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Abolir le pouvoir
by asymétrique Wednesday March 05, 2003 at 11:45 PM

Abolir le pouvoir-caméléon

Erigées après la seconde guerre mondiale, puis remodelées face aux assauts contestataires des années 60, les structures contemporaines du pouvoir politique, économique, culturel, médiatique et scientifique, entrent dans une phase de désagrégation. D'aucuns affirmeront au contraire que la médiocrité et l'apathie triomphent tous les jours un peu plus, bien loin du soulèvement et de la révolte. La télévision a envahi nos vies, la publicité est désormais omniprésente et la loi du marché s'impose systématiquement. Bref, le règne de l'actionnaire et du produit semble conforté et assuré pour des siècles et des siècles. Amen !

Cependant, s'arrêter à ce constat c'est d'abord et avant-tout relayer un certain type de discours, notamment médiatique, dont les formes carcérales s'apparentent à un catéchisme moderne. L'effet de réel entretenu par l'ensemble des sphères de pouvoir ne constitue pourtant pas le monde, si ce n'est à la manière de vastes et déformants écrans-miroirs où l'on est tour à tour nain et géant. Le doute d'abord frileux, qui s'est emparé des consciences lors de la dernière décennie, a dorénavant la force de cette simple évidence : les choses doivent impérativement changer.

Cet impératif de changement, qui préfigure les grands bouleversements à venir, puise naturellement dans les principes inaltérables d'égalité, de justice, de liberté et de dignité. Il rejoint en cela la grande chaîne historique des mouvements révolutionnaires. Néanmoins, il ne s'agit pas cette fois d'avancer en avant-garde « éclairée » et autoritaire, préparant en creux le pouvoir et ses séides futurs, frères siamois des puissants d'aujourd'hui, eux-mêmes usurpateurs des insoumis d'hier. Ce qui se joue c'est bien la capacité décisive de chacun à exercer son droit et sa responsabilité inaliénable d'être libre et autonome au sein d'un monde non hiérarchique.

Le pouvoir-caméléon a néanmoins de beaux jours devant lui. On continuera de lutter pour l'acquérir et de mourir pour le défendre, souvent au nom des plus nobles idéaux. Mais ce siècle, contrairement aux précédents, ne saurait survivre à l'imposture déjà trop répétée. Si l'on pouvait en effet tranquillement s'étriper depuis la nuit des temps, l'ère atomique a largement changé la donne. L'équilibre de la terreur, pseudo-garantie d'un statu-quo bâti à coup de murs entre les continents et de délirantes courses aux armements, a vécu.

Nous sommes maintenant très avancés dans nos « capacités » de destruction, massives ou chirurgicales ( !) selon l'angle où l'on se place. Dans ce contexte, penser que nos institutions, nos firmes et nos « grand(e)s » dirigeant(e)s, élu(e)s et non élu(e)s, sont suffisamment responsables pour parer ce risque relève d'une béate adoration. Non pas que ces derniers soient plus mauvais que nous « petits », qui veut faire l'ange fait en effet souvent la bête, mais le pouvoir est ainsi fait qu'il suffit d'en disposer pour devoir immanquablement l'exercer.

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