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Deux cheminots sur la liste MARIA : Pour que la SNCB ne devienne pas une deuxième Sabena
by Tony Pirard Monday May 05, 2003 at 02:24 PM

La direction de la CSC tolère que l'ancien patron de la SNCP, Schouppe, fasse la publicité du CD&V à des réunions syndicales. La direction de la CGSP maintient, elle aussi, sa confiance dans les partis "démocratiques". Deux cheminots, Laurent Kumba et Ghislain Mignon, se présentent sur la liste Maria, qui, elle, défend réellement les services publics.

"Si le prochain gouvernement ne se décide pas à accorder de l'argent, je serai contraint à prendre des mesures draconiennes", écrit le patron de la SNCB Karel Vinck dans un message au prochain formateur.

Les mesures qu'il envisage sont les suivantes: 1° Suppression de tous les trains internationaux classiques, suppression de la ligne Eurostar Bruxelles-Londres. 2° 75% des trains locaux seront remplacés par des bus du TEC et De Lijn. 3° Les billets de train devront couvrir 50% des coûts de production (au lieu de 30% maintenant). Leur prix augmentera donc en moyenne de 20%. 4° Suppression de 13.000 emplois.

Les directions syndicales sont parfaitement au courant des mesures envisagées. Organisent-elles, en conséquence, la résistance sur le terrain? Au contraire, les syndicats appellent les cheminots à voter le 18 mai pour leur ancien patron Schouppe CD&V ou pour le PS!

La direction CSC des cheminots accepte que Schouppe fasse la propagande du CD&V à des réunion syndicales. Avec ses talents de démagogue, il peut venir exposer qu'il s'oppose soi-disant à la privatisation, à la division de la société et au démantèlement du statut du personnel! Rien que des mensonges. En effet, où le processus de privatisation a-t-il commencé? Chez ABX, il y a onze ans.

A cette époque, le service des colis appartenait encore à la SNCB. Il employait 3.000 cheminots nommés et le chemin de fer était encore leader du marché dans le secteur. Sous l'impulsion de Schouppe, le service ABX a été ouvert au privé. En dix ans, il est devenu une entreprise multinationale, active dans 37 pays et réalisant un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros. Résultat obtenu grâce au milliard d'euros que la SNCB a investi dans ABX sur ordre de Schouppe et au détriment de l'amélioration globale du service public rendu par le chemin de fer.

Pour le personnel, ABX est un cimetière social. Il y a onze ans, les travailleurs du service des colis ont été obligés d'apprendre un nouveau métier au sein de la SNCB, ce qui impliquait souvent de plus grands déplacements. Les 500 travailleurs restants ont dû abandonner treize jours de compensation (pour le travail du week-end) et accepter des horaires interrompus et des primes de production. Grâce à Schouppe, ABX Belgique ne compte plus que 70 statutaires et... des centaines de contractuels et d'intérimaires super flexibles. Depuis le début de cette année, ABX Belgique a été entièrement privatisée.

En 1998, lorsque la SNCB a été divisée en 22 unités, Schouppe présentait ABX comme l'exemple prometteur pour l'avenir de la société des chemins de fer...

Et on tolère qu'un tel menteur vienne nous affirmer qu'il est opposé à la privatisation! Comme si les cheminots ne savaient plus que sous sa direction la société a supprimé 17.000 emplois. Ce qui a pour résultat qu'à de nombreux endroits, les conditions de travail sont devenues insupportables et que les cheminots comptent un arriéré de 620.000 jours de congés.

En remerciement de ce travail de démolition, le dirigeant social-chrétien touche un salaire annuel, primes inclues, de 2,5 millions par an. Alors que les cheminots pensionnés doivent se contenter, après 40 ans de service, de 1.200 euros par mois.

Schouppe promet de sauvegarder le statut du personnel: encore une tromperie. Il y a quelques années, il déclarait lui-même que la sécurité d'emploi à la SNCB empêchait tout assainissement sérieux.

Les cheminots Mignon et Kumba: "nous allons mener la lutte nous-mêmes"

La direction de la CGSP n'appelle pas directement à voter pour le parti socialiste, mais ne présente pas pour autant une alternative. Lors d'une concentration qui se déroulait le 10 avril, les militants de Bruxelles, Charleroi et Centre ont exigé des actions immédiates. Damilot et consorts restent entièrement sourds à la demande de la base, tout en maintenant leur confiance dans les partis "démocratiques" qui "finiront bien par comprendre la nécessité d'un bon transport public".

"Les gens se méfient au même titre de la direction SNCB et de la direction syndicale. Ils sont terriblement déçus. Mais si nous voulons empêcher que la SNCB devienne une deuxième Sabena, nous devrons chercher et organiser nous-mêmes des formes d'action". C'est ce que disent Laurent Kumba et Ghislain Mignon, deux jeunes cheminots bruxellois qui participent aux élections sur la liste MARIA de l'ex-déléguée Sabena Maria Vindevoghel.

"Chez nous, personne n'a confiance dans le patron Karel Vinck", dit Mignon, sous-chef de la gare de Schaerbeek. "Cet homme vient du privé. A présent, il demande de l'argent du gouvernement, mais c'est pour son propre profit. Il vient de privatiser le transport des marchandises. De grands travaux ont commencé partout, alors qu'il n'y a pas d'argent. Beaucoup de ces travaux sont exécutés par des filiales de la SNCB. Les actionnaires principaux de ces sociétés sont en même temps de hauts cadres de la SNCB elle-même. Les travailleurs sont très déçus. Ils veulent que la SNCB reste une entreprise publique, que leur statut soit sauvegardé, ainsi que les 42.000 emplois. Mais le défaitisme est grand".

"C'est normal, ajoute Laurent Kumba, qui travaille dans le service infrastructure. Je connais des gars qui travaillent à la SNCB depuis 30 ans et qui ont toujours un contrat temporaire. Ils sont sous le stress, car en cas de suppression d'emplois ils seront les premières victimes. Les sociétés privées ne respectent pas les normes de sécurité tout en échappant elles-mêmes à tout contrôle. C'est ça la privatisation. Le privé applique ses propres tarifs et ses propres conditions de travail".

Pour Ghislain Mignon, le chemin de fer est "la seule alternative pour décongestionner les routes. Mais même les écolos ont accepté que le pouvoir public diminue ses subventions au chemin de fer. Il faut un redéveloppement des transports publics. C'est seulement possible si, effectivement, le pouvoir public investit des fonds, mais alors pas au détriment du contribuable. Il faut que ces fonds proviennent des bénéfices des entreprises privées qui profitent depuis si longtemps des cadeaux de l'Etat".

"La liste Maria est pour moi un excellent moyen pour organiser les gens", considère Laurent Kumba. "Si Maria arrive au parlement, elle pourra démasquer et dénoncer toutes les mesures de privatisation. Cela nous permettra d'organiser la lutte d'une manière plus efficace. Nous continuerons en tout cas, après les élections, à réunir les cheminots pour le maintien des services publics".