Lettre de démission de Fatiha Saïdi

J’ai adhéré à ECOLO (sympathisante depuis 1992, membre effectif depuis 1996) pour son programme généreux, progressiste, global, soucieux de parité et de tous les équilibres mais surtout pour sa culture politique, son éthique (non-cumul de mandat, rétrocession, loyauté, respect de l’individu…). Cependant, depuis environ deux ans, je constatais au fil des jours que mon parti n’était plus que l’ombre de lui-même, que ses beaux idéaux et principes étaient virtuels, programmatiques et loin d’être des valeurs journalières respectées par ses protagonistes. ECOLO s’affichant comme un parti d’ouverture, devenait (et devient de plus en plus) un parti se racrapotant sur lui-même en renforçant un noyau dur formé de quelques apparatchiks qui pensent détenir les clés de la maison, de la “PME”, dira-t-on plus tard. Ma candidature au poste de Secrétaire fédérale est venu confirmer tout ce que je pressentais, dénonçais.

Je pensais qu’en tant qu’écologiste, je pouvais prétendre, au même titre que n’importe quel membre à poser ma candidature au Secrétariat fédéral et passer l’étape des assemblées régionales, fédérale, en entamant avec les militant(e)s un débat portant sur l’orientation politique voulue par les équipes en présence. Avec, en dernier ressort, le pouvoir pour les militant(e)s de voter pour l’équipe correspondant le mieux à celle étant la plus susceptible de porter leurs aspirations. Et à l’issue de l’AG du 6 juillet, reprendre la route tous ensemble, sereinement aux côtés de l’équipe ayant remporté le suffrage, sans lui mettre des bâtons dans les roues, comme ce fut le cas pour l’équipe Bauduin-Defeyt-Ernst.
Image d’Epinal ou grande naïveté? Aucune des deux thèses, la seule et unique restant pour moi le parti où l’on fait de la politique autrement, le parti de la grande démocratie interne (remise de plus en plus souvent en question par ailleurs) et le parti où règne en maître le respect de l’autre.

Or, dès l’annonce de ma candidature, je n’ai cessé d’être la cible d’attaques personnelles, de pressions morales, de culpabilisation, venant de toutes parts. Quels que soient les échos, quelle que soit la provenance des tirs, tout me revenait, jusqu’aux combines organisées par des ex-cabinettards pour demander à un militant d’origine marocaine de former une équipe pour contrer celle de Paul Lannoye. Comment peut-on tomber si bas?

J’ai réussi pendant quelques jours à faire face mais je suis tombée, exténuée, vendredi soir lorsque j’ai entendu que circulait, à l’intérieur du parti, à l’adresse des militant(e)s l’accusation de “déloyauté” à l’encontre de notre équipe. Les instigateurs de cette campagne expliquant que Paul Lannoye est revenu sur sa promesse de retirer son ticket du jeu si Isabelle Durant se retirait également. Et Paul aurait mangé sa parole. Notre trio a été du coup qualifié de “déloyal”, accusé de mener ECOLO à la crise interne et à la rupture. Je peux tout accepter sauf d’être traitée de tricheuse ou de menteuse. Je n’ai de cesse de crier haut et fort que la politique ne peut être noble que si elle est pratiquée avec loyauté et respect de l’individu, même dans l’adversité.

Quant à moi j’ai été accusée de “faire un beau cadeau au PS” car en cas de défaite du trio Lannoye, ECOLO serait accusé d’avoir maltraité une personne d’origine étrangère. Bien pire encore on m’a platement signalé que la discussion en AG régionale ne prendrait plus qu’une tournure “communautaire”. Sans compter les diverses autres accusations si basses et si mesquines qu’elles ne valent même pas la peine d’être dite mais qui laissent malgré tout des traces.

Je dois tristement constater qu’ECOLO, loin de tirer les leçons de la défaite et de l’analyse à laquelle nous avons toutes et tous contribué, s’engage résolument dans une voie et une attitude aux antipodes de nos principes écologistes. Je n’aurais jamais cru que mes ennemi(e)s se trouve au sein de mon parti, celui dans lequel j’ai choisi de militer et de porter mes combats pour un monde plus solidaire, plus juste, plus équitable et contre toutes les formes d’injustice et d’exclusion. J’ai pris cette décision douloureuse, très douloureuse, après une mûre réflexion où j’arrive à la conclusion finale que ma rupture de confiance avec ECOLO est telle qu’il m’est impossible d’y faire encore le moindre petit pas.

L’arrivée “au cœur du pouvoir” au sein d’ECOLO m’a démontré combien tous nos principes ne sont qu’hypocrisie, de la démocratie interne, grand leurre offert aux militant(e)s en passant par la démocratie participative, grande valeur virtuelle pour se donner bonne conscience.

A tous les militant(e)s que j’ai eu le bonheur de connaître, de fréquenter, d’apprécier, je transmets mes amitiés les plus sincères en espérant que vous comprendrez mon geste.

arch/ive/ief (2000 - 2005)