arch/ive/ief (2000 - 2005)

Irak-Vietnam: - Leçons d'une résistance victorieuse
by Antoine Hermant Friday April 11, 2003 at 01:39 PM
iybvietnam@hotmail.com

La résistance tenace de l'Irak face aux Etats-Unis renvoie immanquablement à la guerre du Vietnam: comment ce petit pays a-t-il pu vaincre la première puissance du monde? Le secret: la guerre populaire.

La police ouvre le feu: 67 balles tirées, 4 étudiants assassinés. Dont Sandy Sheuer, jeune étudiante qui se trouve à plus de 130 mètres des tireurs. Nous sommes le 4 mai 1970 à l'université de Kent, lors d'une manifestation contre la guerre du Vietnam1. C'est à cette époque que naissent les premières grèves générales des cours dans toutes les universités des Etats-Unis. Malgré la répression sanglante, ces soulèvements universitaires ne cessent de prendre de l'ampleur. Si ce jour-là quatre personnes sont assassinées aux USA, des centaines de résistants civils ou armés le sont en même temps au Vietnam.
La résistance populaire armée des Vietnamiens et la mobilisation politique dans le monde entier auront raison de l'occupation militaire US entamée en 1965. Washington va fait revenir ses soldats petit à petit jusqu'à ce que, le 29 mars 1973, il n'y en ait plus aucun. La guerre populaire aboutit à une victoire totale avec la libération de Saigon le 30 avril 1975.

Une triple lutte: militaire, économique, politique

Quelles leçons tirer des événements qui se sont produits pendant la guerre du Vietnam? Quels points communs avec la nouvelle entreprise des hordes barbares américaines en Irak?
Les tacticiens vietnamiens expliquent que la résistance face à l'envahisseur a dû se lancer dans trois types de luttes: militaire, économique et politique. L'organisation de chaque bataille était minutieusement préparée par la population de l'endroit et planifiée au niveau central par le Parti communiste vietnamien.
La guerre économique a consisté à saboter les arrières, les ressources de l'ennemi, mais aussi à lui appliquer un blocus économique, à attaquer ses ravitaillements. La guerre politique s'est menée par la mobilisation, l'organisation de toute la population, autant à la ville qu'à la campagne, par la dénonciation de la propagande de l'ennemi afin de l'affaiblir partout où cela était possible.
Sur le plan militaire, comment un peuple armé de bâtons et de kalachnikovs a-t-il pu battre la plus forte et moderne armée du monde? Parce que c'est bien sur le terrain que s'est jouée la victoire vietnamienne. La principale caractéristique de l'armée vietnamienne, c'est son caractère populaire, son lien indestructible avec la population de tout le pays.
La technique principale a été de combattre l'ennemi n'importe où, et avec n'importe quelles armes, à mener une lutte dispersée, par des opérations de guérilla. Mais tout en le faisant, les communistes mobilisaient et organisaient la population à mener des luttes qui pouvaient revêtir les formes les plus diverses. Plus large était la participation de la population à la guerre, plus variées étaient ses formes de lutte.2
Celles-ci avaient pour but de rendre la tactique de l'ennemi sans issue, de casser le moral de ses troupes pour les mettre dans un état d'infériorité psychologique. Cette technique a mené inéluctablement à l'éparpillement des forces ennemies, ce qui les a contraints à mener une guerre longue et coûteuse.

Dans les tunnels de Cu Chi

L'exemple des tunnels de Cu Chi montre comment l'organisation et la détermination de la population à venir à bout de la guerre a été décisive pour la victoire vietnamienne. Depuis la résistance contre la colonie française, les Vietnamiens ont creusé un immense réseau de galeries, d'une longueur totale de 300 kilomètres. Au milieu des années 60, ce réseau allait de Saigon, la capitale du Sud-Vietnam aux mains des USA, jusqu'à la frontière du Cambodge (province de Tay Ninh).
Ces tunnels, on y vivait, on y trouvait des entrepôts, des fabriques d'armes, des hôpitaux, des quartiers généraux... C'est grâce à cela que la résistance a pu maintenir des zones libérées aux portes de Saigon pendant quasiment toute la guerre, alors qu'en surface, la nature avait été transformée en désert par les bombardements chimiques. C'est par cette voie que sont passées les armes qui ont permis de lancer de grandes offensives, depuis la piste Hô Chi Minh (sentiers par lesquels était acheminé le ravitaillement des résistants au sud du pays) jusqu'à Saigon. Cette zone est la région ayant reçu le plus grand tonnage de bombes, de gaz, de défoliants. Avant de rentrer à leur base, les pilotes de bombardiers étaient invités à y déverser les explosifs et le napalm qu'ils n'avaient pas employés.3
Aujourd'hui, le Vietnam défend farouchement la population irakienne contre l'impérialisme américain. Des milliers de jeunes ont manifesté dans les villes du pays. Un pays qui, le 16 mars, quatre jours avant l'assaut contre l'Irak, commémorait les 35 ans du massacre de My Lai, où 504 civils (majoritairement des femmes et des enfants) ont été massacrés à l'arme automatique par un régiment de l'américaine.
1 http://alancanfora.com/index.asp# · 2 Cinq leçons d'une grande victoire, Hanoi, Edition en langues étrangères, 1967. · 3 John Penygate & Tom Mangold, Les Tunnels de CuChi, Albin Michel

Voyage au coeur de la résistance vietnamienne

L'année dernière, le Mouvement de Jeunes du PTB a organisé un voyage au Vietnam avec 92 personnes. Elles ont travaillé pendant une semaine sur la route Hô Chi Minh, qui suit le tracé de la piste par laquelle était acheminé le ravitaillement des résistants au sud du pays. Cette année, un nouveau voyage est organisé: les participants iront au terminus de cette route, dans la province de Tay Ninh, près de Hô Chi Minh-ville. Cette province est dans le cur historique de la résistance, là où l'impérialisme s'est enfui, les jambes à son cou. Si vous venez cet été, vous pourrez rencontrer les vétérans «Viet Cong» et développer un centre pour enfants victimes des armes chimiques US. Quelles sont les leçons à tirer de la guerre du Vietnam? C'est la question à laquelle les participants tenteront de répondre en détail durant ce voyage.
· Quand: du 12 juillet au 3 août 2003.
· Où: Tay Ninh, Vietnam.
· Combien: 1.500 euros, acompte de 250 euros à payer pour que l'inscription soit valable. Attention, le nombre de places est limité!
· Qui: des jeunes de Belgique et d'ailleurs.
· Pour quoi faire: travailler à un «Peace Village», centre pour enfants handicapés nés de parents vétérans de la guerre, touchés par les armes chimiques américaines et découvrir pendant 3 semaines la population, la résistance et la nature formidable du sud du Vietnam.
· Soutien: 000-1838630-92, Vietnam 2003.
· Inscriptions et infos: iybvietnam@hotmail.com, 0486/73.64.90 (Antoine).
· Website: http://iybvietnam.free.fr.
· Rencontre infos: samedi 19 avril, 14-18h, rencontre pour toutes les personnes intéressées par le voyage et le Vietnam. Au Centre International, Bd M. Lemonnier 171, 1000 Bruxelles.

Bilan provisoire de la "victoire" impériale
by Juan Domingo Friday April 11, 2003 at 02:11 PM
juandomingo@skynet.be

Je partage l' émotion de millions de personnes dans le monde arabe et (heureusement) ailleurs aussi face aux derniers évènements en Irak. La résistance des Irakiens face à la machine de guerre américaine n'en a
pas moins été héroïque et admirable. Cependant, elle présentait une faiblesse essentielle: la dictature de Saddam. On a pu affirmer que les irakiens préféraient la dictature fascisante de Saddam à une occupation étrangère. Si le régime baassiste avait pu défendre le pays, cela serait toujours vrai aujourd'hui. Il n'a pas pu le faire
et ce n'est pas un hasard. Il y a d'abord la faiblesse militaire face à un pays qui représente à lui seul la moitié de la dépense mondiale en armement. Mais il y a surtout un problème qui est d'ordre politique et éthique: le manque de liberté. Machiavel affirmait que
pour qu'un prince étranger s'empare d'un pays régi par le
gouvernement populaire (la démocratie), il faut qu'il liquide la totalité de la population, puisque dans un tel pays le pouvoir souverain est partout, dans chacun des membres de la population.
C'était bien le cas au Vietnam où l'immense majorité du peuple luttait pour la libération du pays et pour sa transformation socialiste. Malgré les massacres, les Américains ont été vaincus par une force morale et politique supérieure.

Malheureusement, il manquait en Irak un Vo Nguyen Giap et surtout une unité inébranlable entre le peuple et l'armée. L'armée irakienne, l'Etat irakien n'étaient nullement populaires: c'étaient les instruments d'un régime dictatorial. Leur destruction a entièrement
démobilisé la résistance contre l'envahisseur. C'est aujourd'hui qu'une véritable résistance populaire, libre désormais du régime baassiste peut commencer à se développer. Elle commence d'ailleurs à se rendre visible par des actions de guérilla contre l'occupant. Elle
pourra se transformer dans les prochains mois en une Intifada à très grande échelle qui sera, elle, en mesure de balayer les occupants. Il est plus facile, en effet, de liquider l'armée d'une dictature que la résistance de tout un peuple.

Nous devons défendre la démocratie en Irak et partout alors même que la guerre globale permanente essaie de la liquider. Pas la "démocratie" que les américains veulent imposer, mais celle que le peuple irakien et les autres peuples du monde serons capables de constituer à travers notre résistance et notre création de nouvelles
réalités politiques et sociales en rupture avec le capitalisme et en étroite liaison avec notre vie et nos désirs.

La résistance farouche et quotidienne du peuple palestinien face à une très longue et cruelle occupation était jusqu'à aujourd'hui un fait isolé dans le monde arabe: désormais, un nouveau foyer de résistance se développe sous nos yeux. Espérons qu'il chassera les occupants américains de l'Irak, mais aussi les autres régimes qui maintiennent les peuples arabes sous le joug néocolonial qui, avec Israël, forment un système d'oppression néocoloniale unifié.

Je ne crois pas que la défaite du régime de Saddam doive être une cause de tristesse pour le mouvement anticapitaliste mondial, malgré les espoirs que bien des irakiens avaient mis dans la capacité du Baath d'organiser la résistance à l'envahisseur. La lutte contre
l'occupation de l'Irak et contre la transformation du monde en marchandise au moyen de la guerre continue. Et nous sommes de plus en plus forts.

Amicalement

Juan Domingo