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Allochtones de service ou l’intégration à la flamande
by Abu B. Sanoko Wednesday May 14, 2003 at 08:34 PM
Barako asbl

Une contribution au débat de l'intégration / assimilation des allochtones dans les sociétés multiculturelles

Au moment où le monde entier et les jeunes européens en particulier découvrent le vrai visage de l’impérialisme américain, je voudrais ici m’adresser à ces jeunes gens pleins de fougue qui ne cessent pendant les marches de protestation de faire la leçon au gendarme du monde. Je voudrais attirer l’attention de cette génération qui dirigera l’Europe de demain sur les germes de l’arrogance américaine dans ses propres rangs. Le proverbe ne dit-il pas qu’il faut d’abord balayer devant sa propre maison avant de faire le ménage chez les autres ?
Que reproche-t-on en fait aux Etats-Unis ? Se passer de résolution des Nations Unis pour mettre la main sur le pétrole irakien ou simplement la manière violente avec laquelle ils sont en train de le faire avec leur allié congénital l’Angleterre, en dépit des protestations de l’opinion international ?
Le non-respect des résolutions de l’ONU n’est pas le propre des seuls Etats Unis car Israël en la matière se taille la part du lion.
Les E.U décident quand même d’y aller malgré l’opposition, cette fois-ci largement médiatisée, des différentes opinions publiques à travers la planète. Comme à son habitude l’arrogante puissance américaine ne trouve sur son passage qu’une molle résistance à l’image même de l’armée de Saddam dont elle tient à exproprier de ses immenses richesses pétrolifères pour définitivement contrôler la région du Golf et tout son lucratif trafic.
Le message est clair et vieux de plusieurs siècles déjà ; « dans les relations internationales, c’est la raison du plus fort qui domine. » Epargnons-nous un fastidieux rappel historique.
Ce qui est nouveau dans la crise irakienne actuelle c’est plutôt le fait que cette maxime suprême des relations internationales soit étalée au grand jour et non plus comme par le passé, pratiqué dans les coulisses. Désormais, c’est vis à vis et de façon flagrante que celui qui est physiquement et militairement plus fort peut s’attaquer aux autres, moins forts physiquement et militairement que lui, pour leur prendre leurs richesses ou leur faire plier l’échine.
Un monde régi par la loi du talion sera invivable pour tous. Voilà pourquoi les mouvements de protestation contre l’attitude désinvolte des E.U dans son attaque contre l’Irak doivent aller plus loin que cette guerre du Golf 2. C’est à une profonde réflexion sur la nature des relations internationales, des relations inter-Etats et de relations intercommunautaires ou interculturelles que j’invite toute la jeunesse occidentale. Ce que nous reprochons aujourd’hui à l’Amérique est bel et bien le même principe qui prévaut dans les relations Nord/sud ou dans les relations intercommunautaires en Europe. En un mot, l’impérialisme américain n’est que la face visible de l’iceberg de l’impérialisme occidental tout court. A partir de ce moment, l’Europe est très mal placée pour faire la leçon à la jeune Amérique qui n’est que le produit de ses propres entrailles. Pour ce faire, les Européens doivent se poser des questions dans leur approche autant hégémoniques que les E.U, des autres peuples ou cultures de la planète. On utilise chez les autres des leaders fantoches et corrompus pour maintenir des systèmes de domination de leurs populations. Nous avons déjà beaucoup dit et écris sur les différents mécanismes d’exploitation des pays du ‘tiers monde’ dans le débat sur l’immigration.
Je voudrais ici aborder un autre aspect de ces pratiques dans la société multiculturelle belge et flamande en particulier.
Les allochtones de service dans le secteur de l’intégration sont les soi-disant représentants ou porte-parole des communautés étrangères à qui on donne un boulot dans le secteur mais qui n’ont absolument rien à dire concernant la politique de l’intégration. On les a recrutés pour faire taire les critiques selon lesquelles les communautés dites allochtones n’étaient pas associées aux organes de décisions menant les projets pour l’intégration de leurs propres communautés. En réalité il s’agit de participation de façade des communautés étrangères puisque ces soi-disant leaders ne représentent qu’eux même et quelques ami parfois, regroupé le plus souvent autour d’une asbl existant que de nom ou de façon sporadique ; chaque année, assurer une ou deux soirées multiculturelles par-là et autant de journées d’études par ici, en collaboration avec leurs mandataires du secteur qui eux-même servent tel ou te cabinet ministériel, et le tour est joué. On est alors assuré de recevoir des subsides l’année suivante.
Dans ces conditions, les activités dites d’intégrations se trouvent détournées de leur objectif premier qui est de permettre aux différentes composantes de la société multiculturelles d’avoir un échange franc sur les débats de société en vue d’assurer une meilleure cohésion sociale et de soutenir l’émancipation des groupes les plus vulnérables comme les réfugiés. Au lieu de servir à cela, les maigres fonds alloués au secteur servent surtout d’une part les ambitions de leadership communautaire de ces quelques allochtones de service et d’autre part, le parcours politique immédiat de leurs commanditaires autochtones. On se retrouve dans la même logique implacable des relations Nord/Sud où des leaders fantoches et corrompus sont maintenus au pouvoir par des complexes militaro-économiques occidentaux pour continuer à sucer le sang et le labeur des peuples du Sud. On fausse ainsi tous les calculs car on ne saura jamais ce que pensent réellement les moins forts ici et ailleurs. Comment alors s’étonner de l’échec de la politique d’intégration au Nord à l’instar des programmes de développement dans les pays du ‘tiers monde’ ?
Deux exemples pour illustrer mes propos avec la communauté africaine de Belgique qui n’arrive toujours pas à s’organiser tant les allochtones de service pilules au sein de cette communauté.
Il y a dix ans se mettait en place une fédération des associations africaines subsaharienne à Bruxelles, rue royale. Elle a aujourd’hui disparue sans même que la majorité des africains de Belgique n’ai eu vent de son existence, voire de ses activités. Tel un château de carte, elle s’est écroulée parce que cette fédérations de nègres de service s’est construite au sommet sans jamais se soucier de se rapprocher de la base, c’est à dire des nombreux africains en situations de précarité aiguë à l’époque avec la problématique des sans papiers. Les administrateurs d’une telle parodie de fédération se retrouvent tout de même toujours en première ligne dans des organisations plus largement subsidiées par les autorités.
A Anvers, à quelques mois des élections de 1999 nous sommes conviés à la fondation d’une plate-forme africaine par des autochtones du secteur de l’intégration. Après plusieurs rencontres entre associations africaines, le constat était clair ; nous avions besoin de plusieurs mois de conciliabules pour ajuster nos objectifs et planifier des activités entre nous pour aboutir au bien fondé ou non d’une fédération africaine à Anvers. Les commanditaires belges d’allochtones de service ont maintenus contre toute réalité leur décision de la création d’une fédération. Ils argumentaient leur attitude par le fait que les associations voulant bénéficier de subsides en 2000 devaient absolument se fédérer avant les élections de juin 99. Ils finirent de convaincre certains d’entre nous de marcher avec eux en leur promettant du boulot dans les structures qui en découleront. On assista ainsi dès sa création à des batailles désordonnées pour occuper les places minables attribuées au fonctionnement de ladite plate-forme. Passons sur les détails dégradants de cette course au pouvoir dérisoire au grand dam des vrais problèmes posés à la communauté négro-africaine d’Anvers ; les discriminations et humiliations de toute sorte face à l’administration et la police, l’emploi, l’école et j’en passe… Une fois la plate-forme érigée, les commanditaires autochtones de ce coup d’éclat multiculturel se retrouvent propulsés dans leur carrières et leurs allochtones de service bénéficient désormais de traitements de faveur du secteur. Leur boulot et les projets bidons de leurs associations sont subsidiés comme contre partie de leur trahison envers leurs communauté. La politique d’intégration se trouve ainsi sacrifiée sur l’autel de l’opportunisme des uns et des autres. Dès lors il devient saugrenue de parler d’échanges intercommunautaires franches si les tenants de ces projets d’intégration ne représentent que leurs ambitions personnelles. La cohésion sociale dans la société multiculturelle se trouve en danger car le dialogue se déroule en sens unique. Etant donné que désormais tout se sait comme dans la saga américaine dans le Golf il est peut-être temps de changer de pratique dans le secteur afin de rendre possible un vraie représentation des minorités étrangères au sein des structures et projets d’intégration, au risque d’approfondir encore plus la fracture intercommunautaire en Belgique.
Que les apprentis politiciens que sont les allochtones de service et leur commanditaires belges se ressaisissent et pensent au désaveux actuel de la planète entière face à ces pratiques et attitudes de domination. Eux seuls sont responsables de l’aggravation croissante des tensions intercommunautaires dans le monde. Leur attitude comme celle des EU fait le lit de la haine entre des populations qu’une simple et sincère écoute mutuelle peut pourtant aider à se comprendre et à vivre ensemble. Ils agissent comme ces leaders des pays arabes et musulmans qui soutiennent officiellement les EU dans leur croisade contre l’Irak tandis que leur populations n’arrivent pas à contenir leur rage contre Bush et son administration.
Si l’on souhaite rétablir la confiance entre allochtones et autochtones dans le débat de l’intégration en Belgique, il faut que les porte-paroles et représentants des diverses communautés d’allochtones soient aussi choisi démocratiquement par ceux qu’ils sont sensés représenter comme c’est le cas pour les autochtones. Au lieu de cela, ce sont des autochtones qui jusque là choisissent les représentants des allochtones, sachant que ceux-ci n’auront pas fini de les remercier pour les avoir choisi et faire travailler dans des bureaux. Leur diplômes et leur niveau de néerlandais ne sont généralement pas à la hauteur du post qu’on leur donne, leur boulot reste précaire et les oblige devant leur bienfaiteurs à adopter en toute circonstance le profile bas. On ne peut donc pas rêver d’une participation sincère des minorités ethniques dans la société multiculturelles tant que les vrais problèmes les concernant ne seront pas portés à la connaissance des détenteurs de la politique et des projets d’intégration. Ensuite il s’agira de trouver ensemble des vraies solutions aux problèmes qui font obstacle à l’émancipation des minorités actives en Belgique.