arch/ive/ief (2000 - 2005)

Chérif Ousmane (Forces Nouvelles de Côte d'Ivoire) parle de la rebellion et de la paix .
by Wurufato Sunday June 15, 2003 at 02:50 PM
wurufato@yahoo.com

Pour les lecteurs de Indymedia, Wurufato est allé à la rencontre du Sergent-chef Chérif Ousmane, commandant de la Compagnie Guépard et homme clé de la rebellion en Côte d'Ivoire. Il nous parle de la lutte des Forces Nouvelles et du processus de réconciliation...

Chérif Ousmane (Forc...
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Interview avec Chérif Ousmane, commandant de la Compagnie Guépard des Forces Nouvelles de Côte d’Ivoire :

Indymédia : Et si on parlait de votre engagement au sein du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire et de l’avènement du 19 septembre 02 ?

Chérif Ousmane : Sachez que dans l’armée de Côte d’Ivoire les gens étaient jugés par rapport à leur appartenance ethnique ou religieuse. Et moi, m’appelant Chérif Ousmane, on me traita de pro Alassane (le Président du RDR, parti assimilé au nordistes) que je ne connaissais qu’à travers la télévision comme tout le monde. Dès qu’il y avait des troubles sociopolitiques impliquant des jeunes Dioula (les nordistes) tous ceux du Nord étaient mis dans la même assiette par le pouvoir. Nous n’étions plus libres dans notre propre pays. Nous étions traités d’étrangers. Pour des militaires comme nous, cela était insupportable de se voir constamment plaquer des étiquettes politiques. Cela nous a amené au coup d’Etat du 24 décembre 99 qui a porté le Général Guéi au pouvoir. Mais les choses n’ont pas changés car c’est encore nous qui avons été accusé lors de l’attaque de la résidence de ce dernier le 17 septembre 2000. Nous avons été arrêté le lendemain et emprisonné. Ce fut ensuite le 7 janvier où le président Laurent Gbagbo disait avoir fait échouer un coup d’Etat. Ici encore nous avons été accusé. Les politiciens de Côte d’Ivoire qui en a avaient après M. Alassane Ouattara nous accusaient d’être des proches de ce monsieur que je n’avais pourtant jamais rencontré auparavant. Cette situation nous obligea à abandonner nos familles et tout ce que nous avons en Côte d’Ivoire aller vivre en exil. Voilà ce qui m’a amené dans le Mouvement. Il était grand temps pour nous de rejoindre la Côte d’Ivoire et nos parents. Il faut dire que nous avons au préalable tenté par la négociation et la diplomatie de pouvoir rentrer en toute quiétude dans nos familles et reprendre notre service mais en vain. Et pourtant pour certains d’entre nous dont moi-même, on disait que nos dossiers judiciaires étaient vides, qu’il n’y avait pas de chef d’accusation contre nous. Si après tout cela le pouvoir nous empêchait toujours de rentrer en Côte d’Ivoire, c’est dire qu’on ne nous laissait pas le choix pour faire valoir nos droits. Voilà pourquoi nous avons pris les armes. Et c’est seulement par les armes que nous pouvions avoir accès à notre pays. Nous sommes venus avec pour objectif de ramener la liberté, la justice et la démocratie dans ce pays, pour le bonheur de tous les citoyens. Nous avons pris l’opinion internationale à témoin au cours de notre lutte. Nous avons fait toutes les ouvertures possibles, respecté toutes les lois de la guerre et les droits de l’Homme par ce que nous voulons une vraie justice et une vraie démocratie. Nous sommes traités comme des rebelles mais nous nous comportons comme des gens bien éduqués avec le respect pour nos populations tandis que les soit-disant loyalistes attaquent et brûlent les villages. Ils capturent les civils, même les vielles personnes, les ligotent, les torturent avant de les abattre froidement. Alors que nous, nous combattons tout simplement pour atteindre nos objectifs qui sont d’amener nos autorités à instaurer une véritable démocratie dans le pays. Nous combattons pour la liberté qui, vous le savez n’a pas de prix.

IM : De votre mission dans l’Ouest ivoirien, que pouvez-vous nous dire ?

CO: Je suis allé dans l’Ouest parce qu’il y régnait une totale confusion ; on ne savait pas qui faisait quoi et qui devenait quoi. C’est devant cette situation que mes supérieurs m’ont chargé d’y aller pour voir de plus près ce qui se passe. J’ai constaté une fois sur le terrain que nos parents de l’Ouest de la Côte d’Ivoire ne bénéficiaient pas du minimum de liberté et de justice tandis que la situation devenait meilleure pour la grande partie des populations dans les zones sous notre contrôle. Notre arrivée a été salutaire pour ces populations qui ne demandaient qu’à jouir des mêmes droits pour lesquels nous combattons ; c’est à dire la liberté d’expression, la liberté de circuler et la justice pour tous.

IM : Etes-vous satisfait de votre mission à l’Ouest ?

CO : J’ai fait ce que mes supérieurs m’ont demandé. Je suis resté dans le cadre de ma mission qui était de mettre hors d’état de nuire les supplétifs libériens du LIMA qui pillaient nos parents et les privaient de leur liberté. Je suis satisfait du travail accompli par nos forces parce que la population se sent libérée et estime qu’elle peut maintenant vaquer à ses occupations.

IM : À votre retour le 4 juin dernier, la population de Bouaké vous a accueilli en héros. Quelles impressions cela vous a fait ?

CO : Comme je l’ai dit aux autres, c’était un accueil auquel nous ne nous attendions pas. Nous n’avions que fait notre devoir de militaires engagé dans une lutte de libération. Et si une zone occupée par nos forces est privée à nouveau de cette liberté pour laquelle nous avons pris les armes, je pense qu’il nous appartient de mettre de l’ordre car cela fait partie de notre objectif.
Je suis reconnaissant pour l’accueil que la population de Bouaké nous a réservé parce que cela prouve que nous avons pris les armes pour elle.

IM : Est-ce que la population, en vous accueillant de la sorte ne place pas en vous l’espoir d’un retour de l’ordre dans la ville de Bouaké qui connaît depuis quelques temps des problèmes d’insécurité ?

CO : J’espère bien que l’ordre reviendra au plus vite à Bouaké. A travers moi c’est un hommage que la population rend à l’ensemble des Forces Nouvelles et à tous les soldats en poste à Bouaké. Si la population pense que nous pouvons lui apporter la sécurité et soulager ceux qui souffrent, cela nous honore et nous essayerons d’être à la hauteur de leurs espoirs. Mais comme je l’ai dit, c’est un problème de communication entre les responsables. Nous avons commencé par améliorer la communication entre les chefs afin de rétablir l’ordre au plus vite.

IM : Peut-on savoir les premières mesures prises dans ce sens ?

CO : Nous sommes en train de prendre des décisions mais ce serait aller trop vite en besogne que de vous les communiquer ici.

IM : Quels espoirs placez-vous dans le processus de réconciliation engagé par le Premier Ministre Seydou Elimane Diarra et son gouvernement ?

CO : Etant donné que les accords de Marcoussis (Paris - France) contiennent l’essentiel de nos revendications, nous ne pouvons que souhaiter son application immédiate pour faire cesser la guerre. C’est à cet effet que le gouvernement de réconciliation national a été formé.
Si on nous dit que nous les problèmes qui nous ont amenés à prendre les armes seront réglés par ces accords de Marcoussis, il est clair que nous n’avons plus de raisons de faire la guerre et que notre combat consiste désormais à veiller à l’application pure et dure de ces accords tout en restant vigilent. C’est dans ce but aussi que nous avons accepté de rentrer dans le gouvernement et que nos ministres sont à Abidjan.

IM : Mais on sent quand même sur le terrain qu’il y a deux options quant à la suites de votre lutte au sein du Mouvement ; certains sont pour la solution diplomatique, donc pour Marcoussis, tandis que d’autres sont pour une solution militaire afin d’achever le travail. Qu’en dites vous ?

CO : Il n’y a pas deux options dans notre Mouvement mais une et une seule. Ce sont les armes qui nous ont amené à Marcoussis. Marcoussis et donc la continuité de notre combat. C’est une autre étape de la même lutte engagé depuis le 19 septembre 02. Je ne vois donc pas de contradiction au sein du Mouvement. Et d’ailleurs nous qui avons fait cette guerre savons très bien le nombre de victimes tombées à l’Ouest et ce que la population a enduré ; des familles entières obligées de se terrer en brousse et se nourrissant de mangues pendant des mois. Nous souhaitons la fin des souffrances de nos populations et n’avons aucune raison de garder les armes si les problèmes peuvent être réglés par la négociation.

Interview réalisée par le correspondant de Indymédia à Bouaké.

précision
by red kitten Monday June 16, 2003 at 06:37 PM
redkitten@indymedia.be

Je pense qu'il est nécessaire de préciser cet article n'est pas plus 'Indymedia.be' qu'un autre, et que comme tout autre article, son contenu n'engage que l'auteur.

Merci de publier, mais merci aussi de ne pas 'signer' Indymedia.be d'une manière ou d'une autre, ça peut porter à confusion.

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