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procès liégeois des collectifs contre les expulsions : deuxième audience
by Nick Thursday May 29, 2003 at 02:42 AM

La deuxième audience du procès liégeois des collectifs contre les expulsions s’est tenue cette matinée du 28 mai devant la 8ème chambre du tribunal correctionnel de Liège (pour le compte rendu de la première audience, voir la rubrique « Liège » dans les régions, publiée sur indymedia ).

Pour cette deuxième audience, le public venu soutenir les prévenu-e-s était un peu moins nombreux que la fois précédente. Il faut quand même espérer que cela ne se dépeuplera pas au fil du procès…

A l’agenda de la matinée étaient prévus le visionnage de la deuxième série de cassettes vidéo de la manifestation de Vottem d’octobre 1998 et l’auditions de témoins de la défense.

Les cassettes en question ont été filmées par des caméras mobiles de gendarmes – les précédentes, visionnées lors de la première audience, provenaient des caméras de surveillances fixes installées sur le centre fermé. Leur contenu n’était guère différent de celui des premières cassettes mais elles étaient plus importantes dans la mesure où de celles-ci sont tirées les photos qui incriminent les prévenu-e-s dans le dossier.

Donc on y revoit différentes scènes de manif, filmées sous d’autres angles. C’est un peu fastidieux à regarder et certains prévenu-e-s n’apparaissent qu’à de très courts moments. Il faut en tous cas noter plusieurs choses : d’abord, les cassettes ne reflètent pas l’ambiance assez survoltée qui régnait ce jour-là, entre autre parce qu’il n’y a pas de son. Ensuite les prises de vues, souvent au téléobjectif, reflètent mal la disposition des lieux et écrasent les distances. On a par exemple l’impression que la plupart des manifestants qui lancent des projectiles sont contre la clôture du centre, ce qui n’était pas le cas vu le dispositif policier. Enfin et c’est le plus important, les prises de vues sont « à sens unique », filmées du centre, derrière les premières lignes des forces de l’ordre, en direction des manifestants, mais il n’y a aucune vue qui montre le centre et le dispositif de la gendarmerie ( à part quelques « vues de dos » ou jets d’autopompes). Ce n’était pas le but de la maréchaussée vous me direz.. Donc, on ne voit pas à quel point le dispositif pouvait avoir un effet provocateur, on ne voit que très rarement sur quoi les projectiles aboutissent et on ne voit pas les invectives et provocations que certains gendarmes lançaient aux manifestants. Il est un peu dommage que la défense n’ait pas plus insisté sur ce dernier fait.

Les témoins ensuite. On est revenu sur la polémique entre la défense et le Substitut Dulieu - qui s’est encore fait remarquer par des remarques pas très intelligentes, sa mine grise racrapotée et son tempérament de roquet. Ce dernier ne voulant entendre que des témoins directs des faits alors que la défense voulait également faire entendre des témoins de contexte (politique, émotionnel..). Le président Coumanne a mollement tranché, ne voulant pas sortir des faits mais acceptant quand-même quelques débordements sur le contexte.

Le premier témoin était M. Franssen, membre d’une association de riverains opposés au centre fermé. Un brave homme qui expliqua en particulier comment il était allé trouver après la manif, une voisine du centre fermé dont le jardin avait été endommagé pour lui proposer de réparer les dégâts (clôture abîmée, empierrement de gravier éparpillé sur son gazon) et tout remettre en ordre à la satisfaction de cette dernière. La voisine avait aussi perdu dans l’aventure un tas de briques qui se trouvait là mais n’avait pas estimé nécessaire le dédommagement proposé par M. Franssen. Fait curieux à relever, alors que la voisine semblait satisfaite, elle avait tout de même porté plainte.. . suite semble-t-il à une visite de la police. Ce qui avait beaucoup étonné M. Franssen, qui insista aussi pour dire que les dégradations avaient été causées selon lui, lorsque les manifestants avaient dû refluer en catastrophe pour éviter les jets des autopompes. Mais cette dernière remarque n’a pas eu l’air de frapper le Président pourtant assez turlupiné par cette histoire de voisine pour y revenir avec la plupart des témoins. Ici la défense aurait peut-être pu insister sur le fait que la maison riveraine n’est distante que de quelques mètres à peine du centre et il est donc logique qu’elle eut à subir les conséquences de brusque mouvements de foule lorsque les autopompes se mirent en action. Mais il est tout-à-fait improbable qu’il y eut une quelconque volonté de nuire au voisinage dans le chef des manifestants.

Vint ensuite M. Virone qui expliqua sa vision des événements un peu à l’arrière des manifestants et le climat passionnel de la manif après l’assassinat de Semira ADAMU. Comme le président, très attaché aux faits du dossier, lui demanda « que » ou « qui » visaient les projectiles, il exprima que son sentiment était qu’il s’agissait plutôt d’un action-réaction de symboles (la violence institutionnelle, les gendarmes dont certains d’entre-eux avaient tué Semira) contre symboles (la violence des jets de projectiles contre un dispositif mais sans cibles précise). Il parla également du système de parrainage des détenus des centre fermés, étant proche de Lise Thiry qui était la marraine de Semira.

Ensuit il y eut M. Palma qui insista sur la violence du contexte politique et le sentiment de révolte intense qui régnait ce jour-là. Il relata que ce qui l’étonnait était plus la retenue des manifestants que leur violence, faisant remarquer que s’il avait été plus jeune il aurait sans nul doute aussi lancé des projectiles. Il insista aussi sur l’aspect « provocation » que représente une présence massive de policer – telle que ce jour-là – lors de manifestations, fait caractéristique universel selon son expérience en criminologie.

Ensuite M. Hierna, figure liégeoise bien connue, après une bonne cinquantaine d’année de luttes sociales et pour les droits fondamentaux. Il expliqua également la violence du contexte politique et le dégoût révolté ressenti suite aux infâmes déclaration de certaines autorités visant à salir la mémoire de Semira. Il insista aussi sur l’aspect provocateur de la présence des gendarmes appartenant à la même corporation que ceux qui avaient tué Semira.

Le dernier témoin était M Alaluf qui insista sur la violence institutionnelle contre laquelle se dirigeait la colère des manifestants, parlant de jets de projectiles et de peinture qui visaient le symbole du centre fermé et pas des personnes. La mention de peinture titilla le Président, y voyant une source de préméditation (« mais où avait-on trouvé cette peinture ?) de troubles chez des manifestant, ce qui l’avait assez travaillé pendant toutes les auditions. Chacune des audition commençait en effet par les questions : « étiez-vous présents, y avait-il un mot d’ordre pour la manifestation ? ».

L’impression générale de l’audition des témoins – dont le témoignage était un peu en porte-à-faux par rapport à la vision des cassettes qui reflètent mal l’ambiance de la manif et ne montrent qu’un point de vue - donne le sentiment que le tribunal n’a dans l’ensemble pas vraiment été convaincu. Si ce n’est peut-être par quelques arguments sur l’aspect « provocatif » du dispositif policier et le contexte particulier. Mais ici, le Président ne semblait pas vouloir s’éloigner des faits. On a aussi un peu l’impression d’un manque de préparation des avocats de la défense qui avaient parfois du mal à rebondire sur les témoignages.

Reste de tout cela, que le lien entre les éléments du dossier (vidéo et photos) et les préventions retenues contre les prévenu-e-s est absolument inconsistant. On voit peut être effectivement l’un-e ou l’autre jeter un projectile (non identifiable) mais il n’y a aucun élément permettant de voir où aboutit le projectile. Il n’y a absolument non plus aucune image montrant une dégradation quelconque commise par un-e prévenu-e.

On retirera aussi un sentiment trouble après ces deux audiences. Vu le nombre important de manifestants très « actif » sur les images visionnées, dont certains longuement filmés en gros plan en train de lancer des projectiles et le petit nombre de prévenu-e-s et leur qualité (membres de collectifs ou activistes) dont certain-e-s apparaissent à peine sur les images on ne peut que s’interroger sur la raison fondamentale de ce procès. Pourquoi poursuivre ceux ou celles là, pourquoi mettre en route cette énorme machine judiciaire, avec des arguments aussi ténus de surcroît. La réponse paraît assez évidente.. .

Réquisition et plaidoiries sont prévues pour la prochaine audience le 10 juin.

A noter : était présent aujourd’hui un avocat représentant de potentielles (car elles ne le sont pas encore officiellement) parties civiles : la régie des Bâtiments, l’Office des Etrangers, deux entrepreneurs ayant participé à la construction du centre fermé et deux riverains. C’est un peu nébuleux et il semble que tout se petit monde se tâte et observe la tournure des choses avant de se décider à participer ou non au cirque.

Merci
by Arno Thursday May 29, 2003 at 12:07 PM

Merci pour l'article détaillé :).

A quand est fixée la prochaine audience?

Félicitations !
by red kitten Thursday May 29, 2003 at 03:43 PM
redkitten@indymedia.be

Félicitations, Nick, voilà un article agréable et utile à lire.
Tu as du y passer un bon moment [ assister au procès, prendre des notes, rédiger, publier ] mais le résultats est excellent et j'espère qu'il inspirera nombreux/euses utilisateur/trice/s de http://archive.indymedia.be.

J'attend déjà ta prochaine contribution.

[ en clair: tu t'es cassé le cul et ça en valait la peine! =^_^= ]