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Les nanas de la Compagnie Guépard II
by Wurufato Friday July 04, 2003 at 11:14 PM
wurufato@yahoo.com

Kinan est une autre dame de fer de la compagnie Guépard. Elle coordonne l’équipe de seize femmes volontaires, responsables de la restauration de la compagnie. Tous l’appellent affectueusement Tantie Kinan dans le camp en signe de respect.

Les nanas de la Comp...
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Les nanas de la compagnie Guépard II.

Elle a rejoint la rébellion un peu plus tard comme les autres volontaires de la cantine. Elles disent toutes être venues apporter leur contribution au Mouvement du 19 septembre 03. Le front, elles l’ignorent même si les combattants ne parlent que de cela à longueur de journée. Leur créneau à elles, c’est la cuisine de masse comme on en fait dans chacune de leur famille les jours de fête. Kinan fut parmi les premières femmes à proposer ses services au commandant de la compagnie. Disposant de plus de marmites géantes que les autres candidates qui se proposaient en même temps qu’elle à ce poste, c’est finalement elle qui sera retenue pour diriger la cantine des Guépards.
Au tout début de la mutinerie, elle a maintes fois tenté de serrer la main du charismatique chef rebelle Chérif Ousmane à la fin des nombreux meetings du MPCI à travers la ville de Bouaké et lui dire toute sa reconnaissance pour son héroïsme mais en vain. Aujourd’hui, c’est elle qui se voit chaque jour remercié par ce dernier pour les plats qu’elle fait pour lui et ses combattants. La rébellion, vue par Kinan :

Les dames volontaires de la cantine :
«Un jour de début novembre 02, mon mari qui avait déjà rejoint le Mouvement m’apprend que leur compagnie avait besoin de cuisinières pour le camp. Nous étions huit femmes à répondre à l’appel pour l’organisation de la cuisine. Après ma désignation comme responsable, j’ai invité mes sept autres sœurs à se joindre à moi pour commencer le boulot. Nous avons immédiatement formé deux équipes de cuisinières bénévoles ; un groupe monte le matin et l’autre le soir. Notre effectif n’a fait que croître pour atteindre aujourd’hui un total de dix-sept dames volontaires reparties dans plusieurs équipes. Je tiens à souligner que toutes ces femmes et moi-même sommes des bénévoles qui sont venues de notre plein gré pour faire à manger pour ces combattants de la liberté que nous admirons et soutenons dans leur lutte pour la justice et la démocratie véritable dans notre pays. C’est notre façon à nous de contribuer à la lutte. Je ne peux pas prendre les armes pour les suivre dans leurs différentes opérations mais je peux prendre de mon temps pour leur faire de la bonne cuisine lorsqu’ils rentrent fatigués des entraînements ou du front…

Réactions de l’entourage :
J’ai d’abord caché à mes parents, amis et connaissances mon entrée dans la rébellion. Ce n’est qu’un peu plus tard vers décembre, à la mort d’un oncle militaire qui servait au 3ème Bataillon (à Bouaké) par les loyalistes à Tiébissou, que je me suis engagée corps et âme dans le Mouvement. Un jour j’ai croisé mon père qui est plombier de profession à la retraite ici au camp. Il était venu donner un coup de main au niveau des sanitaires. Il me voit contre toute attente affairée dans la cuisine et me demande, étonné, ce que je fais ici ! Je lui ai demandé ce qu’il faisait lui aussi en ces lieux ? Nous avons rigolé. Je me suis alors confié à lui et il m’a béni. Depuis ces deux évènements, je ne cache plus mon appartenance à la rébellion.
Certaines personnes se méfient de nous tandis que d’autres au contraire admirent notre courage. On s’imagine que nous traînons à longueur de journée parmi les armes et munitions de toutes sortes. Il arrive souvent que les gens qui nous connaissent nous interpellent en plein marché ou dans la rue pour s’informer sur notre Mouvement et sur la situation du pays. Nous essayons de leur expliquer le sens de notre combat et de les apaiser quant à l’issue de la guerre. De plus en plus de gens comprennent aujourd’hui les raisons du soulèvement du 19 septembre. Ils trouvent donc légitime que quelqu’un fasse à manger pour ces gens épris de justice et de liberté. Les réactions autour de nous sont de plus en plus positives.

De l’issue de la Lutte et de la démobilisation :
Durant les combats de l’Ouest, j’ai eu par moments peur pour nos combattants mais je n’ai jamais douté de leur victoire finale. Nous avons fêté leur retour triomphal sur Bouaké pour leur témoigné notre joie et notre reconnaissance. Lors de la soirée organisée par nos chefs pour rendre hommage aux éléments restés au front, notre équipe de cuisine à eu l’occasion de jouer sa partition. Nous étions fières de concocter nos meilleures recettes pour nos héros.
Nos guerriers ont déposé momentanément les armes pour donner une chance aux négociations de paix et à la réconciliation. Mais nous restons vigilants car nous avons en face des gens peu crédibles. C’est pourquoi nous comptons sur l’opinion internationale et les instances de l’ONU pour veiller à l’application des accords de Marcoussis. Tout le monde observe le pouvoir de Laurent Gbagbo et l’histoire jugera de ce qu’il fera des recommandations des occidentaux et du monde entier pour éviter à la Côte d’Ivoire de sombrer dans le chaos. Du côté de la cuisine, nous restons mobilisées tant que les éléments continuent de vivre au camp.
En cas de démobilisation, je souhaite franchement continuer ma tâche avec l’armée. Sinon, je retourne dans mon atelier de couture qui est actuellement géré par mes apprentis.

(Propos recueilli par Wurufato, le correspondant de Indymédia à Bouaké.)