arch/ive/ief (2000 - 2005)

Emmanuel Todd et la stratégie américaine
by allan Saturday April 05, 2003 at 08:22 PM
allanweibxl@hotmail.com

la "nouvelle Amérique" a abandonné "Il faut sauver le soldat Ryan"

Emmanuel Todd offre une analyse essentielle mais une donnée a changée: le gouvernement américain mais surtout l'opinion publique est désormais prête à perdre des vies humaines. Le cas de Jessica Lynch, cette soldate simple (originaire de... Palestine, petite ville de 900 habitants en Virginie) est emblématique. Pour dresser un schéma simplificateur: on est passé de "Il faut sauver le private Ryan" (de la doctrine du zéro mort) à une vision impériale où les pertes sont acceptables et nécessaires. Les Etats-Unis se sont retirés de Somalie après avoir perdu 8 soldats, le bilan de la Guerre en Irak du côté américain est nettement plus important mais Bush et surtout Rumsfeld (dérrière son discours de la guerre technologique: forces spéciales+bombes "intelligentes") est prêt à perdre des soldats et des soldates, l'opinion publique est largement muselé par le "support our troops" (voir le recul de la plupart des artistes américains qui avaient critiqué la guerre avant que les "boys" ne soient sur le terrain. L'Irak a opposé une résistance inattendue et sans armes de destruction massives (qui avaient été fournies au départ par les américains eux-même (Halabja n'aurait pas été possible sans eux malgré son instrumentalisation par Bush)puis malgré l'embargo par les français (une vieille tradition: Chirac avait fourni la première et dernière centrale nucléaire irakienne, détruite par les Israéliens) et les russes. Les accusations totalement fantaisistes (un prétendu achat d'uranium nigérien par les irakien) et montées par les différentes agences américaines de renseignement américaines (souvent en concurrence les unes avec les autres et qui doivent tenter de justifier les rallonges budgétaires obtenues grâce au 11 septembre)ont été dénoncées par l'agence internationale de l'agence atomique sans retentissement médiatique.
La deuxième phase de la guerre sera essentielle: adaptation dans le Nord autour des Kurdes de la stratégie afghane (forces spéciales+combattants "locaux") qui pourrait réveiller les antagonismes ethniques d'un Irak dominé par les sunnites? renforts massifs américains (qui a la faveur de la plupart des généraux américains et qui correspond plus à la stratégie américaine classique mise en scène par Powell lors de la première guerre du Golfe) doublé d'un enlisement stratégique à la vietnamienne ensanglanté par des attentats suicides contre un "gouvernement démocratique" sans réel soutien massif populaire et pantin des américains à la mode Karzai autour du Congrès national irakien (le projet d'un protectorat militaire américain sous la direction de Tommy Franks et Abizaid semble rencontrer vraiment trop instable pour être maintenu, l'exploitation économique néocoloniale sera bien plus intéressante surtout s'il y a exclusivité des entreprises amricaines pour reconstruire l'Irak.)? Quoi qu'il en soit, l'Amérique ne risque pas de voir se lever une opposition durable russo-européenne comme l'espère Todd, le lien transatlantique reste incontournable (la Belgique, la France et l'Allemagne malgré leur "opposition" dans le cadre de l'Otan laissent les troupes anglo-américaines transiter par leurs territoires et utiliser les infrastructures établies) et la Russie est diminuée démocratiquement et militairement par sa sale guerre en Tchétchénie. La mobilisation des opinions publiques européenne est bien plus importante: pour la première fois, on voit l'émergence d'une conscience européenne, les gouvernements anglais, espagnols, italiens, de tous les candidats à l'adhésion d'Europe de l'Est, à l'exception de la Slovénie( qui de plus craignent le voisin russe et demande le parapluie américain de l'Otan) a beau faire illusion, l'opinion publique européenne reste largement unie et opposée (les médias devraient beaucoup plus insister sur cette facette de la guerre). Contre le néoimpérialisme américain, une Europe Unie!

Cela ne sert à rien d'être bon...
by Cécily Monday April 07, 2003 at 12:04 PM

C'est bien, l'opinion publique, mais ce n'est pas une force à elle seule.

L'opinion publique tchétchène en 96 était pour la paix et la fin de la guerre contre la Russie. Mais une longue série d'attentats par des groupes armés minoritaires a ramené l'armée russe dans le pays en 99. La minorité l'a emporté contre l'opinion publique, parce que la minorité avait des armes.

Au moment où le mur de Berlin a été démoli par les inombrables petites mains européennes, les Européens des deux côtés croyaient que l'Europe se réunirait pour devenir une grande puissance qui choisirait un modèle social mi-socialiste mi-capitaliste. C'est alors que les médias influencés par l'Amérique nous ont assommés en racontant la faillite totale de la Russie et des pays dépendants de la Russie, leur décomposition en nationalismes de clocher et de minarets, et ont annoncé que toute la zône, y compris l'Europe occidentale, était en voie de sous-développement. C'est alors que les pays d'Europe occidentale se sont repliés sur eux-mêmes et lancés dans l'épuisante course à l'euro. En Europe occidentale, le marché de l'automobile s'est replié au profit de celui des voitures d'occasion, les galeries commerçantes se sont vidées, et les magasins de seconde main en tout genre ont remplacé les boutiques, donnant aux villes européennes un aspect mal fichu et pas riche. Mais on a eu notre euro...

Actuellement, on voit d'après les fluctuations de la rubrique économique, que la force respective de l'euro et du dollar dépend des armes, de la capacité d'intimidation et de victoire militaire. Tant que les Américains merdent en Irak, l'euro est fort par rapport au dollar; quand les Américains auront gagné la guerre, l'euro reprendra sa petite deuxième place. Depuis cette petite place, l'Europe occidentale, enfoncée dans l'austérité budgétaire à n'en plus finir, n'a pas les moyens d'exporter un modèle alternatif à celui des Américains. Elle n'a déjà pas les moyens de réaliser ce modèle sociale en interne, ce qui fait qu'elle risque des tensions ethniques qui sont l'expression déformée du malaise social.

Alors oui, la volonté de l'opinion publique européenne est réelle, mais pour être efficiente, il faudrait se donner les moyens militaires de concurrencer l'Amérique. Le jeu en vaut-il la chandelle? Si oui, y arrivera-t-on?
Dans leurs jolis rapports qu'on voit sur Indy, les Russes disent: il n'est pas nécessaires d'avoir la technologie dernier cri pour être militairement puissants. (Rapport du 30 mars je crois). A bon entendeur...

Donc le problème, c'est qu'il n'y a qu'un leader du monde, et qu'il doit s'armer pour le devenir et le rester. Tous ceux qui veulent agir sans en passer par l'aspect militaire, se verront reprocher leur faiblesse par ceux avec qui ils prétendront s'allier. Cela ne sert à rien d'être bon, si on n'est pas puissant.
Bon ici je me fais l'avocat du diable. Je déroule des hypothèses par lesquelles j'essaye d'expliquer la réalité. C'est contrainte par l'observation que je mets tellement l'accent sur le facteur guerre. Ce n'est pas un désir de ma part.