arch/ive/ief (2000 - 2005)

Les États-Unis ont déjà perdu la guerre
by Dissident-media Saturday March 29, 2003 at 12:45 AM
dissidentmedia@altern.org

Les raisons de l'opposition de la France, de l'Allemagne et de la Russie à Bush !

Le monde est en train de changer profondément comme en témoigne l'opposition de la France, de l'Allemagne et de la Russie à l'intervention américaine en Irak. Que Paris s'oppose à Washington, cela se concevait, mais qui aurait pu imaginer que l'Allemagne décroche de son alliance avec les États-Unis, que la Turquie s'oppose à la présence sur son territoire de troupes américaines et que la Russie se joigne à la France et à l'Allemagne ?

Aurions-nous surestimé la puissance américaine ? Notre capacité d'analyse est-elle paralysée par une sur-consommation de Noam Chomsky ? Oui, s'il faut en croire Emmanuel Todd dans Après l'empire, Essai sur la décomposition du système américain, un livre qui est un must pour comprendre le monde actuel.

Emmanuel Todd souligne que l'Amérique de Chomsky est intemporelle, toujours la même, puissante et impériale, et qu'on ne trouve chez Chomsky « aucune conscience de l'évolution du monde ».

Au contraire, Emmanuel Todd nous présente une Amérique de plus en plus dépendante économiquement et dont l'appareil militaire, même gonflé par les récents budgets, est sous-dimensionné pour contrôler un empire.


Le déclin de l'empire américain

Emmanuel Todd ressuscite le débat des années 1980 sur le déclin économique des États-Unis, un temps occulté par le développement de la soi-disant « nouvelle économie ». La donnée fondamentale de l'état de l'économie américaine est le gonflement énorme de son déficit commercial. Il est passé de 100 milliards en 1992 à 450 milliards en 2000. L'Amérique consomme ce que le reste du monde produit. Comment peut-elle le faire ? Avec les capitaux du monde entier dont le flux vers les États-Unis est passé de 88 milliards en 1990 à 865 milliards en 2001.

À l'aide de statistiques, Todd démontre que ce transfert de capitaux profite, depuis 1994, à toutes les classes de la société américaine en dépit de l'inégalité qui s'est creusée entre les classes depuis 1980. C'est le tribut impérial qui est prélevé sur les autres peuples du monde.

Cependant, le tribut est fragile. Le choix des États-Unis comme lieu de placement privilégié révélait une préférence pour la sécurité garanti par un système économique, politique, bancaire et monétaire sûr. Mais les choses ont changé par suite, non des attentats du 11 septembre, mais du scandale financier de Enron qui a vu les investisseurs perdre des milliards de dollars.

Todd prédit que les investisseurs européens, japonais et autres en auront bientôt assez de se faire plumer par Wall Street. Il pourrait en résulter une panique boursière d'une ampleur jamais vue suivie d'un effondrement du dollar, enchaînement qui aurait pour effet de mettre un terme au statut économique « impérial » des États-Unis.


Le centre de gravité se déplace vers l'Eurasie

La globalisation de l'économie fonctionne à un niveau mondial, mais également à un niveau régional par continent ou sous-continent, note Todd. Un des effets les plus profonds de la globalisation est le déplacement du centre de gravité économique du monde vers l'Eurasie, ce qui tend à isoler l'Amérique.

La guerre contre le terrorisme agit comme un révélateur d'un véritable antagonisme entre l'Europe et l'Amérique. La création de la zone euro a mis les pays européens à l'abri d'éventuelles représailles économiques ciblées des États-Unis. Le potentiel industriel européen, maintenant supérieure à celui de l'Amérique, explique la nouvelle configuration des forces, dont le rapprochement de la Russie du couple franco-allemand.

La stratégie américaine à l'égard de la Russie était sa désintégration et empêcher son rapprochement avec l'Europe. C'est un double échec. La Russie est en train de renaître au plan économique et a su maintenir son influence sur les pays de la Communauté des États indépendants.

Elle se rapproche de l'Europe avec laquelle ses échanges économiques sont de 7,5 fois supérieures à ce qu'ils sont avec les États-Unis. Todd rapporte ces propos significatifs de Vladimir Poutine prononcés dernièrement à Berlin : « Je pense que l'Europe consoliderait sa réputation en tant que puissance mondiale véritablement indépendante, si elle associait ses capacités à celles de la Russie, avec les ressources humaines, territoriales et naturelles, avec le potentiel économique, culturel et DE DÉFENSE de la Russie ».

La Russie offre donc à l'Europe la dissuasion nucléaire qui lui faisait défaut dans son affrontement avec l'Amérique.

La Turquie se trouve également dans la zone euro et le Japon sera aussi attiré dans l'orbite européenne. En 1993, les investissements japonais en Amérique étaient le double de ses investissements en Europe. Aujourd'hui, les proportions sont renversées.

Reste la Grande-Bretagne dont le choix ultime d'une entrée dans l'euro ou d'un refus de l'euro sera capital. Dans l'état actuel de déficience productive américaine, l'entrée de la City dans le système européen pourrait faire basculer l'équilibre du monde, prédit Todd.


L'obsession du pétrole

La chute de l'efficacité économique des États-Unis les mène, selon Todd, à une véritable obsession du pétrole arabe. Les États-Unis n'ont pas un besoin essentiel de ce pétrole, puisqu'ils produisent eux-mêmes la moitié du pétrole qu'ils consomment et peuvent s'approvisionner au Canada, au Mexique, au Venezuela et dans d'autres pays.

Mais ils veulent contrôler le pétrole du monde, particulièrement celui de l'Europe et du Japon, comme arme pour compenser leur faiblesse industrielle. Mais si le pétrole du Moyen-Orient n'est plus disponible, la Russie pourrait alimenter ses nouveaux alliés européens et japonais.


Une réputation militaire surfaite

Reste aux États-Unis à faire démonstration de leur puissance militaire pour intimider ses concurrents. Mais leur action est loin d'être concluante, d'après Todd. D'abord, parce que Washington s'en prend à des États insignifiants d'un point de vue militaire, comme l'Irak.

Ensuite, bien que bénéficiant d'une supériorité aréonavale indiscutable, ses forces terrestres sont d'une extrême faiblesse. Rien n'a changé depuis la Deuxième guerre mondiale remportée, rappelle Todd, par les troupes soviétiques. Une faiblesse confirmée lors des guerres de Corée et du Viet-nam, auquel s'ajoute le handicap de devoir gagner des guerres sans pertes humaines..

Les États-Unis ont déjà perdu la guerre qu'ils s'apprêtent à engager, selon Emmanuel Todd dont le livre Après l'empire est une mine de réflexions stimulantes et souvent inquiétantes sur l'avenir du monde.

Pierre Dubuc

La famille todd est aveugle !
by do Saturday March 29, 2003 at 06:46 AM

Salut,

Dans la famille Todd, l'on a pris pour habitude de s'aveugler sur des détails. Ce qui permet d'oublier l'essentiel.

Dans la famille Todd, je demande le Père :

Le père a prétendu expliquer la Révolution française avec des histoires de familles ! les familles du centre de la France n'étant pas structurées de la même façon que celles de la périphérie !

Conclusion : s'il y a eu une révolution en France, cela n'a rien à voir avec le fait que la population était mécontente !

Dans la famille Todd, je demande le fils :

Todd fils s'est aperçu après le 11 septembre, et pas avant, que l'Amérique était l'empire du mal. Comme jusqu'à présent, il avait toujours pensé que l'Amérique était l'empire du bien (il n'a jamais entendu parlé du génocide des indiens ni de l'esclavage des Noirs !) C'est donc, d'après lui que l'Amérique a changé ! (et non pas qu'il a eu une prise de conscience tardive. Ce qui est bien sûr impossible dans une famille aussi géniale !) Alors, puisque d'empire du bien l'Amérique devient empire du mal, il en déduit que c'est que l'Amérique a perdu son âme et qu'elle est sur le déclin. C'est un peu court et c'est pas dangereux. ça plaît bien au pouvoir qui lui a fait une énorme pub en fRANCE !

A+
do
http://mai68.org

Oubli de Todd
by thitho Sunday March 30, 2003 at 11:53 AM

faire reposer une faiblesse des USA sur sa dette est une illusion; lorsque vous êtes surendetté, il existe des instances plus fortes que vous pour vous forcer à réduire votre train de vie et rembourser...

Qui le fera pour les USA?

Le raisonnement de Todd ne fonctionne pas; ceux de Chomsky reposent sur une vision diachronique des USA, quoique Todd en dise.

Désolé de briser l'illusion, mais, si les USA ne parviennent pas à envahir l'Irak "en douceur" (avec beaucoup de guillemets), ils la bombarderont jusqu'à terme...

Et qui va s'attaquer aux USA? Qui va prendre le risque de mener une coalition ouverte contre eux? Il n'est pas nécessaire pour eux d'occuper le monde entier, mais bien de montrer qu'ils peuvent intervenir quand ils le veulent, où ils le veulent. Et ça, ils le montrent assez bien.

la stratégie américaine
by allan wei Saturday April 05, 2003 at 08:18 PM
allanweibxl@hotmail.com

Emmanuel Todd offre une analyse essentielle mais une donnée a changée: le gouvernement américain mais surtout l'opinion publique est désormais prête à perdre des vies humaines. Le cas de Jessica Lynch, cette soldate simple (originaire de... Palestine, petite ville de 900 habitants en Virginie) est emblématique. Pour dresser un schéma simplificateur: on est passé de "Il faut sauver le private Ryan" (de la doctrine du zéro mort) à une vision impériale où les pertes sont acceptables et nécessaires. Les Etats-Unis se sont retirés de Somalie après avoir perdu 8 soldats, le bilan de la Guerre en Irak du côté américain est nettement plus important mais Bush et surtout Rumsfeld (dérrière son discours de la guerre technologique: forces spéciales+bombes "intelligentes") est prêt à perdre des soldats et des soldates, l'opinion publique est largement muselé par le "support our troops" (voir le recul de la plupart des artistes américains qui avaient critiqué la guerre avant que les "boys" ne soient sur le terrain. L'Irak a opposé une résistance inattendue et sans armes de destruction massives (qui avaient été fournies au départ par les américains eux-même (Halabja n'aurait pas été possible sans eux malgré son instrumentalisation par Bush)puis malgré l'embargo par les français (une vieille tradition: Chirac avait fourni la première et dernière centrale nucléaire irakienne, détruite par les Israéliens) et les russes. Les accusations totalement fantaisistes (un prétendu achat d'uranium nigérien par les irakien) et montées par les différentes agences américaines de renseignement américaines (souvent en concurrence les unes avec les autres et qui doivent tenter de justifier les rallonges budgétaires obtenues grâce au 11 septembre)ont été dénoncées par l'agence internationale de l'agence atomique sans retentissement médiatique.
La deuxième phase de la guerre sera essentielle: adaptation dans le Nord autour des Kurdes de la stratégie afghane (forces spéciales+combattants "locaux") qui pourrait réveiller les antagonismes ethniques d'un Irak dominé par les sunnites? renforts massifs américains (qui a la faveur de la plupart des généraux américains et qui correspond plus à la stratégie américaine classique mise en scène par Powell lors de la première guerre du Golfe) doublé d'un enlisement stratégique à la vietnamienne ensanglanté par des attentats suicides contre un "gouvernement démocratique" sans réel soutien massif populaire et pantin des américains à la mode Karzai autour du Congrès national irakien (le projet d'un protectorat militaire américain sous la direction de Tommy Franks et Abizaid semble rencontrer vraiment trop instable pour être maintenu, l'exploitation économique néocoloniale sera bien plus intéressante surtout s'il y a exclusivité des entreprises amricaines pour reconstruire l'Irak.)? Quoi qu'il en soit, l'Amérique ne risque pas de voir se lever une opposition durable russo-européenne comme l'espère Todd, le lien transatlantique reste incontournable (la Belgique, la France et l'Allemagne malgré leur "opposition" dans le cadre de l'Otan laissent les troupes anglo-américaines transiter par leurs territoires et utiliser les infrastructures établies) et la Russie est diminuée démocratiquement et militairement par sa sale guerre en Tchétchénie. La mobilisation des opinions publiques européenne est bien plus importante: pour la première fois, on voit l'émergence d'une conscience européenne, les gouvernements anglais, espagnols, italiens, de tous les candidats à l'adhésion d'Europe de l'Est, à l'exception de la Slovénie( qui de plus craignent le voisin russe et demande le parapluie américain de l'Otan) a beau faire illusion, l'opinion publique européenne reste largement unie et opposée (les médias devraient beaucoup plus insister sur cette facette de la guerre). Contre le néoimpérialisme américain, une Europe Unie!