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Au Caire, la rue bouge !
by Le Caire-Solidaire (posted by protesta) Friday March 21, 2003 at 08:27 PM
sandrine@thewayout.net

Compte rendu sur le vif de la manifestation du vendredi 21, le Caire, Egypte

Le Caire, Vendredi 21, jour du seigneur.

Deuxième jour de guerre

Autour de midi, la foule a investi l'esplanade de la mosquée de Azhar, les artères principales sont fermées à la circulation jusqu'à la place Ataba, en contre-bas de la ville fatimide.

La prière se termine vers 13 heures, la foule occupe l'intérieur et l'extérieur de la mosquée, ainsi que la rue principale de Azhar. La prière se déroule dans une ambiance tendue, les forces de l'ordre bouclent tout le quartier. Ordre est alors donné de fermer les portes de la mosquée. La tension monte. De l'intérieur, les personnes commencent à lancer des pierres, des chaises, des moellons, tout ce qu'ils trouvent, du haut des toits de la mosquée, des manifestants sont légèrement blessés par les projectiles qui visent les représentants de l'ordre. Viennent en renfort de nouveaux contingents, avec chiens et canons à eau, qui chargent sur la foule. Finalement, la mosquée est réouverte. Vers 14 heures, il semblerait que le mouvement se disperse. En fait la rumeur circule qu'il y a convergence vers la place centrale du Caire, Tahrir, située à 3-4 kilomètres du quartier de Azhar. Les manifestants bougent, de manière spontanée, reforment un semblant de cortège dans la rue principale et se retrouvent face au cordon sanitaire. Affrontements, coups dans le tas, jets d'eau, le cortège finalement passe et rejoint la place Ataba. Là, idem, mais il semblerait que les autorités aient eu l'ordre de laisser passer les manifestants qui continuent vers la place centrale, encadrés de part et d'autre par une foule de plus en plus dense de badauds surpris (vendredi est jour de shopping dans le quartier, notamment après la prière) et par les forces de l'ordre. Arrivée entre les places de Talaat Harb et de Tahrir, le cortège se scinde en deux... D'un côté, le gros du cortège se dirige vers le musée du Caire. De l'autre, les manifestants franchissent le cordon policier par une artère plus directe et se font interceptés peu avant la place Tahrir, au pied du siège du parti nassérien. La tension monte, les affrontements reprennent, encore plus violents. La police charge dans la foule. Pendant ce temps, l'autre partie du cortège est bloquée au niveau du musée. La manifestation semble bloquée. Pourtant, les manifestants réussissent à rejoindre la corniche pour se diriger vers Garden City, où se trouvent les ambassades américaine et britannique. Les forces de l'ordre bloquent à nouveau le cortège au niveau du Hilton, côté Nil.

Vers 16h/16h30, la manifestation prend une tournure encore plus violente : les manifestants tentent d'entrer dans l'hôtel Hilton, deux voitures de pompier sont attaquées sous le pont du 6 Octobre, une est mise à feu. Policiers et pompiers sont pris à parti, les forces spéciales chargent dans la foule, matraquent, arrêtent...

Difficile de dire combien de personnes se sont rendus aujourd'hui à Azhar et ont rejoint le cortège... Les chiffres annoncés oscillent entre 10.000 et 20.000 personnes. Mais il est clair que les milliers de personnes présentes ont le cœur et le ventre lourd. Jeunes pour la plupart. Des slogans anti-guerre et en solidarité avec les peuples irakiens et palestiniens -« la Palestine est arabe, l'Irak est arabe, l'Egypte est arabe »- durant les premiers temps de la manifestation, la foule interpelle en fin de parcours l'armée égyptienne et le gouvernement : « wahid, ithnayn, al guaysh al-misry fayn ? » (un, deux, où est l'armée égyptienne) ; « Oum, misr, isha al-shaab al-misry » (lève-toi, Egypte, réveille-toi, peuple égyptien)...

Les barbus sont là, mais aussi les Nassériens, des militants au sein d'organisations civiles de gauche, des jeunes de tous horizons. Le mouvement est résolument populaire et spontané. Pacifique dans ses intentions premières : A chaque jet de pierre, est répondu un mot d'ordre de la foule : « muthahara silmiya » (manifestation pacifique).

Difficile de faire un bilan pour l'instant : Plus de cinquante personnes sont arrêtés, dont Kamal Abou Eitta, activiste connu ; des dizaines de blessés.

P.S. Les mosquées sont les seuls lieux publics où le rassemblement n'est pas interdit par la loi d'Etat d'urgence (reconduite pour trois ans il y a deux semaines)...

Le Caire, 18.00, heure locale

Collectif Le Caire-Solidaire