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Afrika-film/Formules à récoloniser
by Raf Custers Friday March 07, 2003 at 05:19 PM
raf.custers@euronet.be

Ouagadougou – La récolonisation de l'Afrique est en plein éclatement, aussi dans le domaine (le marché!) de la culture. Les chaînes européennes sont en train de conquérir d'emblée le continent. Elles souhaitent que les téléspectateurs s'abonnent aux ‘bouquets-satellite' européens. Et elles produisent quelques films de cinéastes africains – en obligeant leurs auteurs de re-formater leurs projets selon les normes européennes. Un report du Festival de cinéma pan-africain (FESPACO) au Burkina Faso.


Afrika-film/Formules à récoloniser
Ouagadougou – La récolonisation de l'Afrique est en plein éclatement, aussi dans le domaine (le marché!) de la culture. Les chaînes européennes sont en train de conquérir d'emblée le continent. Elles souhaitent que les téléspectateurs s'abonnent aux ‘bouquets-satellite' européens. Et elles produisent quelques films de cinéastes africains – en obligeant leurs auteurs de re-formater leurs projets selon les normes européennes. Un report du Festival de cinéma pan-africain (FESPACO) au Burkina Faso.
Pendant l'édition la plus récente du Festival de cinéma pan-africain (FESPACO) au Burkina Faso (22 février -1 mars), c'est la France qui s'est montrée la plus active. Pour la première fois, Paris a même daigné d'y envoyer un ministre (Pierre-André Wiltzer - Aide au développement) dans le but d'enjôler l'élite du cinéma africain.
Wiltzer mâchait bien ses mots. On aurait bien l'impression que la France ne veut qu'aider.
Mais Wiltzer n'a pas su cacher entièrement son jeu. Paris est en train d'élaborer tout un projet: Image-Afrique. Pour sa réalisation, il y aura besoin d'un ‘ajustement de notre dispositif de soutien financier' ( ?? les mots du ministre) et la France fournira de l'assistance technique, du support à la distribution ainsi que – question de façonner les esprits – de la formation. Au début de février au Mali il y a déjà eu un stage d'écriture: ‘Etonnants Scénarios' .

Sélection idéologique

Des chaînes et des autorités européennes investissent dans le cinéma africain. Encore plus: elles sont presque les seules à le faire. Voilà ce qui leur permet de poser des exigences arrogantes. Monsieur Garcia Velazquez de l'Union Européenne l'a dit carrément lors d'une conférence de presse: les projets de cinéma et les scénarios doivent être reformatés selon les normes européennes.
Ceux qui revendiquent les sous européens, doivent apprendre à penser, écrire et faire pression comme les Européens. Les africains qui ne suivent pas dans ce jeu européen peuvent se taper.
L'Union Européenne donne grande priorité à la révision des scénarios, au point même que les Directions de l'Education et de la Culture d'UE coopéront dans ce but !
L'UE demande que les dossiers sont mis en ordre avant de considérer le financement d'un projet. Elle se montre très sticte à ce niveau, en justifiant cette rigidité par des raisons purement formalistes. Toutefois, l'UE en tant que financier tient compte aussi de motifs idéologiques: elle préfère assister à la réalisation de films conformes au marché, qui sont rentables, et qui louangent l'ordre social établi. Voilà la signification réelle du formatage.
Par contre, l'industrie audiovisuelle européenne ne rend pas grand-chose à l'Afrique. Les films africains qu'elle (co-)produit n'attaignent guère les salles de cinéma africaines.

Dure concurrence

Entretemps l'Europe bouscule – surtout en Afrique occidentale – la télévision locale. Au FESPACO (une affaire très francophone) nous avons surtout noté les méthodes agressives des chaînes françaises et luxembourgeoises. TV5 (et par elle l'association des chaînes francophones CIRTEF, où nous retrouvons aussi la RTBf) a diffusé en Afrique depuis longtemps. Mais depuis une année, d'autres chaînes de télévision françaises ainsi que le groupe RTL déchaînent leurs programmes et leurs ‘bouquets' aux téléspectateurs africains.

Il est significatif que la chaîne culturelle franco-allemande ARTE en tire profit. ARTE en était à sa première présence au FESPACO, mais ça ne l'a pas empêché de faire un grand bruit commerciel au cours de cette mission. La chaîne a distribué des plumes et des T-shirt ainsi que des milliers de brochures luxueuses.
ARTE prétendait à Ouagadougou de n'exister que pour promouvoir la diversité culturelle. En réalité, ARTE veut surtout recruter le plus d'abbonnés que possible pour le bouquet-satellite de France5. ‘Au bout d'une année, nous avons amassé 15.000 abonnés par RDS (Réception Directe par Satellite)', nous dit André de Margerie, directeur d'ARTE. ARTE a exprimé son désir urgent de multiplier ce nombre.

Mais ARTE, toute comme la chaîne de la télévision française mondiale Canal France International ou comme la RTL, offre à ses spectateurs africains un contenu européen. Toutes les chaînes promeuvent l'Eurocentrisme idéologique, ainsi que – à part une exception quelconque émise à une heure absurde - la Pensée Unique du Libre Marché.

Privatisation

Le contexte de cette zèle de conquête audiovisuelle européenne est fourni par la privatisation entière des services (y inclues celles de la radio- et télédiffusion) qui est négociée au sein de l'OMC. Ce fut précisément André De Margerie d'ARTE qui attira l'attention là-dessus.
Cette tour de libéralisation a commencé en novembre 2001 à Doha et sa conclusion est prévue pour janvier 2005 au plus tard. L'Union Européenne prétend ne pas réclamer la privatisation de ses chaînes publiques. Il est toutefois probable que cela n'est qu'une partie de la vérité, et que l'UE souhaite en fait garder ses propres chaînes nationales (qui fonctionnent bien comme cerbères idéologiques et ressources pécuniaires), au même temps que l'industrie audiovisuelle européenne conquiert le public des chaînes nationales ailleurs – comme à l'Afrique. Ce processus a commencé et revient à une privatisation de fait.