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L'ombre du guépard continuera encore longtemps à hanter l'Ouest ivoirien.
by Wurufato Monday July 07, 2003 at 08:24 PM
wurufato@yahoo.com

Le Commandant adjoint de la célèbre compagnie Guépard des Forces Nouvellles de Côte d'Ivoire, le Commandant Diabaté nous livre ses impressions sur les derniers évènements de la Côte d'Ivoire dont la moitié nord est dépuis 10 mois sous leur contrôle...

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L’ombre du Guépard continuera longtemps encore à hanter le Grand Ouest.

Commandant en second de la Compagnie Guépard, le Commandant Diabaté a parrainé hier dimanche 6 juillet 03 au quartier Dar Es Salam une finale de mini foot (maracana) au stade du lycée Saint-Jacques de Bouaké avant son départ imminent pour son nouveau poste de Commandant du secteur nord, zone ouest à Man. Il a tenu à dire de façon très sportive au revoir à la jeunesse de Bouaké et celle de Dar Es Salam en particulier. En sa qualité de formateur de nombreux éléments engagés aux cotés des Forces Nouvelles, Indymédia-Belgium a profité de l’occasion pour lui poser quelques questions, notamment sur le fameux programme nommé DDR (désarmement-démobilisation-réinsertion) annoncé avec tambours par le gouvernement de Réconciliation Nation en même temps que la fin de la guerre en Côte d’Ivoire le 4 juillet dernier.

Indymédia : L’Ouest ivoirien étant ce qu’il est, ne redoutez-vous pas l’ampleur de la tâche qu’on vient de vous confier ?
Commandant Diabaté : Pour moi, c’est une mission comme toute autre. Les autres peuvent craindre mais quand on est guépard, on n'a rien à craindre. Le guépard se nourrit de l’endurance. J’irai travailler dans le même esprit que notre Commandant Chérif Ousmane lors de sa mission précédente dans l’Ouest. C’est donc la continuité à l’Ouest. Vous pouvez compter sur moi.

IM : Mais vous partez, laissant derrière vous vos éléments et au-delà des Guépards, tous ces volontaires engagés à vos cotés aux premières heures de la rébellion, qui se plaignent de ne percevoir aucun salaire ni frais d’entretiens. En plus, le gouvernement envisage de les démobiliser. Qu’avez-vous à leur dire ?
CD : Qu’ils sachent tous qu’il n’y pas de démobilisation sèche sans mesures d’accompagnements et que leurs chefs ne les abandonneront jamais ! Un vrai chef n’abandonne jamais ces éléments. Nous ne sommes qu’à l’étape des discussions. En ce qui concerne nos propres éléments de la compagnie, être guépard, c’est d’abord dans l’esprit. Ça se vit. Quand on est guépard, on ne cède pas au découragement. Le guépard est un animal qui n’est jamais surpris ; il reste serein devant le danger et l’avenir. Puis il bondit au moment opportun, seulement au moment de prendre sa proie. Ce n’est pas l’hyène qui dérobe les proies des autres.

IM : De mes discussions avec certains éléments, je sais que beaucoup d’entre eux souhaitent intégrer la nouvelle armée ivoirienne. Or l’armée ne pourra pas absorber la totalité des volontaires engagés par votre camp et par celui d’en face. Que feront les autres ?
CD : Pour ceux-ci qui ne pourront pas ou ne voudront pas intégrer notre nouvelle armée nationale, il y a justement des mesures d’accompagnement qui ne tarderont pas à être mis en place. Des centres de métiers seront créés à partir desquels on verra qui veut continuer ou se former nouvellement dans tel ou tel domaine d’activité professionnelle. Les éléments nous connaissent bien et savent que nous faisons de leur avenir une priorité.

IM : Avez-vous un appel particulier à lancer à l’opinion internationale et à la diaspora ivoirienne en cette phase critique de pacification de la Côte d’Ivoire, surtout concernant la réinsertion des éléments ?
CD : Je demande à tout le monde et à quelque niveau que ce soit de se mobiliser pour accompagner le processus de réconciliation en cours chez nous parce si nous avons courageusement le cœur à la paix, les moyens nous manquent pour finaliser tout le processus.
A la diaspora ivoirienne, je voudrais d’abord demander de rester serein. Ils pourraient se dire que nous avons mis le pays à sang. Eux qui vivent depuis longtemps à l’étranger, dont certains malgré eux-mêmes, savent mieux que quiconque comment nous en sommes arrivés là. Etant à l’extérieur ils voient des choses que ceux restés au pays ne voient pas. Je ne peux pas leur apprendre ce qu’ils doivent faire parce qu’ils savent aujourd’hui que ce sont les frustrations et le manque de boulot qui ont amenés beaucoup de jeunes à se rallier aux Forces Nouvelles, il faut le reconnaître. On est arrivé dans ce pays à un stade où la jeunesse ne se reconnaissait plus dans l’avenir du pays. Le travail est depuis longtemps déjà tribalisé. Il est tribalisé parce qu’il n’y en a pas assez. Je demande donc à la diaspora de créer des petites et moyennes entreprises au pays. C’est la solution à nombreux de nos problèmes.

IM : Des éléments hyper motivés au combat ne sont pas forcément motivés pour faire tout autre travail ?
CD : Moi qui vous parle, avant de venir à la rébellion et même dans l’armée de Côte d’Ivoire, j’avais déjà une spécialité en agriculture. Il n’y a aucune machine agricole créée avant l’an 2000 qui puisse me poser des problèmes. Je peux vous labourer un champ tout seul.

IM : Pensez-vous que des éléments qui ont connu un bond social à cause de leurs armes soient prêts à retourner en brousse pour travailler au champ ?
CD : Laissez-moi vous parler spécialement des éléments que je connais le mieux et qui sont ceux de la Compagnie Guépard. Je vais vous faire une confidence ; sachez que si des rebelles devaient profiter de la situation pour s’enrichir ici à Bouaké, je compterais parmi les tous premiers parce que c’est le Caporal-chef Loss du corridor sud (récemment nommé Commandant de la zone ouest) et moi qui avons débutés les patrouilles dans la ville. Mais nous n’avons pas accepté de voler ni de cautionner le vol dans nos rangs. Comme je vous l’ai dis plus haut, l’esprit guépard se vit. C’est de l’éducation pure. Aucun élément guépard ne refusera d’aller servir là où il pourra être utile à la société.

IM : Avant de vous quitter, un mot sur l’incident grave qui a opposé vos éléments à ceux de la Compagnie Anaconda du Commandant Wattao le début du week-end et dont toute la ville parle. Il paraît qu’il y a eu un ou plusieurs morts ? On vous a pourtant vu en bonne compagnie avec le chef Wattao, légende vivante de l’anaconda, cet après- midi pendant la finale.
CD : Vous m’offrez ici une occasion pour clarifier cet incident dont la rumeur s’est malheureusement saisie en gonflant comme d’habitude les faits. Je reviens sur les évènements afin que tout le monde puisse comprendre comment les choses se sont passées. Des éléments de Wattao en patrouille pendant l’état d’urgence décrétée suite aux évènements que vous connaissez, ont eu la malchance, à cause d’un défaut du système de freinage de leur véhicule, de forcer le barrage érigé pour la même circonstance à partir de minuit devant notre camp des guépards sur l’axe autoroutier sud-nord, ici même au quartier Dar Es Salam. Nos éléments ont cru à un refus d’obtempérer et ils ont ouvert le feu. Ils se rendaient compte du malentendu lorsqu’ils ont rejoint le véhicule sans frein immobilisé grâce à la pente de la route. Il y a eu un blessé grave parmi les deux occupants de l’infortuné véhicule. Nous regrettons ce malheureux incident qui n’a néanmoins en rien altéré les rapports entre nos deux compagnies. Je voue remercie. Que Dieu protège notre chère Côte d’Ivoire.

Propos recueillis par Pablo Senior alias Wurufato