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Récit du blocage pink&blackblok sur la route, Annemas, Evian
by intersiderale Tuesday June 03, 2003 at 11:00 PM
intersiderale@perso.be http://intersiderale.collectifs.net

Récit du blocage par le cortège 'pink-silver&blackblok' issu des villages VAAG/Intergalactique, dimanche 1er juin. C'est après avoir suivi un training intensif samedi que trois mille activistes ont décidé d'engager leurs corps dans un piquet intense.

<p>Toute la journée, des AG se sont succédées sous une chaleur écrasante pour
constituer les divers cortèges de blocage de la région. La méthode est simple et
en même temps pas évidente à faire fonctionner; tu choisis ton cortège suivant
tes pratiques, et tu y envois un délégué représentant ton groupe affinitaire
après avoir préalablement choisi le rôle que ton groupe a choisi dans ce
cortège. En vrac, construction de barricades, musiciens, constitution d'un corps
(personnes qui s'enchaînent les unes aux autres), catering, coups de main aux
Légal Team, Médical team, etc. Si tu n'as pas de groupe affinitaire, on t'invite
à en inventer un avec les autres personnes isolées. Un groupe affinitaire, c'est
entre 8 et 15 personnes, ayant choisi d'avoir une pratique commune.<br>
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Dimanche<br>
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4h00: Dans le camp, il fait tout noir et on n'y croit pas: nous sommes des
milliers de piqueteros. Le 'pink-silver&blackblok' démarre au son de la samba.
On marche vers là-bas pour bloquer la nationale 206 et empêcher le passage entre
Annemasse et Évian, histoire de compliquer la tâche aux délégations et retarder
les sessions un maximum. Au centre du cortège, de superbes majorettes roses
argent dansent la samba, sur les flancs; on arrache les panneaux de
signalisation, on tire les poubelles ou vole les barrières nadar traînant sur
les bas-côtés. D'autres portent des tripodes construits la veille et en tête, un
corps d'individus bras-dessus/bras-dessous marche comme un seul homme. Nous
avançons d'un pas décidé, nous sommes beaux.<br>
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Lacrymogènes vs samba.<br>
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6h00: nous avons marché 7 Kms avant de voir les premiers gyrophares, au loin,
sur le premier rond-point stratégique à occuper. Ca n'étonne vraiment personne,
il devait avoir des taupes lors de nos ag de la veille. Face à nous, une pompe à
eau, et près de 200 crs armés de lacrymogènes. On se tient tout serré/e/s les
uns contre les autres et on avance. Arrivés à 50 mètres des robots, ils tirent
les premières bombes sans sommation. Impossible de passer. Les masques à gaz,
les lunettes de piscines, les gants sortent de nulle part, tout le monde se
masque le visage. Ca commence à avoir de la gueule notre performance. Les
danseuses de samba, lunettes et masque sur le visage se remuent sous un épais
nuage de gaz. Et c'est la samba qui rythmera les allers-retours aux bosquets
avoisinants qui servent de réserve de bois. Le cortège recule de 100 mètres et
nous commençons à installer les barrières nadar et tout le bric à brac pris sur
le chemin, que nous mélangeons aux bois pour bouter le feu à notre barricade.
Une cinquantaine de blackboules resteront devant la barricade, cherchant les
failles et lançant des projectiles sur les forces de l'ordre. D'autres énervés
courront dans les champs avoisinant la route histoire d'attirer les flics à eux
et déforcer le barrage. Rien n'y fait, les robots tirent lacrymos en restant
bien compacts sur la route. Visiblement, ils ne veulent pas l'affrontement, ils
ne veulent pas qu'on les approche.<br>
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Surréalisme no-global<br>
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Toute une partie de la journée les activistes intergalactiques bloqueront la
nationale, en pleine campagne, sous le regard affolé des vaches et avec la
complicité des habitants du hameau tout proche. Ceux-ci d'abord rassemblés au
bord d'un champ pour observer la scène nous indiquent où trouver du matériel
supplémentaire pour la barricade et de l'eau potable en grande quantité avant de
nous conseiller d'aller bloquer des départementales proches qui pourraient
servir de déviation (tout de suite, quelques centaines d'entre nous partent
installer deux autres piquets). On a même vu une mamie aller expliquer aux crs
que leur véritable ennemi était derrière eux en réunion à Évian et certainement
pas devant eux en train de danser la samba.<br>
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Roulement des équipes<br>
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Il y a ceux qui jettent des pierres, il y a ceux qui courent après les lacrymos
pour les neutraliser à coup de mottes de terre, d'eau, ou en les rebalançant aux
flics. Au fur et à mesure que les heures passent, les flics nous envoient des
lacrymos plus puissantes ainsi que des bombes assourdissantes. Mais les rebelles
véritables sont braves et tiennent les positions. Au lieu de se disperser quand
la grenade arrive, tout le monde saute dessus (ils ont peut-être mis un truc en
plus dans leur produit?) un pompier arrête une capsule éjectée après l'explosion
de la grenade, le suivant la recouvre d'une motte de terre, le troisième arrive
avec la bouteille d'eau. Magnifique, la coopération intergalactique. Les
infirmier/e/s ne cessent de réparer les activistes les plus endommagés. On
compte deux blessés graves emmenés par ambulance. Les ravitaillements arrivent,
des personnes se promènent sur tout le long du cortège qui doit faire 500 mètres
avec des caisses de nourriture, de fruits (pomme ou citron?): des repas et du
café sont servis à l'arrière, près du car des autonomes néerlandais qui mixent
du ska quand la fanfare fatigue.<br>
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Tout au long de la manifestation, des réunions de délégués se forment pour
essayer de synthétiser l'ambiance et la motivation générale des troupes, une
pratique rarement utilisée auparavant. Le mouvement mûrit.<br>
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Vers 14 h, alors que nous essuyons les tirs depuis près de 8 heures, la fatigue
commence à se faire sentir. Ca fait près de deux heures qu'on nous promet des
renforts mais au dire des gens du catering les camps intergalactiques et VAAG
sont désespérément vides, la plupart des gens étant, soit à la grande manif, ou
à d'autres barrages. Les délégués des premières lignes informent qu'ils ne
tiendront plus des heures et le flot de fourmis allant dans les bosquets
chercher des matières inflammables se fait plus épars. Entre-temps, quelques
intrépides ont quand même réussi à faire une deuxième barricade, vingt mètres
devant, histoire de faire un second écran de fumée. L'assemblée dégénère quelque
peu lors qu'un délégué affirme qu'un autochtone veut bien lui prêter un
marteau-piqueur, il propose donc de détruire du macadam. Mais un des
organisateurs pète un câble en hurlant que c'est impossible. On ne comprend pas
pourquoi il prend comme ça sur lui, en décidant d'étouffer une initiative
personnelle en gueulant. Peut-être la fatigue. Des infos arrivent; nous sommes
le dernier barrage à tenir, et des traducteurs bloqués auraient retardé une
séance; hourra dans la foule (l'infos sera démenti plus tard par une certaine
presse).<br>
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On décide donc de lever le camp, les deux centaines d'activistes coupant les
départementales sur les flancs nous rejoignent, sous une pluie d'applaudissement
et de lacrymos. Sur le chemin du retour, la samba a repris, des groupes sur les
flancs ramassent cannettes et détritus laissés sous le feu de l'action. Aucune
personne n'a été arrêtée; seconde victoire.<br>
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Décision et responsabilité collective. <br>
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Pendant deux jours toutes les décisions ont été prises en assemblées. Divisés en
groupes affinitaires et déléguant au moins une personne pour chaque assemblée,
les informations circulaient en permanence entre les groupes et l'assemblée, les
rôles ne se sont jamais fixés : il n'y a pas de responsable, tout le monde est
délégué.<br>
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Pour en finir avec la dichotomie du pour ou contre notre participation aux
contre-sommets<br>
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Alors que le mouvement NoGlobal, amorcé en 1994 par les zapatistes mexicains et
consolidé en 1999 par le peuple de Seattle commencent à peine à avoir un visage
crédible, certains de nos "théoriciens" ? peut-être victimes de cette sensation
de vitesse bien de notre époque ? clament déjà haut et fort que ce genre
d'évènement est dépassé. <br>
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Nous, nous disons après cette expérience, qu'au contraire, ce genre d'événement
est une source inépuisable de pratiques à échanger, entre nationalités et
groupes affinitaires. Que ce genre d'événements de masse nous apprend à nous
organiser avec plus de sérieux. Que ce genre d'expérience nous apprend à déjouer
le climat de terreur que nous impose le pays hôte aux G8 et autres organisations
non-légitimes. On voit l'Empire de près, et on le comprend mieux quand on rentre
dans nos contrées travailler localement,? La pratique piqueteros, même si cette
année était encore un peu faible, nous parait être une des initiatives à
explorer.<br>
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leuk verslag
by Mathias B Wednesday June 04, 2003 at 11:44 AM

Een inspirerend, leuk verslag. Tof om lezen om toch wat in de sfeer te komen, nu ik er niet bij kon zijn door de examens!

fenx
by nico Wednesday June 04, 2003 at 01:41 PM

merci pour ce recit!
viva zapata!

ajout..
by JC Wednesday June 04, 2003 at 06:17 PM

Très chouette compte-rendu, ça s'est preque tout à fait passé aussi bien que ça!! Sauf qu'il faut préciser que bien qu'on ait été plusieurs milliers au départ, il ne restait plus que 400-500 personnes à la fin (6h plus tard). Faim, soleil et fatigue aidant, on comprend que nombre d'activistes aient ressenti le besoin de retourner aux villages. Mais la question ici est de savoir pourquoi on a pas pu rester plus uni jusqu'au bout. Bien-sûr, tout le monde ne doit pas aller en première ligne pour éteindre les lacrymos, mais chacun peut soutenir ceux qui le font et qui permettent que le barrage tienne un certain temps. Or, on a vu s'effriter le groupe au fur et à mesure des heures, comme si une partie de ces gens venus au blocage rejetaient le fait qu'on ait fait un barrage pour vraiment bloquer!!!
je pense qu'il y a plusieurs raisons au manque de solidarité parfois évident entre activistes dans ces moments. Il y a la peur des flics. Ben ouais, ça arrive, moi c'est les bombes assourdissantes qui me font trouiller. A un moment j'avais aussi envie de me casser. Enfin, de là à déserter la bataille.. Plus fondamentalement, je crois que c'est une question de réalisme et d'expérience. A partir du moment où on veut bloquer une route, il faut savoir que les flics vont nous en empêcher et que la seule façon de résister c'est d'au minimum maintenir nos positions. C'est ce qu'on a fait, grâce à ceux qui se trouvaient en permière ligne, mais pas seulement. Il y a aussi tout ceux qui ramenaient le bois, distribuaient l'eau, etc... L'intersidérale à raison de dire que c'était une expérience collective forte, mais seulement pour ceux qui sont restés au moins quelques heures!!
Je pense que la division pacifiques/violents est malheureusement présente dans le mouvement même chez les gens qui participent à des blocages! Pour certains, les gens qui relancent les lacrymos ou les éteignent ou qui construisent un barrage avec les moyens du bord sont des casseurs. C'est la meilleure, on se fait gazer et si on se défend, c'est déjà trop violent. Non, ce sont juste des gens qui ont assumé un rôle important dans la réussite de l'opération à laquelle on avait tous décidé de participer au départ.

Voilà c'étaient quelques précisions subjectives par rapport à l'action. Critiques constructives pour que la prochaine fois on reste 3000 jusqu'au bout et qu'on passe le barrage de flics pour bloquer les routes encore plus proches de la cible!!!
G8, votre fin est proche!

tout a fait
by blob 0012 Wednesday June 04, 2003 at 10:48 PM
intersiderale@perso.be

ouaip, c'est vrai que dans l'engouement, on a oublié de préciser que pas mal de monde s'était tiré... enfin, en même temps, c'est un semi oubli... Lors de la dernière ag, la veille, beaucoup de gens expliquait que c'était leur première action, etc... et je pense que pas mal de gens sont pas habitué à faire du "surplace" et résister... peut-être que les gens parti s'en sont allés à la manif légal, plus classique dirons-nous, une action où il y a un début et une fin. Je terminerais en précisant que cette action était forte parce que les multitudes faisait corps, c'est à dire que, à l'inverse de ce que tu dis, la dichotomie violent/non violent a disparue une fois que les indécis sont parti. Chacun faisait ce qu'il avait à faire sans devoir subir de remontrance (à peu de chose pret)des autres. Tu pouvais danser, jeter des pavés, alimenter un feu, faire de la musique, etc. c'était pas une action typiquement violente, ou typiquement pacifiste, etc.

pour le reste, chez nous, on aime bien faire dans le littéraire pour essayer de faire transparaître l'émotion que l'on a ressenti, même si des fois, les faits sont un peu déformé...