18 Mai: le sens d'une démarche

Depuis belles lurettes, je ne me fais aucune illusion sur la démocratie représentative en régime capitaliste et déplore ces « élections, piège à cons », cette pratique qui sépare, déresponsabilise et anesthésie les citoyens, qui s’érige en rempart contre toute émergence d’une prise en charge collective de notre avenir politique. Pourtant, je serai présent sur les listes sans avoir eu l’occasion de mener une campagne sérieuse (j’étais à Paris jusqu’au week-end dernier). C’est pourquoi, je me permets de vous adresser ce petit mot d’explication.

Tout d’abord, si je n’ai pas battu campagne en m’affichant partout, comme tant de candidat sorti d’une boite surprise quelques mois avant le grand jour du scrutin pour serrer des mains en veux-tu en voilà, ruisseler de sourires altruistes ou battants, et se disputer le monopole des grandes valeurs aussi générales que creuses, c’est que la politique ne se réduit pas à mes yeux à des techniques commerciales et que l’engagement n’est pas affaire de séduction mais d’implication concrète et de résistance quotidienne. L’agenda des urgences politiques ne dépend et ne se résume malheureusement nullement aux échéances électorales et exige une vigilance permanente.

Vu les changements auxquels j’aspire et les horreurs que je voudrais voir disparaître, il n’est vraiment pas de trop de s’activer dès à présent et chaque jour. Ceux qui me connaissent savent que les combats auxquels je participe n’ont pas attendu la dissolution des assemblées législatives pour s’imposer et ne nous autoriserons pas de répit après le 18 mai. Pour n’en citer que quelques uns : défense des étrangers, résistance aux délires sécuritaires et à la répression croissante des luttes politiques ou sociales, promotion de la réduction du temps de travail (répartition des tâches et des richesses), contestation des guerres impérialistes ou des opérations de police impériale, soutien aux luttes sociales (ou de classes), promotion d’une culture engagée et accessible à tous, défense de la pensée critique face à toutes les entreprises de lobotomisation, contribution à la reconstruction d’une gauche radicale et unifiée,…

On l’aura compris, de manière générale, derrière toutes ces luttes, il s’agit de combattre le capitalisme et sa logique de marchandisation de tout et de tous. Car c’est bien ce règne absolu du profit – renforcé par le culte du pouvoir – auquel doit se soumettre le politique, le social, l’humain, la nature, etc. qui cause tant de ravages. Etant donné que ce système d’exploitation se ramifie, s’adapte, et se perfectionne de manière à dominer toujours plus insidieusement la population, il importe aujourd’hui de le combattre sur tous les fronts, d’établir des convergences entre toutes les luttes et d’inventer de nouveaux angles d’attaque et moyens d’émancipation collective.

Depuis quelques années, c’est au sein du Parti Communiste de Bruxelles que je tente – non sans difficultés ou tensions fertiles – de reconstruire une structure unifiée de contestation populaire, en souvenir de ce que ce parti a pu représenter au cours de l’histoire pour les damnés de la terre. Engagement au parti qui ne m’empêche pas – bien au contraire – de militer au sein d’une multitude d’autres collectifs (Piments Rouges, RAGe, Secours Rouge, Mrax, etc.) puisqu’il est précisément question de nouer des liens nouveaux et fertiles entre les luttes afin de reconstruire des convergences réellement à gauche (anticapitalistes). C’est en ce sens que je serai candidat sur la liste n°23 RDS (Résistances pour la Démocratie et k Socialisme) initiée par le Parti Communiste et à laquelle se sont joints d’autres partis de la gauche radicale (POS, MAS, KP, Lutte Ouvrière) ainsi que de nombreux indépendants. Cette liste reflète, par là, diverses orientations du mouvement et se veut un laboratoire de la construction de la force qui manque à la gauche. Excepté quelques grands axes de base, cette liste ne propose pas de programme minutieux et exhaustif car d’une part, il serait illusoire de croire qu’on pourrait en appliquer le moindre petit point dans le système actuel (capitalisme et marchandage de coalition), d’autre part, tout reste à reconstruire ensemble, sur le terrain et dans les luttes réelles, pas en chambre ou en cabinet.

Le projet que représente cette liste en est encore à ses premiers pas. Il est bien trop tôt pour en espérer des résultats décisifs. A vrai dire, le scrutin du 18 mai importe peu dans la mesure où le rapport de forces dans le mouvement réel n’est pas encore suffisamment favorable au changement pour qu’un parti – même muni de score électoral honorable – puisse infléchir la tendance toujours plus libérale de la politique et de l’économie belge et européenne. Des élus de gauche ne pourront renverser la vapeur du TGV libéral tant qu’il ne seront pas en mesure de faire peser dans le débat politique le poids d’une grève général et d’une mobilisation de masse.

Les idées politiques qui m’animent (vers un communisme libertaire) s’avèrent irréalisables par le seul jeu de la démocratie parlementaire soumise à la dictature du marché et aux négociations préélectorales entre partis établis et garants du statu quo, système qui ne sert d’ailleurs qu’à perpétrer la même (non)politique (en témoigne le peu voire la nullité d’audience que reçoivent les listes divergentes). C’est pourquoi la liste RDS n’est qu’un début, ne pouvant que nous inciter à continuer le combat !

Tout en contestant la démocratie parlementaire, nous pouvons l’instrumentaliser (puisqu’elle ne se gêne jamais pour nous instrumentaliser) et profiter de la tribune exceptionnelle que reçoit la politique durant cette période pour participer au débat, l’orienter dans un autre sens, montrer d’autres possibles. Faisons de ce scrutin l’occasion de rassembler, de compter et de faire entendre les forces progressistes favorables à une émancipation qui se fera principalement en dehors du parlement (éventuellement avec des relais en son sein). Exprimons par nos voix accordées à cette liste que la politique se joue ailleurs, dans le mouvement social et non dans ces enceintes cadenassées par les compromissions de la partitocratie et la soumission aux « impératifs » du marché.

En votant pour nous, vous ne signerez pas de chèque en blanc mais vous exprimerez vos aspirations révolutionnaires. Soutenir Résistances pour la Démocratie et le Socialisme, c’est s’engager à redévelopper des pratiques collectives, à repolitiser chacun des citoyens et chacune des situations pour sortir de la culture de l’individualisme, du fatalisme et de l’apolitisme. Bref, c’est résister à la pensée unique, au nouvel ordre mondial qu’on voudrait nous faire passer pour inéluctable. Mieux que l’abstention qui laisse le libre jeu aux dominants, mieux que la colère qui se trompe de cible, le vote RDS est un vote de contestation autant que de construction. Si vous souhaitez encourager cette démarche, votre voix sera un premier pas, rejoignez-nous ensuite pour tous ceux qu’il nous restera à poser.

Bien que tout soit lié et qu’on ne puisse défaire un nœud sans détricoter tout le filet libéral et sécuritaire, les axes prioritaires sur lesquels je souhaite insister à l’occasion de ces élections et des prochaines luttes sont les suivants :

STOP à la division des damnés de la terre entre eux pour mieux régner (travailleurs, chômeurs, miniméxés, étrangers, illégaux,…) ;

STOP aux délires sécuritaires national et international ;

STOP à l’abrutissement (télé)culturel et à la politique prozac.

POUR en finir avec le fatalisme de la pensée inique, réapproprions-nous collectivement nos droits et libertés, les décisions politiques, les richesses sociales, le contrôle de l’économie et une culture critique, favorisant l’émancipation totale de tous.

Mathieu Bietlot, 18ème candidat sur la liste n°23 à la Chambre (arrondissement Bruxelles – Halles – Villevoorde).

arch/ive/ief (2000 - 2005)