Les enjeux français de la décentralisation by Marc Friday July 11, 2003 at 10:59 AM |
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la décentralisation est-elle un affaiblissement de l'état; décentralisation et lutte de classe; décentralisation et démocratie ?
Partisan n°178
Les enjeux de la décentralisation
La bourgeoisie française s’est engagée dans la voie de la décentralisation de l’État. Ce processus qui a commencé en 1982 avec le premier gouvernement de gauche s’accélère aujourd’hui. De plus en plus de fonctions de l’État central sont confiées à des administrations dites territoriales (régions, départements, communes). Cette évolution est faite, selon les termes de la bourgeoisie, pour rapprocher l’État des citoyens. Qu’en est-il ?
Déconcentration, un affaiblissement de l’État ?
Partons d’un constat qui a priori parait paradoxal : plus le capital se concentre au niveau mondial, plus l’État semble se déconcentrer. Certains disent même qu’il s’affaiblit. En fait, nous assistons à une transformation de l’État plus qu’à son affaiblissement. Cette transformation répond à des nécessités économiques. Mais elle est dictée, sans doute plus encore, par les nécessités politiques de lutte de classe.
Il faut rappeler que l’appareil politique de la bourgeoisie ne se réduit pas à l’appareil central de l’État. Les appareils politiques des régions, des départements et des communes font partie de l’appareil d’état. Si le transfert de responsabilité de l’appareil d’État central constitue un affaiblissement de celui-ci, il est contrebalancé par un renforcement des appareils décentralisés. Même si l’appareil d’état central tend à se limiter aux fonctions de police, de justice et d’armés l’appareil d’État dans son ensemble ne voit pas son rôle politique et économique se réduire. Il ne se réduit pas ; mais il change.
Décentralisation, pour mieux faire face à la lutte de classe.
L’Etat centralisé français a été l’instrument de combat de la bourgeoisie révolutionnaire contre la monarchie à la fin du XVIII siècle. Il lui a fallu liquider la féodalité en crise et constituer la nation française contre les particularismes régionaux associés au féodalisme.
Aujourd’hui, la bourgeoisie impérialisme française est soumise aux tensions de deux types de contradictions. D’abord, celles liées à l’internationalisation accélérée du capital (mondialisation) qui réduit sa capacité d’action économique, mais qui produit de graves effets sociaux. Ensuite, les contradictions liées à la montée des luttes de résistance que cette mondialisation suscitent de la part des travailleurs.
Du point de vue de la classe ouvrière, la « mondialisation » induit la nécessité de porter la lutte à un niveau global et à développer l’internationalisme. Elle pousse donc à fédérer les luttes autour des intérêts communs à toute la classe et à relativiser les particularismes. La décentralisation, qui prétend coller plus encore aux particularités locales, apparaît donc comme une tentative d’enfermement des luttes de classe dans le local et le régional. Elle poussera si elle se développe à la dispersion politique des luttes et des revendications. Bref, la décentralisation est la traduction moderne du vieil adage : « diviser pour régner ». Elle tend à substituer à la cible unique que constitue l’État central autant de cibles que de pouvoirs locaux ou décentralisés. Elle permet donc de renforcer la capacité de l’état bourgeoise à résister à la poussée des luttes.
L’enjeu économique n’est pas absent de la décentralisation. En effet un pouvoir décentralisé rendra progressivement plus facile la privatisation de certaines activités aujourd’hui dévolues à l’état (comme l’éducation). Mais il n’est pas certain que sur le long terme cet avantage soit réel pour un capitalisme de plus en plus mondialisé qui a tendance à définir en toutes choses des standards internationaux. L’effet économique le plus immédiat sera l’effet de concurrence et de pression sur les statuts des personnels de l’état, qui seront moins à même de se défendre localement que lorsqu’ils formaient un ensemble plus homogène au niveau national.
Décentralisation et démocratie
L’argument ultime est l’argument démocratique. Un état décentralisé serait plus proche des citoyens. Si cela était vrai, les décentralisations déjà engagées auraient contribué à freiner le développement du discrédit généralisé de l’État qui touche y compris les communes. Si c’était le cas, la décentralisation des 1982 n’aurait pas eu pour effet une explosion de la corruption dans les marchés publics liés à la construction de lycées et d’autres équipements transférés aux collectivités locales. L’État décentralisé n’est pas plus transparent, ni accessible aux citoyens que l’État centralisé.
La décentralisation va renforcer le pouvoir des notables et des potentats locaux sans renforcer aucunement le pouvoir des citoyens. Ceux-ci d’ailleurs pourront même se voir soumis au chantage de la concurrence pour justifier des sacrifices. Ainsi en sera-t-il au nom de la nécessité de la compétitivité ou de l’attractivité de la région ou du département et lorsque deux d’entre eux seront en concurrence pour l’accueil de telle ou telle entreprise, de tel ou tel équipement.
En communistes, nous pensons que la démocratisation de l’État pour les exploités passe par sa transformation révolutionnaire. La révolution permettra de réunir dans les mains des travailleurs le pouvoir politique et le pouvoir économique, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Il sera alors possible de rendre effectivement l’État proche du citoyen, de le décentraliser. Il ne s’agit plus d’une décentralisation qui exploite les particularités pour diviser. L’État (transitoire) resterait centralisé dans ses orientations générales (les lois uniques, sa politique…), mais issu des comités politiques locaux (soviets, conseils) qui en constituent la base et la légitimité. En retour ces comités de base seraient le pouvoir exécutif de cet État central au plus près de la vie des travailleurs.
G.F.
PARTISAN N° 178 (juin à septembre)
Vous trouverez aussi Au sommaire :
*Aux origines de leur « choix de société »
*La sécu, une conquête sociale ?
*La retraite pour les femmes, pour les immigrés,…
*Les enjeux de la décentralisation
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*Moyen-Orient : un remodelage par les USA est-il possible ?
*Argentine, Palestine, Congo
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