Débarquement non en Normandie, mais en Palestine by John Brown Sunday April 06, 2003 at 12:06 PM |
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Ils rêvaient d'un débarquement en Normandie, mais ils ont débarqué en Palestine. Parce que l'Irak, privé du plus essentiel, où la vie civique, le développement économique étaient autrefois une réalité et aujourd'hui seulement un souvenir, n'est rien d'autre qu'une gigantesque Palestine.
Débarquement non en Normandie mais en Palestine
John Brown
« Ultimi barbarorum » (Spinoza)
La grande surprise qu' avaient prévue les iraquiens pour accueillir les envahisseurs n'a pas été des enfants faisant flotter des petits drapeaux américains au passage des chars, ni la reddition en masse des armées iraquiennes face à l'impressionnant pouvoir de l'empire. Cela s'est ce que Bush et sa junte politico-militaire espérait, du moins selon sa propre propagande : une réédition du débarquement en Normandie, après lequel les américains furent
accueillis en libérateurs. La réalité a été différente. Aprés des années de mortelles sanctions et de mépris raciste envers le peuple d'Irak et les autres peuples arabes, après la mort de plus d'un million de personnes
comme effet direct de la privation d'aliments et médicaments de base, après avoir expérimenté dans leur propre chair le sort que subissent leur frères
de Palestine sous l'occupation israélienne, les gens ordinaires, les femmes au foyer, les enfants, les pères de famille, les bédouins, les travailleurs et les sans emplois ont pris les armes et résistent férocement contre les
anglo-américains. Ils rêvaient d'un débarquement en Normandie, mais ils ont débarqué en Palestine. Parce que ce pays, privé du plus essentiel, où la vie civique, le développement économique étaient autrefois une réalité et
aujourd'hui seulement un souvenir, n'est rien d'autre qu'une gigantesque Palestine.
Le niveau de barbarie des sanctions explique la résistance. Pas la dictature de Saddam ni le fanatisme religieux. Il y a encore douze ans, d'importantes minorités ethniques et religieuses se rebellèrent contre Saddam et furent
trahies par les américains et la sinistre "communauté internationale" qui ont permis au régime baasiste de réprimer les révoltes. Les Etats Unis ont alors perdu une occasion politique qu'ils ne retrouveront pas. Depuis ce
moment, les ennemis les plus âpres de Saddam et de son régime fasciste se sont vus soumis aux sanctions : ils ont souffert de maladies qui pouvaient être évitées et ont enduré la mort d'enfants délibérément provoquée, de la
faim et d'intoxication provoquées par manque de chlore pour désinfecter l'eau. Des hôpitaux remplis de malades du cancer provoque par l'uranium appauvri des bombardements, une population soumise a une misère indescriptible : tout cela était un coût que Madeleine Allbright et les
gouvernements de Clinton étaient prêts a payer pour punir Saddam. Les iraquiens ne l'ont pas vu ainsi. Pour eux, le calcul des coûts a changé : ils sont même maintenant prêts a aider Saddam face a la barbarie, les nouveaux mongols qui aujourd'hui, comme en 1258, envahissent l'Irak pour
piller le pays.
Il n'y a aucun fanatisme dans les résistances iraquiennes, aucun héroïsme, aucun idéalisme. Ce n'est pas le fascisme du Baas qui les fait bouger, pas plus que l'islamisme dans un pays qui, malgré tout, continue à être un des
plus laïcisé du monde arabe. Ce qui les pousse à résister, ce n'est pas non plus la simple peur de la mort. Il y a certainement une fierté en eux, mais cette fierté est le minimum d'affirmation dans l'existence des corps blessés
et malades des enfants et adultes. La fierté qui peut se maintenir quand tout est perdu, la terrible fierté d'être en vie et de lutter contre la mort. Ce qu ils veulent éviter a tout prix c'est sa palestinisation : que l'
Irak se convertisse en un immense camp de réfugies contrôlé par des armées étrangères. Pour cela, ils ont commencé une Intifada préventive en utilisant les moyens dont disposait encore l' Etat Iraquien: tanks, canons, kalashnikov. Pour le moment ils ont encore ces armes explosives et ils les utilisent, ils n'ont donc pas encore à ceinturer de dynamite leur propre corps comme la résistance palestinienne.
Une Intifada, une insurrection populaire en plus d'une guerre de libération. La réaction de la vie meurtrie des irakiens contre une agression mortelle et l'horizon qui apparaît comme réalité politique du projet de
"libération"anglo-américaine, seront une géographie connue : Ramallah, Naplouse, Hebron, Jenine.
Qu'importe dans ces circonstances que Saddam quitte l'Irak ! La seule chose importante est de sauver la vie iraquienne, la vie de l Irak comme communauté politique qui rejette sa normalisation exogène. Le combats des
iraquiens est un combat biopolitique, une lutte pour la vie face au racisme qui prétend la réduire et soumettre à sa normalité. Ce n'est rien d'autre que du racisme cette volonté d' « installer la démocratie » et de "faire de
l'Irak un participant normal de la communauté internationale"grâce a une agression qui bafoue toutes les normes du droits des personnes.
Les américains ont décide aujourd' hui d' envoyer au front 120 000 soldats supplémentaire. C est peu. Une fois qu' un peuple a compris que se joue sa vie, l existence politique, sous le pouvoir barbare de l'empire, rien ne peut y faire : politiquement et moralement, il est déjà vaincu. La
résistance sera féroce et l empire devra provoquer un massacre pour occuper le pays. Dans le meilleur des cas pour les américains et ses allies (sont inclus les « pacifistes » français et allemands), ils pourront vaincre l
armée avec une relative rapidité, même entrer dans Bagdad, mais ils ne rentreront pas comme libérateurs, mais comme des barbares occupants. Pour eux, l'homme ne peut éviter ce que José Rizal appellera « le démon des comparaisons », les anglo-américains seront les nazis et Saddam, mort ou
vif, sera De Gaulle. L occupation de l'Irak, si elle vient a se produire, se convertira en un large cauchemar de guérilla urbaine et de sabotages envers les nouveaux mongols. C'est tout le meilleur que je peux leur souhaiter.
Dommage by Theo Sunday April 06, 2003 at 12:47 PM |
Dommage qu'une telle volubilité n'a pas été employée dans les années 70, 80 et 90, lors de l'extermination des opposants au regime, l'attaque de l'Iran, le gazage des kurdes, l'invasion du Kuweit et j'en passe.
Peut-être que cela aurait pu éviter la situation actuèlle. Mais les "opposants" d'aujourd'hui étaient peut-être de mèche avec ce regime, ou en tout cas sympathisant?
Les barbares qui exterminent leur propre peuple sont sublimer par ces belles âmes. Dans le temps de Staline (l'icone de Saddam), Mao, Pol Pot, le génie des Carpates, Milosovic, Khomeini etc. on n'entendais pas des John Brown, ni des manif's d'aucune couleur.
Pour dire que la nostalgie du rouge vif doit peser dur a certains.