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Il faut qu'une cause soit vraiment mauvaise...
by QbcMan Thursday March 13, 2003 at 08:21 PM

il faut qu'une cause soit vraiment mauvaise pour requérir une telle mobilisation des crimes les plus contraires à la civilisation

J'espère ne jamais en arriver à bénir les bonnes causes qui se
salissent et se nient en recourant à des moyens répugnants. Certes, je
suis conscient que la vie peut confronter n'importe quel humain à des
choix cornéliens. Je sais aussi qu'il est extrêmement douloureux et
presque contre nature d'opposer des principes apparemment abstraits à
des solutions qui côtoient la fange tout en promettant le salut et une
conclusion glorieuse. J'ai une certaine idée de la gymnastique
philosophique qui autorise le mensonge s'il sauve la vie d'un fugitif
en danger. Toutes arguties remisées au placard, je garde la conviction
suivante : une cause se dégrade quand elle s'immerge dans les horreurs
qu'elle prétend combattre. Jusqu'à preuve du contraire, preuve que je
souhaite ne jamais recevoir, je m'obstinerai donc, en Quichotte
impénitent, à croire qu'aucune cause ne conserve de légitimité si elle
s'acoquine avec le mensonge, la dissimulation, le trafic d'influence,
la torture, le racisme, le meurtre.

Quand la guerre préventive et arbitraire rêvée par l'administration
Bush pousse la civilisation d'aujourd'hui à ces crimes, elle mérite la
condamnation. Elle ferait notre honte.

Il y a mensonge quand on maquille en défense de la population
irakienne une incontrôlable boulimie pétrolière. Un lecteur pince sans
rire me suggérait ceci : « Puisque le pétrole n'est pas le motif de la
guerre, que les États-Unis s'engagent à ne pas utiliser une seule
goutte de pétrole irakien pendant quarante ans. »

Il y a mensonge et dissimulation quand on forge des preuves contre
l'Irak et qu'on essaie de duper les inspecteurs. Le premier ministre
Blair a ainsi brandi comme des preuves incriminantes ce qu'il
extrayait d'un travail d'étudiant lui-même basé sur des informations
anachroniques. Et la honte ne semble pas avoir encore rejoint celui
qui se conduit en fondamentaliste américain plus qu'en travailliste
anglais. Le Secrétaire d'État Colin Powell, en plus d'épouser les
mensonges de M. Blair, a fondé certaines de ses propres accusations
sur des falsifications et en a tiré la preuve que le régime irakien
tentait de se procurer de l'uranium au Niger. Il y a mensonge,
dissimulation et mépris quand, sans attendre que le parlement d'Ankara
craque enfin sous le chantage, les troupes américaines occupent déjà
le territoire turc en bordure de l'Irak.

Il y a mensonge, dissimulation et complicité avec des intérêts
criminels quand la coalition anglo-américaine protège les entreprises
qui fabriquent et vendent les armes prohibées et quand on ne remet pas
aux inspecteurs la documentation qui décrit par le menu l'odieux
trafic de ces fripouilles en complet veston.

Il y a trafic d'influence et assaut délibéré contre la démocratie
quand on achète un gouvernement et qu'on le contraint à agir à
l'encontre de la volonté populaire. Cela se vérifie d'abord en
Angleterre, en Italie et en Espagne, avant de se généraliser. On
commet un crime contre la démocratie et on creuse délibérément un
fossé entre les élus et les citoyens quand on extorque du gouvernement
turc une prise de position rejetée par 90 pour cent de l'électorat,
quand on provoque une fracture entre les populations arabes et leurs
gouvernants, quand on espionne les communications de gouvernements
souverains.

On s'abime dans les crimes les plus méprisables qui soient quand on
pratique la torture tout en la niant et quand, pour la promouvoir, on
la banalise à coups de sophismes nauséabonds. Tous ne manifestent pas
à propos de la torture l'enthousiasme barbare d'un Pat Buchanan, mais
on pactise avec l'enfer quand on commence à distinguer les tortures «
légères » des méthodes plus brutales et quand on s'en remet aux
tribunaux militaires du soin de punir ce qui dépasserait l'indécence
des interrogatoires déjà perçus comme nécessaires.

On ajoute l'hypocrisie à la cruauté quand, à des fins de torture, on
déporte des prisonniers vers des pays connus pour fouailler les
consciences avec des électrodes et des cisailles. La torture n'aura
jamais de légitimité et la meilleure preuve en est qu'elle n'ose pas
dire son nom et s'afficher sous son vrai visage. Le torture est une
atteinte à l'âme autant qu'au corps. Elle plonge la victime dans un
enfer éternel de cauchemars et de honte injustifiée. Elle ronge comme
une lèpre l'âme des bourreaux et les rend eux aussi, à jamais,
étrangers à l'humanité. Justifier la torture au nom des crimes qu'elle
permet d'éviter, c'est commettre un crime certain pour désamorcer ceux
qu'on redoute. Pareil sophisme ne surgit que dans des cerveaux déments
et des âmes désertées par l'humanité.

Il y a racisme quand on assaille de tous les soupçons et de toutes les
brimades des humains dont le seul tort est d'être né là plutôt qu'ici
et d'être issu d'une culture plutôt que d'une autre. Les États-Unis
vont à l'encontre de leur propre histoire quand ils suspendent leur
politique traditionnelle du creuset (melting pot) et limitent les
droits de certains groupes ethniques ou religieux. Ce n'est plus vrai
qu'en Amérique tout immigrant peut espérer devenir président. Il y a
racisme quand une nation proclame sa supériorité et s'arroge le droit
de placer ses intérêts mercantiles au-dessus du droit des autres
peuples à l'autonomie. Il y a racisme quand on revendique pour Israël
le droit d'exister dans des frontières sûres et qu'on masse des
centaines de milliers de soldats aux frontières de l'Irak.
Il y a racisme quand on évalue en millions de dollars la vie d'un
Américain et à quelques dollars la vie d'un civil afghan tué pendant
une noce.
Il y a racisme quand on soumet les ressortissants étrangers aux
tribunaux internationaux et qu'on soustrait les citoyens américains à
leur compétence. Il y a racisme quand, au nom d'un intérêt national
mal compris, on sape délibérément les bases d'un ordre mondial qui
tente de substituer la discussion à la guerre.

Il y a meurtre voulu, prémédité, répété à l'infini quand on s'apprête
à bombarder une population civile déjà affaiblie et décimée par des
années d'un blocus injuste et même haineux. Il y a meurtre quand on
établit la liste des personnes que la CIA peut assassiner sans autre
forme de procès. Il y a meurtre quand on s'enquiert avidement auprès
d'Israël des méthodes utilisées par ses très efficaces escadrons de la
mort et quand on les applique au Yémen.

Oui, il faut qu'une cause soit vraiment mauvaise pour requérir une
telle mobilisation des crimes les plus contraires à la civilisation.

Laurent Laplante
dixit@cyberie.qc.ca

camarade laplante:
by bouli Friday March 14, 2003 at 01:31 AM

Ca s'appelle impérialisme et propagande de guerre.