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Passe-Muraille du 2 mars 2003 : Emission spéciale Vincent Decroly
by Yvos Sunday March 30, 2003 at 08:24 PM

A l'occasion de sa venue dans l'émission « Passe-Muraille » sur Radio Air Libre (87.7 Mhz dans la région de Bruxelles-Capitale), Vincent Decroly s'est exprimé sur plusieurs sujets d'actualité ou de société. Voici un compte-rendu des principaux points abordés. Désolé pour les 4 semaines de délais :)


A l'occasion de sa venue dans l'émission « Passe-Muraille » sur Radio Air Libre (87.7 Mhz dans la région de Bruxelles-Capitale), Vincent Decroly s'est exprimé sur plusieurs sujets d'actualité ou de société. Voici un compte-rendu des principaux points abordés.

1. La guerre en Irak.

VD : Voici quelques informations sur ce qui s'est passé en séance plénière de la Chambre ce jeudi 27 février 2003. C'est fondamentalement ce qui se passe au niveau des votes qui importe dans une démocratie, et pas ce qu'il se passe le dimanche à la TV, et même le samedi dans les manifestations en rue. Si cela se traduit par des votes, c'est correct. Si cela se traduit par des anti-votes, c'est-à-dire par des votes qui se trouvent aux antipodes de ce qui a été déclaré, çà ne va plus. Or, j'en ai quelques bons exemples récents, notamment en matière international. Qui pourrait croire que ce jeudi 27 février, comme le 23 janvier, comme le 21 novembre, les libéraux, les socialistes et les verts ont voté contre une recommandation qui demandait qu'on arrête de collaborer avec les Etats-Unis dans les préparatifs de guerre contre l'Irak ? Et bien çà s'est passé, pour la troisième fois, en dépit du fait que la veille Georges Bush avait déclaré qu'il envisageait tout à fait sereinement de passer outre le Conseil de Sécurité pour déclencher l'offensive qu'il prépare maintenant depuis plusieurs mois. Cela s'est passé sans le moindre débat. J'ai été le seul à prendre la parole alors que je trouve qu'on était dans une configuration internationale extrêmement grave puisque non seulement, c'est une nouvelle guerre contre l'Irak qui est en train de se préparer – et quand on dit contre l'Irak c'est un euphémisme, puisque c'est contre la population irakienne – et en plus ce qui est en train de se créer par la même occasion c'est un précédent d'un nouveau style. Celui-ci va nous faire un bond en arrière de 50 à 60 ans vers le retour à la possibilité pour un Etat de définir et d'évaluer par de vers lui en toute autonomie et égotisme ce qu'il considère lui comme menaçant et d'envisager lui-même les moyens de répondre à cette menace quel que soit l'avis de ses alliés, de la communauté internationale, du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Je trouve çà très grave qu'en dépit de discours et d'actes qui peuvent être parfois positifs – je pense notamment au véto déposé par la Belgique au sein du Conseil de l'OTAN – on en reste dans une situation où la Belgique collabore, alors qu'elle est souveraine en matière d'utilisation de son territoire par de la logistique militaire américaine. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les généraux américains qui l'ont dit en 1999, lorsqu'il a été question de l'évaluation de la collaboration des Européens lors de la première guerre du Golfe. A l'époque, le général américain remerciait les pays européens dans des termes élogieux :

« Vous, en Europe, vous avez soutenu le transport massif et les efforts que nous avons fait dans tellement de domaines. Vos compagnies de bus ont amené nos troupes sur les champs d'aviation. Les ports d'Europe septentrional ont été remplis d'équipements militaires d'approvisionnement et de munitions. Le Rhin est devenu une véritable autoroute aquatique pour des milliers de tonnes de matériel militaire. Vos réseaux ferroviaires ont aussi contribué à cette préparation de la guerre. Parce que nous avions tant de nos propres véhicules soit pleinement utilisés en Arabie Saoudite, soit sur la route de l'Arabie Saoudite, les armées des Pays-Bas, de France, de Belgique et de Grande-Bretagne ont mis leurs véhicules à notre disposition pour nous aider. Vos procédures de vérifications aux frontières ont été drastiquement simplifiées pour permettre à nos convois et nos trains de passer plus rapidement. Vos aéroports et nos compagnies aériennes ont aussi contribué à notre effort
(Discours du Lieutenant-Général Thompson le 27 avril 1999 à Anvers).

Tout ceci est probablement encore en train de se passer à une époque où on reprépare une offensive contre l'Irak, à partir de tout ce qui peut transiter en termes de matériel militaire, et donc par le port d'Anvers. Je trouve assez incroyable, alors que tout çà ne dispose d'aucun mandat de l'ONU, la Belgique maintienne ses autorisations et son Parlement, y compris au sein de ce Parlement les partis qui se disent soucieux d'éviter la guerre voire pacifistes continuent à voter contre des recommandations parlementaires on ne peut plus simples qui demandent de suspendre ces autorisations de transit par notre port.

2. Le fonctionnement du Parlement et les tâches du parlementaire.

Animateur 1 : Comment se passe un travail parlementaire et que fait un député ?

VD : Concrètement, on articule notre travail sur 2 axes fondamentaux. Les Parlementaires, au cours de leur mandat, font la loi, c'est-à-dire qu'ils légifèrent, ils créent des textes de réglementation de la vie de notre Société, que ce soit dans le domaine de l'économie, des transports, de la mobilité, dans le domaine des prisons, de la lutte contre la pauvreté, les drogues. Ces personnes sont censées faire évoluer la législation et le faire de façon à anticiper et à essayer de créer des réponses de fond, pas des emplâtres sur des jambes de bois. Donc çà c'est le premier axe du travail parlementaire : créer la loi, faire la loi, ou anticiper les problèmes ou résoudre ceux qui se sont posés. Le deuxième axe de travail, qui est essentiel, est le contrôle politique quotidien des activités du Gouvernement et çà se fait par interpellation du Gouvernement, par questions et recommandations adressées au Gouvernement. Dans le cas de la collaboration de la Belgique aux préparatifs de guerre américain contre l'Irak, il s'agissait d'une interpellation. Nous avions été plusieurs à interpellez le Ministre des Affaires Etrangères et le Premier Ministre le 8 janvier à La Chambre, et à l'issue de cela comme je n'étais que partiellement satisfait de la réponse du Premier Ministre et de son Ministre des Affaires Etrangères, j'ai déposé une recommandation disant de façon tout à fait simple et polémique dans un premier temps « Bravo pour l'attitude que vous avez eue au niveau de l'OTAN », mais deuxièmement je trouvais que cela arrivait tardivement, puisque, Mr Michel, cela fait depuis novembre que je vous interpelle toutes les semaines à ce sujet. A ce moment, vous aviez refusé de prendre position très clairement sur ce sujet. Sur mon site Internet, j'avais mis un article concernant la question intitulé « Le Gouvernement n'est ni pour ni contre, bien au contraire », parce que les réponses que Mr Michel faisait étaient de cet ordre-là.
On peut aussi proposer des lois, voter sur des projets déposés par le Gouvernement ou adresser au Gouvernement des interpellations qu'on peut éventuellement prolonger si on n'est pas satisfait du contenu de la réponse du Gouvernement.
Sur le plan quotidien et basique, le boulot consiste beaucoup en un travail de lecture de documents, qu'il s'agisse de journaux, qu'il s'agisse d'articles d'analyse, de documents scientifiques, statistiques ou autres. Il y a toute une autre partie qui relève du contact avec des gens qui vivent des problèmes, qui rencontrent des problèmes, qui étudient les problèmes. Ce qui est intéressant, quand on rencontre quelqu'un qui a un problème, c'est d'extraire de cette plainte ce qu'il y a de politique, ce qu'il y a de social, ce qu'il y a de collectivisable dans la démarche de cette personne et de traduire, de répercuter au sein d'un Parlement qui devrait être beaucoup plus qu'il ne l'est aujourd'hui une chambre d'écoute à tout ce qu'il se vit, tout ce qu'il se souffre dans notre société, que ce soit dans les domaines de la politique migratoire et le sort funeste qu'on réserve aux personnes réfugiées dans notre pays, que ce soit dans la politique pénitentiaire, que ce soit à tout ce qui arrive aux personnes toxicomanes, aux personnes qui n'ont pas l'orientation sexuelle dominante dans notre société, ou d'autres encore, pauvres de toujours ou nouveaux pauvres qui s'accumulent de plus en plus nombreux dans des situations impossibles. Tout cela, c'est le boulot du parlementaire d'est une espèce d'éponge et de le recracher, non pas en termes de clientélisme, mais en termes structurels, d'analyses de société et de propositions anticipatives pour résoudre ces problèmes-là. Fondamentalement, c'est çà que j'ai toujours fait et que je continuerai à faire jusqu'à la fin de mon mandat. Ceci est d'ailleurs mon dernier mandat. J'avais toujours dit que ne ferais que 2 mandats, convenablement, honnêtement, correctement, et à fond !

Ce jeudi-ci, j'ai interpellé le Ministre de l'Intérieur pour lui dire que de plus en plus souvent, la Belgique suspend les accords de Schengen, c'est-à-dire des accords qui prévoient la libre circulation des citoyens au sein de l'Union Européenne. Au cours des 2 dernières années, Schengen a été suspendu plus de 20 fois dont 15 fois à l'occasion de grandes manifestations pacifistes et altermondialistes. Ca veut dire qu'on rétablit les contrôles aux frontières, en l'occurrence ici uniquement pour des manifestations. Lors d'une action pacifiste organisée par Greenpeace au port d'Anvers, les manifestants venus de plusieurs pays européens ont été bloquées et arrêtés aux frontières sur des bases strictement techniques et administratives – en tout cas présentés comme telles – alors qu'il était manifeste que c'était une claire interdiction de manifester qu'on cherchait à obtenir et une atteinte grave à la liberté de circulation prévue par Schengen, la liberté d'expression, d'association et de manifestation qui sont quand même des libertés fondamentales dans la construction européenne et dans nos démocraties. Les armes passent, les militants pacifistes pas !

3. Les prisons.

VD : Je voudrais par me faire le plaisir narcissique de lire les 2 premiers paragraphes du chapitre 6 du bouquin que j'ai écrit en 1999.
« Voilà déjà 5 minutes que la petite voix parle. Hésitante, entrecoupée de longs blancs, entre insouciance et rapidité, elle évoque un nouveau plumier, la gentille maîtresse, la copine qui a changé d'école, cette autre qui vient d'apparaître, l'aide du grand frère pour recouvrir les cahiers encore vierges. Nulle voix pour lui répondre, et pas, en tout cas, celle qu'elle attend. Mais la petite voix s'obstine, consciencieuse et courageuse, sans peur du vide. Elle est sûre maintenant qu'elle n'aura pas d'échos, pas de retour immédiat. Et elle doute peut-être même qu'il y en aura plus tard. Cette fillette de 6 ans qui raconte son entrée en première année à son papa, sait-elle exactement s'il est en raison ? Et pourquoi ? Depuis quand ne l'a-t-elle plus revu ? Et depuis combien ne s'est-elle plus serrée dans ses bras ? Comment ressent-elle le poids de la responsabilité qui vient de lui être confiée par sa mère et ses frères, agglutiné autour du téléphone ? Comment s'imagine-t-elle que son message s'en va par le fil de l'appareil, puis se propage par les ondes, et captée quelque part en cellule à Saint-Gilles par un prisonnier qui est son père ? Et par des milliers d'autres oreilles, comme les miennes qui sont ce soir à l'écoute de l'émission hebdomadaire Passe-Muraille sur Radio Air Libre ? Dans cette innocente petite voix qui brave crânement les mystères de la télécommunication et de la radio, je sens ce dimanche soir-là, une souffrance brute, palpable, brûlante, cette souffrance qui est rarement conscience d'elle-même tellement elle est forte et qui m'a toujours bouleversé. »
J'écrivais cela il y a déjà quelques années, mais je voulais le relire ici, parce que fondamentalement j'ai beaucoup appris de la question des prisons en écoutant cette émission-ci dans les années 80, à une époque où il y avaient beaucoup de questions, beaucoup de messages, beaucoup de discussions autour de la manière dont les droits des personnes détenues se vivaient et parfois, même souvent soient bafoués et pour faire le lien avec ce qu'il se passe aujourd'hui, je veux dire que le bilan n'est pas extrêmement beau, du point de vue de ce que le Parlement s'est montré capable de faire, ou plutôt ne pas faire au cours de ces dernières années. Le dernier exemple qui me rend malade à chaque fois que j'y pense, c'est ceci.
En 1996, au mois de juin, Stefaan De Clerck rend publique une note de politique générale, une note d'orientation sur la politique pénitentiaire. C'est un moment important, parce que c'est la première fois depuis 50 ans en Belgique qu'un ministre de la Justice consacre une note structurée, complète, consistante, une vraie note politique d'orientation, à la question pénitentiaire, alors que jusqu'alors la plupart des Ministres considérait la justice comme l'un de leurs porte-feuilles, à côté du Ministère des Affaires économiques par exemple. Ici, enfin, on tenait un discours précis, fort, avec une orientation intéressante en matière de politique pénitentiaire. C'était une orientation qui disait notamment qu'on va essayer de reconnaître enfin et de traduire concrètement des droits des personnes détenues comme le Conseil de l'Europe le demande à tous les pays membres depuis des décennies. C'était très intéressant, et qu'a fait Stefaan De Clerck à ce moment-là ? Il a nommé une Commission Inter-Universitaire pour y réfléchir et cette Commission a remis son rapport au Ministre de la Justice qui l'a remis au Parlement durant l'année 2000, c'est-à-dire au début de cette législature-ci. En annexe de ce rapport, la Commission Dupont – c'est le nom du professeur d'Université qui dirigeait ces travaux à l'époque et je pense que bon nombre de détenus ont déjà dû entendre ce nom-là – avait instauré une sorte d'avant-projet de loi pour des droits fondamentaux de la personne détenue, un gros travail résultant de 5 ans de réflexion et d'approfondissement technique et juridique dont le Parlement s'est saisi en grandes pompes et avec faste en juillet 2000, avec De Croo qui a fait son petit laïus, Verwilghem qui a fait le sien, tout çà aurait dû être géré, digéré et adopté. En tout cas, en 3 ans, on avait largement le temps de le faire. Qu'a-t-on fait avec cet excellent travail, sans doute perfectible, amendable ? Eh bien on l'a enterré ! Tout ce qu'on a fait au bout de 3 ans, c'est quelques visites, quelques rencontres de personnalités du monde pénitentiaire ou de détenus, et puis on en est resté là ! Aujourd'hui, ce qu'il reste de cet imposant et intéressant travail de la Commission Dupont, ca va être une résolution, une espèce de texte très général de 3-4 pages qui va peut-être être voté avant la fin de la législature et qui dira : « le Parlement prend acte du travail de la Commission Dupont et espère que le Gouvernement va le mettre en œuvre. » Qu'est-ce qui avait justifié qu'au départ M. De Clerck dise : « Il faut des lois pour régler la problématique des personnes détenues ? ». Les gens qui nous écoutent à Saint-Gilles et Berkendael le savent parce que la vie là-bas est réglementée par beaucoup plus de faveurs, de mesures individuelles au cas par cas et qu'il est difficile de contrôler, d'obtenir ou de négocier de façon très claire. C'est tout sauf du droit. C'est plus des avantages qui sont concédés ici ou là. Tout le monde le sait, en est conscient, et s'en scandalise même au Parlement. Et pourtant on en arrive finalement à ce que çà doit retourner au Gouvernement. A l'époque, le Ministre De Clerck avait déclaré de manière très lucide : « Mais non, il faut une loi pour çà ! On instaure pas le droit avec des régimes de faveur, des circulaires administratives ou avec des décisions qu'on laisse au gré des directeurs de prisons. Il y en a qui sont très consciencieuses et très progressistes, mais il y en a qui sont franchement rétrogrades, retardataires, pour ne pas dire fascisantes. Au lieu de cette demande de réglementation qui doive mettre fin à ce vide juridique, le Parlement n'a pas voulu en faire une loi et, de manière tout à fait hypocrite, on est en train de dire au Gouvernement et de l'Administration de se saisir eux-mêmes de tout çà comme bon ils leur semblent. D'une certaine manière, la boucle est bouclée, mais dans le mauvais sens. L'initiative était partir du Gouvernement qui avait demandé qu'on en fasse une loi, car seule une loi assure la sécurité juridique, donne le caractère public et solonnel. C'est passé au Parlement qui n'en a rien fait et qui l'a renvoyé comme une patate chaude au Gouvernement et à l'Administration qui appliqueront ce qu'ils veulent appliquer en fonction de leurs intuitions, de leur humeur du moment. C'est pour moi un constat de carence épouvantable qui n'est pas anecdotique qui montre que le régime parlementaire en Belgique est en train de vivre des formes de limite, des formes de déliquescence qui fait non seulement le Parlement qui est là pour contrôler le Gouvernement ne fait plus ce boulot – En général, c'est plutôt le contraire – mais en plus sa deuxième mission qui est de légiférer, il ne l'assume plus, même quand un Ministre veut appliquer des recommandations du Conseil de l'Europe qui sont trentenaires. C'est quand même grave que çà soit la direction d'une prison ou ses surveillants qui doivent décider et prendre en charge la réglementation d'une prison, de s'assurer du fonctionnement de la vie quotidienne dans le système pénitentiaire, à tous points de vue, comme le culte, le travail (qui est essentiel pour la réinsertion sociale. Toutes ces questions étaient traitées dans le rapport de la Commission Dupont, et c'est devant cela que le Parlement a pris les jambes à son cou. Je trouve cela tout à fait révoltant qu'après 3 ans on n'ait pas pu faire çà alors que des lois-programmes de 476 articles sont votées en 3 semaines.

Animateur 2 : Ca me fait penser que lorsque le Gouvernement « Arc-en-Ciel » est né, ou même durant la campagne électorale de 1999, le grand thème des partis qui devaient arriver au pouvoir, c'était le « changement », c'était en finir avec le carcan social-chrétien qui bloquait tout. Mais je constate finalement, et je compare cela avec ce qu'on peut entendre à propos de la loi de compétence universelle où apparemment on traîne aussi beaucoup, qu'il n'y a rien qui a changé et qu'on a plutôt remplacé la petite mafia CD&V par la petite mafia VLD-MR. Cela va peut-être revenir dans les thèmes de propagande arc-en-ciel que tu vas bientôt publier.

VD : Effectivement, j'ai écrit avec Eric Rydberg qui est journaliste, un bouquin qui s'appelle « Principes élémentaires de la propagande arc-en-ciel ». Je crois qu'il y a effectivement moyen de faire une lecture en terme de communication, propagandiste, du gouvernement arc-en-ciel, dans bien des domaines. Je crois que çà peut être utile aux citoyens de lire ce genre de choses, à un moment où tous ces éléments de communication et de marketing électoral vont revenir en force, avec les arguments des partis dits de gauche du style : « Ben oui, on aurait bien voulu mais on n'a pas pu ! La bouteille est quand meme à moitié pleine ! Les autres ne nous ont pas fait de cadeaux ! ». Tous ces arguments, nous avons essayé de les disséquer avec objectivité et rigueur. C'est à dire que nous citons nos sources ! Nous ne faisons pas que donner des impressions ou des intuitions. Nous tentons de démontrer de façon objective, à travers des extraits de communiqués de presse, lors de débats parlementaires, ou de déclarations sur les émissions radiophoniques, de disséquer cette propagande arc-en-ciel, y compris lorsqu'elle est cacophonique. Il y a des gens qui disent vert, d'autres qui disent bleu, encore d'autres qui disent rouge ; parfois, certains disent même noir. Il s'agit donc de tirer de tout cela une analyse du rôle que peut jouer la communication politique dans le mauvais sens du terme. La responsabilité politique est de dire aux citoyens ce qu'il se passe, rendre des comptes, çà c'est une bonne communication. Par contre, la communication brouillard, la mauvaise est une composante du Gouvernement arc-en-ciel, et cette coalition a été encore plus loin dans cette direction que les Gouvernements précédents. Je pense donc qu'il était important que Erik Rydberg et moi-même écrivions ce livre, afin de cerner tout cela.

4. Asile, centres fermés, sans-papiers.

VD : Je crois que ce problème est aussi symptômatique de l'évolution de notre société. A l'intérieur des centres fermés, et aussi aux frontières, il se passe plein de choses indicibles. Au moment même où nous parlons, il y a des gens qui attendent avec angoisse dans une salle à Zaventem qu'on vérifie leurs papiers. Il y a probablement une partie qui vont passer parce que leurs papiers sont suffisamment en ordre, ou en tout cas pas suffisamment en désordre pour qu'on les arrête. Il y en a d'autres qui vont être envoyés dans un centre fermé et probablement réexpédiés vers le pays d'où ils venaient, ce qui n'est pas nécessairement le leur ! Pendant les 48 à 72h, çà doit être pour ces gens-là une épreuve terrible liée à la tension, la fatigue, la faim, le stress. Ils ont aussi l'impression que tout ce qu'ils ont entrepris – le travail au noir avec tout ce que cela induit au niveau de l'insécurité sociale notamment - pour acheter un billet et produire de faux papiers est détruit en quelques heures, tout au plus en quelques jours. Tout çà parce qu'on vit dans un monde où la libre circulation des hommes et le droit d'émigrer restent extrêmement réduits.
Donc j'ai beaucoup travaillé là-dessus avec différents comités, collectifs, associations. J'ai pu une dizaine de jours avant son décès rencontrer Sémira Adamu et çà laisse des traces. Je me souviens aussi d'une situation de nuit au centre fermé de Bruges où j'étais avec quelques amis plus ou moins à la même époque. Nous avions pu aller en tant que parlementaires, accompagnés de quelques associations, rencontrer des femmes ayant envoyé des messages tout à fait inquiétants de pressions exercées sur elles. C'était très impressionnant de rencontrer aussi à l'époque le directeur du centre fermé qui avait relaché quelques jours plus tôt un groupe de femmes, pour essayer de montrer combien il n'était pas aussi méchant qu'on ne voulait le prétendre. A ma question de savoir ce qu'il était advenu de ces jeunes femmes, il m'a froidement répondu : « Nous pensons, car nous avons nos indications et nos informations, qu'elles sont dans les quartiers des bordels anversois, et que d'une certaine manière, nous gardons la situation sous contrôle. Le jour où nous avons de nouveau quelques places dans la section femmes, nous les reprenons. On maîtrise parfaitement le problème ! C'est d'ailleurs beaucoup plus facile de gérer des femmes que des hommes car ceux-ci disparaissent plus vite dans la nature, et sont plus difficiles à relocaliser par la suite ! ». Ca donne froid dans le dos, et çà m'avait complètement stupéfait – et pourtant Dieu sait si je ne me faisais aucune illusions sur la nature et la fonction des centres fermés – d'entendre un directeur de centre fermé se faire l'auxiliaire du proxénétisme anversois, en régulant en quelque sorte la marchandisation de ces femmes sur les trottoirs de la ville portuaire, en les rendant disponible, ou en les extrayant au bon gré des places disponibles dans son établissement.

Il faudrait le clôner
by Cécily Monday March 31, 2003 at 12:47 PM

Décroly! Toujours du plaisir à le lire! Cela me réconcilie avec le système parlementaire parce que voyez-vous, on a un vrai représentant, donc c'est possible d'être représenté. Il n'y a plus qu'une chose à faire pour en avoir plus qu'un seul: le clôner.

réconciliation?
by thitho Monday March 31, 2003 at 07:09 PM

Là, Cécily, tu m'étonnes...

C'est précisément parce que Decroly quitte l'arène écoeuré que je ne vois aucun moyen de la sauver...

bises

thitho