Pour la destruction des enfers carceraux et technologiques by solidarite camenish Tuesday February 11, 2003 at 11:09 PM |
solidarite_camenisch@hotmail.com |
La prison n'est pas circonscrite aux murs de beton qui s'erigent un peu partout : asiles psychiatriques, camps de retention pour immigr?s et r?fugi?s, centres pour mineurs delinquants, foyers pour pauvres? A ceux-la, on pourrait ajouter l'ecole - qui domestique les corps et formate les esprits - ou bien encore de nombreux ouvrages architecturaux a la fonction sociale determinee (cites, hopitaux, usines ? construit sur le m?me modele). Mais la prison c'est tout cela et bien plus encore.
solidarite_camenisch@hotmail.com
Appel ? des assembl?es de solidarit? avec Marco Camenisch
Pour la destruction des enfers carc?raux et technologiques
La prison n'est pas circonscrite aux murs de b?ton qui s'?rigent un peu partout : asiles psychiatriques, camps de r?tention pour immigr?s et r?fugi?s, centres pour mineurs d?linquants, foyers pour pauvres? A ceux-l?, on pourrait ajouter l'?cole - qui domestique les corps et formate les esprits - ou bien encore de nombreux ouvrages architecturaux ? la fonction sociale d?termin?e (cit?s, h?pitaux, usines ? construit sur le m?me mod?le). Mais la prison c'est tout cela et bien plus encore.
Elle agit d'abord comme une menace paroxystique faisant peser au-dessus de chacun-e la peur de la sanction pour tout crime ou toute d?viance - elle est le symbole visible du rapport de force du capital. Echapper ? la mis?re salari?e par exemple signifie franchir les limites ?troites de la loi, celles qui prot?gent ? la fois les poss?dants de ceux et celles qui voudraient se r?approprier leur vie, et celles qui g?n?rent les rapports sociaux qui permettent justement ? l'exploitation de perdurer :
famille, rapports genr?s, destruction de la plan?te, etc. Elle agit ensuite comme un ch?timent non point pour " r??duquer " ou " r?ins?rer ", mais bien pour punir et d?truire. Elle est historiquement dirig?e contre les pauvres et particuli?rement contre ceux et celles qui se r?voltent. On voit bien au niveau europ?en par exemple, la g?n?ralisation des r?gimes d'isolement et de terreur " blanche " qui sont destin?s non plus ? ?liminer en fonction du d?lit, de la peine ou de la dur?e, mais du comportement en son sein, c'est-?-dire du degr? de soumission (41 bis en italie, FIES en espagne, nouvelles prisons de type 3 en france, prison de type F en turquie, syst?me d'isolement en suisse?).
La prison ne constitue cependant pas le centre du dispositif de contr?le et d'an?antissement parce qu'elle a d'autres alli?s. Comme ?l?ment compl?mentaire ? ceux d?j? cit?s (?cole, usine?), elle ne peut cependant exister que par la servitude volontaire de toutes et tous d'abord parce qu'on n'?chappe pas ? ce monde et parce que les compromis pour survivre sont permanents et surtout confortables. Faute de mettre un maton / flic pour surveiller chacun-e, la soci?t? carc?rale a besoin de la participation de tous et toutes - et r?ciproquement. M?diatisant massivement tous les rapports sociaux, l'adh?sion y est obligatoire. La n?cessit? de ce syst?me appara?t comme une ?vidence et est reproduite ? chaque instant.
" Et pourtant le monde est rempli d'hommes et de femmes " libres " comme tous ceux-l?, femmes et hommes qui ne se rendent m?me pas compte que leur cellule est bien plus petite que la mienne, parce qu'elle ne d?passe pas leur ?piderme : ils sont ? la fois prisonniers et leur propre prison?
prisonniers d'eux-m?mes. Leurs ailes sont englu?es par un liquide visqueux et liberticide que les Etats r?pandent sur les individus, communaut?s, pour les emp?cher de voler et d'observer les monstruosit?s qu'ils accomplissent sur la terre? " Torre Nura, prisonnier sarde.
Derri?re le devoir de participation, c'est la collaboration qui se profile. Derri?re la d?sob?issance civile, c'est le dialogue avec les institutions et le jeu d?mocratique qui est activ?. Et il ne s'agit pas pour nous que de la simple question de la violence contre nos cages ou de d?truire la soci?t? et le capitalisme plut?t que de les changer : il s'agit de notre rapport au monde.
Nous nous reconnaissons dans chaque acte d'insoumission o? la question de la libert? - vue comme un rapport social port? par des individus autonomes hors de toutes m?diations, de toutes normes et de toute autorit? - est pos?e. Au-del? des classes et de l'exploitation, il y a les individus et les communaut?s (les jeux de la libre association cr?ant ? leur tour une dialectique entre les deux) qui ne se r?duisent pas ? leur force de travail. Au-del? de la violation de la loi, il y a la libert? qui ne se d?finit pas contre ou ? partir d'elle mais ? partir de nos d?sirs. Au-del? de la violence et de la destruction, c'est l'enti?ret? de la vie que nous d?sirons.
Enfin, derri?re ce refus de toute m?diation (journaflics, travailleurs sociaux, syndicats, associations ou partis), nous recherchons l'autonomie par la confrontation tous azimuts avec les oppresseurs. Et m?me si la fronti?re entre soumission et r?volte traverse non pas la soci?t? mais bien chacun-e de nous, chaque individu ne peut servir en m?me temps les deux camps : un vigile sans-papiers est d'abord un flic, un exploit? du BTP qui mure un squat est d'abord un expulseur, une AS qui fait signer un " contrat d'insertion " est d'abord une matonne, un m?decin qui signe un internement est d'abord un bourreau, un journaliste est d'abord un menteur et une balance, un ?lecteur est d'abord un esclave qui choisit le ma?tre qui va tous nous ?craser, et ainsi de suite.
L'ordre social n'est pas uniquement conserv? par la coercition mais aussi par la reproduction et la participation de chacun-e. Et si la coercition est pr?sente, c'est entre autres pour mater les r?volt?s qui se soul?vent et apeurer ceux qui en auraient l'id?e. D?truire toutes les prisons, c'est donc bien s?r d?truire la soci?t? qui les produit et les contient, mais c'est aussi en finir avec la servitude volontaire, ce qui implique comme base premi?re le refus des m?diations, du dialogue avec les institutions et de la participation.
Ce qui manque aujourd'hui, ce ne sont pas tant des luttes - inh?rentes ? l'oppression - ou leur degr? ponctuel de radicalit? (des tribunaux br?lent comme ? pontoise, des salari?s sont pr?ts ? faire sauter " leur " usine comme ? Cellatex, des ?meutiers saccagent des villes comme ? g?nes, des camps de r?tentions sont en feu comme en australie, des champs d'OGM sont ravag?s de-ci de-l?, des flics ? v?lo sont tabass?s comme ? pantin), mais bien plus leur port?e de rupture : l'autonomie des luttes suppose de ne pas reproduire d'embl?e toutes ces limites (m?diations collectives, collaboration individuelle) qui pr?cis?ment servent de fondement ? ce monde. Il ne s'agit pas ici de puret?, de morale, mais bien de refuser d'alimenter de nos ?nergies le ciment de l'exploitation et de l'ali?nation (d?possession tant corporelle qu'affective), de jeter les bases d'autres rapports et de commencer " ? vivre " ici et maintenant C'est le seul choix r?ellement tactique et strat?gique parce qu'il contient en lui-m?me sa propre efficacit? C'est pourquoi des luttes portant des possibilit?s de ruptures profondes avec ce syst?me ne peuvent exister que si autonomie et antagonisme se d?veloppent et s'alimentent mutuellement.
Un moyen de contr?le a progressivement p?n?tr? tous les rapports et toute la soci?t?. La technologie nous d?poss?de un peu plus de nos r?sidus d'autonomie en rendant le savoir inaccessible par son immensit? et sa parcellisation et en s'imposant comme une nouvelle n?cessit?. Elle impose par de nouveaux outils des normes sociales, obligeant chacun-e ? s'y int?grer (portable, internet, grande vitesse, ?nergie nucl?aire?). Se diffusant par la contribution de tous et toutes, elle p?n?tre et d?poss?de les individus jusque dans leurs corps. Elle m?le ?tats et industries offrant les possibilit?s nouvelles du contr?le total.
Le contr?le direct qu'elle permet (cam?ras, ?coutes, fichiers interconnect?s, g?n?tique, biom?trie - num?risation d'iris ou d'empreintes digitales) transforme la m?tropole en un gigantesque
panoptique et la plan?te en un centre ? surveiller. Les formes de r?pression qu'elle engendre (armes, chimie - m?dicaments et autres) d?multiplient le rapport de force en faveur du pouvoir face ? toute r?volte (individuelle ou collective). Elle permet de contr?ler et de g?rer la circulation massive des donn?es et des personnes (c?bles optiques, t?l?matique, num?rique, mobilit? ? grande vitesse) en fonction des besoins ?conomiques ou m?diatiques en restreignant encore d'avantage la communication r?elle, les d?placements volontaires et les ?changes humains.
Elle participe de l'id?e re?ue que l'histoire est arriv?e ? sa fin, que le capitalisme est l'unique solution et que le seul progr?s est scientifique. Pire, elle inscrit ce postulat dans la r?alit? en cr?ant sa propre n?cessit? mais cette fois-ci non dans un rapport social mais environnemental. Pourrions-nous d?truire la technologie sans faire appel ? elle pour ?liminer son h?ritage (pollutions chimiques, nucl?aires et g?n?tiques) ? Elle se rend ?galement indispensable car elle est un des piliers essentiels du dogme de la soci?t? qui l'a produite. Elle prolonge la foi industrielle n?e du positivisme, l'?mancipation par la machine. Elle est le seul progr?s social envisag?. Malgr? cette panoplie de contr?le maximal, il existe de nombreux-ses r?volt?-e-s.
Marco Camenisch est l'un d'entre eux.
" La solidarit? est le lieu o? se rencontrent la r?sistance et l'envie de libert?. Aucun mouvement ne pourra esp?rer dans sa victoire s'il laisse un seul de ses membres dans les griffes de l'?tat. Sentir que chaque combattant dans le monde est ton compagnon, fait que chaque lutte sociale devient radicale et dangereuse pour le syst?me. " A.T Lesperoglou, prisonnier anarchiste grec.
Marco Camenisch fut arr?t? en Suisse en 1980. Condamn? ? dix ans pour vol, association de malfaiteurs et des sabotages antinucl?aires, il s'?vada de prison avec cinq autres d?tenus en 1981. Pendant l'?vasion, un maton fut tu? et un autre bless?. Il v?cut alors dix ans en clandestinit?, p?riode au cours de laquelle il continua ses activit?s.
En 1989, il fut accus? du meurtre d'un douanier suisse. Il passa alors en italie o? il fut arr?t? fin 1991 et ?copa de 12 ans pour des sabotages ? l'explosif et pour la fusillade avec des carabiniers au cours de laquelle il fut pris. En avril 2002, il a ?t? extrad? vers la suisse o? il attend son jugement ? la fin de l'ann?e 2003.
Marco Camenisch a toujours refus? le dialogue avec les institutions judiciaires et p?nitentiaires. L'?tat lui fait payer le prix fort, la pression qui p?se sur lui ne se rel?che pas. Il est en quartier de haute s?curit?, a mis plusieurs mois avant d'obtenir un parloir avec son ?pouse et, gravement malade, doit notamment lutter quotidiennement pour l'acc?s aux soins qui lui sont n?cessaires. Le 18 janvier, il a entam? une gr?ve de la faim de un mois contre l'isolement.
Nous nous reconnaissons dans chaque acte de mutin? de la prison sociale, et notamment dans ceux dirig?s contre la technologie et la prison. La solidarit? n'est pas une posture, c'est une pratique. Elle permet de rejoindre et croiser diff?rentes formes de luttes. Elle n'est pas un slogan g?n?ral mais un lien avec des individus de chair et de sang qui a pour objet l'?change d'autres pratiques, des attitudes et des luttes.
Marco est l'un d'eux, et avec lui tous ceux et celles qui ont fait le choix de la praxis. C'est l'exp?rience d'un insoumis ? partir de laquelle continuer le d?bat mais aussi affirmer par des actes que la r?volte n'est pas une affaire de sp?cialistes mais celle de toutes et tous. D?passer cette solidarit? pr?cise c'est aussi affirmer notre volont? d'en finir avec ce monde, s'attaquer par exemple aux technologies ou aux prisons et combattre toute soumission.
Nous vous convions ? une assembl?e liant th?orie et pratique qui prendrait comme base le regroupement d'individus pour la destruction des enfers carc?raux et technologiques et la solidarit? avec tous les mutin?s de la prison sociale.