arch/ive/ief (2000 - 2005)

Gauche réformiste et contradictions débordantes
by kandjare Wednesday February 26, 2003 at 04:17 AM
kandjare@no-log.org 00 33 04 76 03 28 14 La charade, place du 8 février 1962, 38 400, Martin-d'Hères

Fiche technique n°16 : "Soutien aux vigiles en grève"

.LA SITUATION.
5 janvier 2003 : des vigiles de la "mobile" de l'entreprise Sécuritas-Meylan (près de grenoble) déclenchent une grève parce qu'ils ne sont pas contents de leurs conditions de travail.
L'histoire devient rocambolesque lorsque des gens bienveillantEs, des gens de "gôche" (des "citoyenNEs" quoi), émuEs par la situation, se mettent à épouser la cause de ces gaillards à la contraction de biceps si facile et à la démarche surmontée de rangers. L'élan de solidarité ne s'est pas seulement emparé de la gauche mièvre de type ps ou pcf (au passage : L'Humanité, organe du pcf avait déjà écrit des articles en faveur des grèves de vigiles en septembre 2001 ou en août 2002). Il n'a pas épargné en effet certaines franges alternatives ou soi-disant révolutionnaires. Les Alternatifs de l'isère publient ainsi dans leur mensuel de février (Nouvelle Gauche), une interview complaisante d'un monsieur de chez Sécuritas en grève. Les Barricades (fameuse chorale "révolutionnaire" de Grevil) chantent des cantiques révolus-révolutionnaires pour marquer leur soutien aux agents de la police privée un jour de février.

.RAPPEL HISTORIQUE ET SOCIAL.
Les syndicats de "gôche" (cgt, cfdt...) qui sont à l'origine de ce mouvement, n'en sont pas à leur première contradiction politique. S'étant rapidement détachés des principes anarcho-syndicalistes dans l'histoire du mouvement ouvrier, ces syndicats de cogestion n'hésitent pas à collaborer avec ce qui devrait être leurs pires ennemis, c'est-à-dire les patrons et l'état, pour aménager le système d'exploitation capitaliste (durant notamment ce qu'on appelle des "négociations"). C'est aussi sans vergogne que ces syndicats se sont mis à collaborer avec le bras armé des instances de domination (on trouve des syndicats de gôche dans la police ou chez les surveillants de prison... alors pourquoi pas chez les vigiles).
CertainEs travailleurEUSEs (on n'est pas heureuSEs quand on est obligéE de travailler!) n'ont sûrement pas oublié que lors des grèves, les méchants patrons n'hésitent pas à faire appel à des vigiles pour débloquer une grève, lesquels utilisent diverses formes d'intimidation ou participent directement aux évacuations en épaulant les flics.

.ENNEMIeS DE CLASSE ET RACISME.
Les théories et pratiques d'infiltration de classes (sociales) sont plutôt vouées à l'impasse. Nous ne voulons pas convaincre les flics-vigiles-matons qu'ils sont eux-aussi des prolétaires exploités par le méchant système. Nous voulons leur dire qu'en tant que bras oppresseurs des systèmes d'oppression, ils nous oppriment. Et que tant qu'ils joueront leur rôle, ils seront les ennemis de la révolution ludique, de l'émancipation subversive et de la libération sociale et quotidienne.
Halte aux contrôles des individuEs. Halte au contrôle des classes populaires par les classes populaires. Halte à la collaboration de classes. D'autant que cette collaboration s'accompagne de préceptes racistes. En tant qu'anarchistes et non-blancHEs, nous remarquons que l'emploi fréquent de vigiles non-blancs dans les espaces publics n'est pas anodin. Il relève de sous-entendus malsains qui trouvent là un prétexte pour refouler les considérations d'une société néo-coloniale («vous voyez, nous ne sommes pas racistes, car nous employons des Noirs et des Beurs»). Quand l'ordre dominant blanc emploie des vigiles non-blancs, il perpétue une racialisation de la société qui convertit des signes d'apparence biologique en stigmates discriminatoires. L'image de "l'étranger" est utilisée comme un spectre assigné à remplir le rôle social du "méchant", celui qui fait peur ; et dans ce cas, la peur est "utile" et "normalisante" pour l'ordre dominant, car elle participe du conditionnement intégré de chaque personne à rester dans le rang et à être unE bonNE flic-citoyenNE. L'utilisation en première ligne de chairs non-blanches dans la guerre sociale que nous vivons, renvoie explicitement à des usages colonialistes précédents. Elle renvoie notamment à l'importation de tirailleurs des colonies françaises d'Afrique, mis au devant des fronts pour servir de chair à canon durant les deux guerres soi-disant mondiales. Elle renvoie aussi à l'importation de travailleureuses immigrées pour faire tourner les roues broyeuses du productivisme industriel.
Aussi, les agences de sécurité ont mis en place le concept de "police de proximité" bien avant Chevènement et la gôche-plus-rien : "tu viens de quartiers chauds = on va t'envoyer dans les quartiers d'où tu viens car tu connais le mieux les pratiques de ces hordes sauvageonnes".

.LE TRAVAIL TOTALITAIRE.
La collaboration de classe apparaît aussi sournoisement dans les revendications des syndicats réformistes. Celles-ci perpétuent l'idéologie totalitaire qui veut faire du travail la seule raison d'être pour chacunE de nous. Ces revendications peuvent paraître légitimes (plus d'argent et de meilleures conditions de travail) mais elles ne remettent pas en cause l'origine-même des problèmes. Nous ne voulons pas plus d'argent dans l'absolu, car nous sommes contre l'argent (tant qu'il y aura de l'argent, il n'y en aura pas pour tout le monde)... et nous ne voulons pas de meilleures conditions de travail dans l'absolu car nous sommes contre le travail qui nous conditionne (tant qu'il y aura des exploitants, il y aura des exploitéEs). A cette idéologie du bonheur dans le travail exploitant, nous opposons la construction immédiate de modes de vie basés sur les principes d'autonomie et d'entraide, de prises de décisions concertées et autogérées, de luttes contre toutes les formes de domination et d'exploitation, et de réappropriation de nos vies et de notre temps.


.FAITES UN VOEU.
Que la grève des vigiles de la "mobile" dure longtemps et pour toujours, et que ceux de la "statique" (qui stagnent notamment dans certains lieux publics pour épier nos faits et gestes) s'y mettent pour qu'on puisse encore plus facilement libérer les objets qui se morfondent dans les étals de supermarchés...


kandjare@no-log.org
(févr 2003, grenoble-fr).