que des étrangers
pourront être remis aux autorités de leur pays d'origine pour y purger leur
peine. Une nouveauté aussi bizarre qu'irréaliste tant on voit mal des pays
tiers prendre en charge l'hébergement de nos délinquants.


Un paragraphe de plus, bien dans l'esprit d'un programme qui s'avère, à
bien y regarder, terriblement sécuritaire (trois chapitres sur le sujet),
souvent lacunaire (le volet communautaire n'étant pas le moindre des débats
évacués d'un simple coup de plume), farci de non-dits ou de mots creux
(quelles sont-elles, ces incivilités que le futur gouvernement s'engage
tout d'un coup à combattre de toutes ses forces ?), et souvent, aussi, de
paradoxes qui laissent perplexes (un exemple entre vingt : on se propose de
favoriser les peines alternatives pour vider les prisons de ceux qui ne
gagnent à rien à y être et, en même temps, on envisage de réquisitionner
des casernes pour gonfler le parc carcéral.)


Bref : un texte, qui, malgré son titre tout en optimisme, dessine en
filigrane une société où il fait plutôt mal vivre (pour certains). Plutôt
que la Belgique créative et solidaire annoncée, en matière de politique
d'asile, de politique migratoire et de droits des étrangers en général, le
Mrax craint donc que le modèle de société que l'on nous prépare soit
surtout celui d'une Belgique craintive et sécuritaire. Evidemment, ce ne
sont encore que des mots.