Pourquoi nous devons nous défaire du mythe des "guerres de libération" américain by Yvos Friday May 02, 2003 at 02:45 PM |
Dans le discours des intellectuels et personnalités pro-impérialistes, il est de bon ton pour faire taire les critiques de la politique étrangère états-unienne de constamment revenir avec l’argument implacable de la libération de 1944-45.
Dans le discours des intellectuels et personnalités pro-impérialistes, il est de bon ton pour faire taire les critiques de la politique étrangère états-unienne de constamment revenir avec l’argument implacable de la libération de 1944-45. Lors des grandes manifestations pacifistes de ces derniers mois, bon nombre de gens passaient outre l’argument, et s’attaquait résolument au problème de la politique étrangère américaine actuelle. En effet, la plupart des militants et citoyens trouvaient la chose un peu impertinente. Cependant, ce discours néo-conservateur est sans cesse répété dans les médias pour temporiser les ardeurs du mouvement pacifiste. Le texte qui va suivre a pour but de démonter cette argumentation. Je m’attaquerai donc d’abord aux faits qui se sont produits lors de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi dans les années 30 et juste après la guerre pour démontrer que la stratégie américaine ne s’axait nullement autour de la « guerre libératrice » mais autour de la protection du système capitaliste et de l’hégémonie des Etats-Unis dans le monde. « Grâce à eux, nous ne parlons pas Allemands aujourd’hui ! ». Les intellectuels bellicistes ou « pacifistes » modérés qui proclament cette phrase aussi réductrice qu’impertinente devraient déjà d’abord se poser une question toute simple, et en particulier les pacifistes : Pourquoi un pays décide-t-il de s’engager dans une guerre ? Dans son livre « Principes élémentaires de propagande de guerre », Anne Morelli démonte déjà de manière systématique, suivant le schéma de Lord Ponsonby, les raisons de l’entrée en guerre d’une Nation. Lorsque les Etats-Unis entrent en guerre fin 1941, après l’attaque de Pearl Harbour, c’est sur les mêmes motifs que lors de la Première guerre mondiale : la défense de la démocratie et des 4 libertés, liberté de culte, d’expression, libération du besoin et libération de la peur. Déjà en 1917, les Etats-Unis, après une solide campagne de propagande belliciste, décident d’engager 2 millions de soldats pour « venir au secours de la petite Belgique dont la neutralité a été honteusement violée ». On peut déjà être surpris de la pitié qu’ont les Etats-Unis pour un si petit pays comme le nôtre, aussi peu connu et aussi peu important. De la Belgique au Koweït, il n’y a, semble-t-il, qu’une continuité. Bref, lorsque les Etats-Unis entrent en guerre contre l’Axe, c’est pour défendre la démocratie dans le monde. Il n’est donc pas du tout nouveau que la propagande de guerre assimile les conflits à de nobles causes, justes, luttant pour le bien planétaire. Ces derniers mois, Georges Bush Junior lançait aussi à tort et à travers son terrible argument de la démocratie, la renforçant même d’un caractère sacré, en y incorporant à volonté les valeurs chrétiennes et en allant même jusqu’à prier dans des Eglises. Force est de constater que si la démocratie est aussi sacrée chez Bush que l’existence de Dieu, cet être tout puissant protégeant l’Amérique, il y a de quoi s’inquiéter. Nombre de cléricaux ont toujours soutenu les escapades guerrières des plus grands dirigeants (pas besoin de faire de rappel historique), démonisant les « hérétiques » et les « barbares ». Si la démocratie, celle que l’élite aime tellement arborer pour s’auto-légitimer fonctionne comme la religion, il serait bon pour les bellicistes et les pacifistes modérés de s’interroger sur les raisons de l’entrée en guerre des Etats-Unis. La propagande de guerre est un pan particulièrement violent du terrorisme intellectuel. Ceux qui ne la soutiennent pas sont des traîtres. Et gare à la « Cinquième Colonne » se trouvant en territoire ennemi ! Ou même aux minorités essayant de survivre dans le système ultra-capitaliste américain. Durant la Seconde Guerre Mondiale, une hystérie anti-japonaise éclata au sein du gouvernement. Un membre du Congrès déclara même : « Je suis pour que l’on se saisisse de tous les Japonais en Amérique, de l’Alaska à Hawaii, et qu’on les mette dans des camps de concentration ! Qu’ils aillent au diable ! Qu’on s’en débarasse ! ». Franklin D. Roosevelt ne partageait pas cette hystérie, mais il signa tranquillement le décret éxécutif 9066, en février 1942, donnant à l’armée le pouvoir d’arrêter sans mandat, convocation, ou même investigation, tous les Américains d’origine japonaise de la côte Ouest – 110.000 hommes, femmes et enfants -, de les expulser chez eux, de les regrouper dans des camps au plus profond des Etats-Unis et de les garder là dans des conditions de captivité. Les ¾ d’entre eux étaient des nisei, c’est-à-dire que, nés sur le sol américain de parents japonaix, ils étaient en conséquence citoyens américains. Les autres – les isei -, étant nés au Japon, ne pouvaient devenir citoyens des Etats-Unis. En 1944, la Cour Suprême justifia cette opération armée par les exigences de la guerre. Les Japonais restèrent dans ces camps un peu plus de 3 ans. Ne pouvait-on pas s’attendre à de telles pratiques de la part d’une nation qui possédait une longue expérience du racisme et qui avait surtout combattu pour préserver les fondements mêmes du système américain ? Par rapport à la situation en Europe, le destin des Juifs – que beaucoup pensaient être au cœur de cette guerre contre les forces de l’Axe – n’était pas ce qui préoccupait le plus Roosevelt. L’enquête de Henry Feingold, The Politics of Rescue, montre que Roosevelt, au moment même où les Juifs étaient enfermés dans les camps et que commençait le processus qui allait aboutir à l’abominable extermination de Juifs et non-Juifs, ne prit pas les mesures qui auraient permis de sauver des milliers de vies humaines. Il ne considérait pas qu’il s’agissait là d’une priorité. Il confia la question au Département d’Etat, dont la froide bureaucratie et l’antisémitisme firent obstacle à l’action. En outre, faisait-on réellement la guerre pour démontrer que Hitler se trompait quant à la supériorité de la « race » aryenne sur les races inférieures ? Dans les forces armées américaines, les Blancs et les Noirs restaient séparés. Lorsque, au début de 1945, les troupes furent embarquées sur le Queen Mary pour aller combattre sur le sol européen, les soldats noirs prirent place dans les profondeurs du navire à côté de la salle des machines, aussi loin que possible de l’air frais du pont, dans une sorte d’étrange remake des transports d’esclaves d’autrefois. En remontant de quelques années, et en analysant les réactions américaines face à la montée du nazisme et du fascisme en Europe, on observe aussi de curieuses réactions. Les Etats-Unis s’étaient faiblement opposés aux politiques de persécution menées par Hitler. Tout au long des années 1930, ils s’étaient joints à l’Angleterre et à la France dans leur tentative d’amadouer Hitler. Roosevelt et Corder Hull, son secrétaire d’Etat, hésitaient à critiquer publiquement la politique antisémite du dictateur allemand. Selon Arnold Offner (American Appeasement), quand, en janvier 1934, une résolution fut examinée pour demander au Sénat et au président américain d’exprimer leur « surprise et leur mécontentement” devant le sort que les Allemands réservaient aux Juifs et d’exiger la restauration des Juifs dans leurs droits, le département d’Etat « s’arrangea pour que cette résolution se perde dans les méandres d’un comité quelconque ». Lorsque Mussolini envahit l’Ethiopie en 1935, les Etats-Unis décrétèrent un embargo sur les armes. Les entreprises purent cependant continuer de livrer du pétrole en énorme quantité – pétrole sans lequel l’Italie n’aurait pas pu mener sa guerre. Lorsqu’éclata en Espagne, en 1936, une rébellion fasciste contre le gouvernement social-libéral élu démocratiquement, l’administration Roosevelt fit voter une loi de neutralité qui eut pour effet de supprimer les aides au gouvernement espagnol alors que Hitler et Mussolini apportaient un soutien militaire décisif à Franco. Offner constate également que « les Etats-Unis restaient bien en deçà de ce que leur propre législation sur la neutralité leur imposait. Le soutien de Hitler à Franco n’ayant été fermement assuré qu’à partir de novembre 1936, les républicains espagnols auraient pu l’emporter sir les Etats-Unis, l’Angleterre et la France leur avaient apporté leur aide. Au lieu de cela, l’Allemagne tira tous les bénéfices possibles de la guerre civile espagnol ». Probablement que, durant les années 30, les démocraties libérales étaient plus soucieuses de protéger leurs intérêts, et donc de laisser monter le nazisme, plutôt que de favoriser la montée de mouvement révolutionnaires, comme ce fut le cas en Espagne. Pour en revenir aux mobiles réels de l’entrée en guerre aux Etats-Unis, il est important de d’abord retracer brièvement le contexte géopolitique dessiné en Extrême-Orient par les puissances dominantes et impérialistes. Lors de l’entre-deux-guerres, l’attention se focalise essentiellement sur la Chine, dont l’Empire millénaire est en totale décomposition. A cette époque, et ce dans une dynamique inverse, le Japon était en pleine expansion, résultant de l’ère Meiji. Le pays contrôlait des territoires bien extérieurs à l’archipel et les Japonais s’étaient confortablement installés en Chine. A ce moment, le Japon ne gênait absolument pas les Etats-Unis dans leur conquête de marchés. Il existe même des notes américaines échangées avec le Japon en 1917 qui déclarent que « les Etats-Unis reconnaissent les intérêts spécifiques du Japon en Chine ». En 1928, si l’on en croit Akira Iriye (After Imperialism), les consuls américains en Chine accueillirent positivement l’arrivée de troupes japonaises. Les Etats-Unis commencèrent à s’inquiéter lorsque le Japon se mit à menacer les marchés potentiels américains en Chine par sa tentative d’annexion totale de la Chine et surtout par son implantation dans le Sud-Est Asiatique. A l’été 1941, les Américains mirent en place des embargos stricts sur le fer et sur le pétrole, mesures qui provoquèrent finalement l’attaque japonaise sur Pearl Harbour. Pearl Harbour fut présenté à l’opinion publique comme un acte soudain, surprenant et immoral. Immoral comme tout bombardement, cet acte n’était en revanche ni soudain ni surprenant pour le gouvernement américain. Bruce Russet (No Clear and Present Danger) affirme que “l’agression japonaise contre la base navale américaine venait couronner une longue série d’agressions mutuelles entre le Japon et les Etats-Unis. En se lançant dans une politique de rétorsion économique contre le Japon, les Etats-Unis agissaient d’une manière que l’on considérait, même à Washington, comme comportant de sérieux risques de guerre ». L’un des juges du procès pour crimes de guerre qui se tint à Tokyo après la Seconde Guerre Mondiale, Radhabinod Pal, s’éleva contre l’ensemble des verdicts rendus à l’encontre des responsables japonais. Il affirmait que les Etats-Unis avaient à l’évidence provoqué la guerre avec le Japon et qu’ils avaient espéré que le Japon réagirait. Richard Minear (Victor’s Justice) résume le point de vue de Pal à propos des embargos sur le fer et le pétrole : il affirmait que « ces mesures constituaient une menace claire et réelle pour l’existence même du Japon ». Les archives montrent qu’une réunion à la Maison-Blanche, 2 semaines avant Pearl Harbour, anticipait une guerre et s’interrogeait sur les moyens de la justifier. Un rapport du Département d’Etat sur l’expansion japonaise, un an avant Pearl Harbour, n’évoquait nullement l’indépendance de la Chine ou le principe d’auto-détermination chère au président Woodrow Wilson (et proclamé seulement une vingtaine d’années avant les faits), mais affirmait en revanche : « Nos positions stratégiques et politiques globales seraient considérablement affaiblies par la perte des marchés chinois, indien et du Sud-Est Asiatique. Elles seraient également affaiblies par toute atteinte irrémédiable à nos capacités d’accès à des ressources comme le caoutchouc, le fer, la jute et autres matières premières vitales des régions asiatiques et pacifiques. » Peut-être faut-il aussi parler de la situation en Europe. En effet, même si les Etats-Unis s’étaient sentis « agressés » par le Japon en premier lieu, la politique de la porte ouverte prônée par les Etats-Unis était aussi considérablement menacée en Europe par l’extension des puissances allemandes et italiennes. Avant de parler de la fin de la guerre et du contexte de laminement de la résistance organisée par des milices communistes, il est bon de rappeller que les avances allemandes, l’une par l’Est et le Caucase, l’autre par le Sud et le désert Egyptien constituaient des menaces pour l’accès au pétrole du Moyen-Orient. Pour l’Administration américaine, il était donc impératif d’intervenir aussi en Europe, non pas pour sauver les Juifs et tous les peuples opprimés par le nazisme et le fascisme, mais pour garantir la pérénité de la porte ouverte dans les régions stratégiquement et économiquement importantes. Discrètement, sans faire l’objet des unes de la presse, les diplomates et les hommes d’affaires américains suaient sang et eau pour s’assurer que la puissance économique américaine, une fois la guerre finie, n’aurait plus de rivale à l’échelle du monde. Le commerce américain devait investir des zones jusque-là dominées par les seuls Anglais. La politique de la porte ouverte et de l’accès équilibré aux marchés étrangers devait s’appliquer de l’Asie à l’Europe. En fait, les Américains avaient l’intention de mettre les Anglais hors jeu et de prendre leur place. C’est ce qui arriva au Moyen-Orient et à son pétrole. En août 1945, un responsable du département d’Etat déclarait : « Un tour d’horizon de l’historie diplomatique des 35 dernières années apporte la preuve que le pétrole a joué un rôle plus important dans les affaires extérieures américaines que toute autre matière première. » L’Arabie Saoudite était la plus grande réserve de pétrole du Moyen-Orient. Par l’intermédiaire du secrétaire à l’Intérieur américain, Harold Ickes, le pétrolier ARAMCO avait convaincu Roosevelt d’accorder un prêt-bail à l’Arabie Saoudite, établissant ainsi des intérêts américains dans ce pays. En 1944, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis signèrent un acte pétrolier, s’accordant sur le « principe d’un accès égal ». Selon Lloyd Gardner (Economic Aspects of New Deal Diplomacy), “la politique de la porte ouverte avait finalement triomphé dans tout le Moyen-Orient”. L’historien Gabriel Kolko (The Politics of War) conclut pour sa part que “l’objectif économique de l’Amérique en guerre était de sauver le capitalisme à l’intérieur come à l’extérieur de ses frontiers”. En avril 1944, un responsable du Département d’Etat déclara : « Comme vous le savez sans doute, nous prévoyons une gigantesque augmentation de la production américaine après la guerre que le marché domestique américain ne pourra pas absorber indéfiniment. De toute évidence, accroître nos marchés deviendra une nécessité ». Pour terminer sur cette première partie, il serait peut-être bon de rappeller certaines pratiques militaires américaines à la fin de la guerre et durant la période qui l’a juste suivie. La démarche adoptée après la guerre, consistant à marginaliser et, si nécessaire, à détruire la résistance anti-fasciste, souvent à l’avantage de sympathisants et de collaborateurs fascistes, fut aussi systématique que répandue géographiquement. Mais, comme il fallait s’y attendre, l’histoire aseptisée ne contient pas de chapitre consacré à cette campagne mondiale, bien que l’on puisse en découvrir les détails dans les études spécialisées se rapportant à l’un ou l’autre pays. Lorsque les faits sont dûment constatés pour un pays déterminé, cette politique est alors généralement décrite comme étant une erreur dû à l’ignorance ou à la naïveté des dirigeants américains, ou à la confusion régnant après-guerre. Un des volets de ce projet fut le recrutement de criminels nazis, tels Reinhard Gehlen, qui avait dirigé les services de renseignement nazis sur le Front de l’Est et à qui les mêmes responsabilités furent confiées dans le cadre du nouvel Etat d’Allemagne de l’Ouest, sous l’étroite surveillance de la CIA, ou Klaus Barbie, responsable de nombreux crimes en France, à qui l’on confia la tâche d’espionner les Français pour les services de renseignement américains. Les raisons en furent clairement exprimées par le supérieur de Barbie, le colonel Eugène Kolb, qui nota que « ses talents étaient indispensables. A notre connaissance, ses activités étaient dirigées contre le Parti Communiste Français clandestin et la résistance, de même que nous étions dans la période de l’après-guerre, concernés par le Parti Communiste Allemand ». Le commentaire de Kolb est tout à fait correct. Les Etats-Unis ont pris la relève là où les nazis avaient abandonné, et il était, par conséquent tout à fait naturel qu’ils emploient des spécialistes de l’activité anti-résistante. Plus tard, lorsqu’il s’avéra impossible de les protéger contre les représailles en Europe, nombre de ces précieux personnages furent transférés vers les Etats-Unis ou l’Amérique Latine, avec l’aide du Vatican et de prêtres fascistes. Beaucoup d’entre eux ont, depuis, été actifs dans le terrorisme, les coups d’Etat, le trafic d’armes et de drogue, l’entraînement de l’appareil d’Etat nationaux sécuritaires appuyés par les Etats-Unis, dans des méthodes de torture imaginées par la Gestapo, et ainsi de suite. Toujours dans le cadre de l’après-guerre en Europe, les Américains ont développé le réseau Gladio, via la CIA, réseau qui avait pour but d’espionner, de subvertir, détruire et assassiner tous les militants Européens peu enclin à voir s’imposer sur le continent l’Empire Américain. Le pays à avoir été le plus touché par ce réseau est l’Italie. Le premier gouvernement De Gasperi, l'un des gouvernements provisoires d'unité nationale qui se suivirent avant la proclamation de la République, s'empressa en juin 1946, sous la pression américaine, de décréter une loi d'amnistie qui eut comme conséquence de libérer tous les fascistes qui avaient échappé à la Résistance en trouvant provisoirement refuge dans les prisons du futur Etat démocrate-chrétien. En effet, ce nouveau parti-régime qui a gouverné le pays pendant 50 ans est encore de nos jours au pouvoir. Il contrôle directement le ministère de la Défense, et est arrivé à placer certains de ses alliés notoires (provenant des succursales "laïques" et anticommunistes, du parti libéral et républicain) à la direction du ministère des Affaires Etrangères et de l'Intérieur dans le gouvernement de compromis historique avec l'ex-PCI, aujourd'hui DS. Et, le président imposé à la Commission européenne n'est autre que Romano Prodi, démocrate-chrétien de toujours. La Démocratie chrétienne italienne a pu aussi, avec l'encouragement des services américains, recycler impunément dans ses rangs des armées entières d'anciens fascistes et cela pour servir la nouvelle République "née de la Résistance". Le ministre de l'Intérieur de ce même gouvernement De Gasperi, Giuseppe Romita, explique dans ses mémoires comment il a structuré la police de la nouvelle République: "La police italienne est un peu ma créature. Je peux dire d'avoir donné vie à l'organisation de ce qui est devenu notre police. En décembre 1945 j'ai dû me mettre au travail dans des conditions dramatiques..." Avec quelles forces? "J'ai réintégré dans les services tous les fonctionnaires" qui venaient de l'ancien régime mussolinien! Finalement, le meilleur argument que l’on pourrait donner aux bellicistes et aux pacifistes modérés pour contrer la pensée impérialiste, c’est cette fameuse déclaration de Harry Truman, vice-président des Etats-Unis sous Roosevelt, parue dans le New York Times du 24 juin 1941, 2 jours après le début de l’invasion de l’URSS par les nazis : « Si nous voyons que les Russes vont gagner, nous allons aider l’Allemagne nazie. Si l’Allemagne gagne, nous aiderons les Russes. Mais pour l’instant, laissez-les le plus possible s’entretuer ! ». Finalement, peut-être que les Etats-Unis ont débarqué en Normandie pour contre l’avancée inexorable de l’URSS, et peut-être que les USA espéraient secrètement que l’Allemagne allait se relever pour pouvoir combattre à deux le communisme. Les mobiles de la guerre, au vu des faits avérés et non-relevés par la propagande officielle que les innombrables déclarations semblent être bien loin de la défense de la démocratie. Pour en revenir à ce qui a été dit au début, l’engagement dans une guerre a toujours été motivé par des intérêts économiques et politiques, surtout dans un pays où la porte ouverte et le capitalisme sont devenues des « valeurs » incontestables. Il est donc important pour le mouvement altermondialiste contemporain d’avoir une analyse objective du déroulement des guerres où les mobiles avancés ont été ceux de la libération et de l’auto-détermination. Le livre d’Anne Morelli met suffisamment en exergue les mille et une hypocrisies des dirigeants bellicistes proclamant leurs nobles intentions. Il en resort qu’à aucun moment de l’histoire de l’humanité, les guerres, et certainement pas la Seconde Guerre Mondiale, n’ont été des guerres de libération. Peut-être est-ce vrai pour la résistance européenne face au nazisme et au fascisme, mais la récupération du mouvement orchestrée par les puissances impérialistes, pour être ensuite laminées par les SS recrutés, n’était rien de bon. A ce sujet, un documentaire anglais montrait les prisonniers des camps de concentration en train de s’organiser grâce à l’idéalisme communiste de certains prisonniers. Ceux-ci s’étaient parfaitement libérés tout seuls du joug nazi, provoquant un début de guérilla dans certaines localités d’Europe Centrale. Le documentaire se termine par l’arrivée des troupes américaines menaçant d’extermination les ex-prisonniers, si ceux-ci ne déposaient pas les armes. Il semble donc que le mot libération ne signifie pas la même chose, que l’on soit dans le camp du peuple ou dans le camp des impérialistes. Peut-être que pour ces derniers, le mot libération avec libéralisation et donc, porte ouverte.