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Le surréalimse n'est pas à vendre!
by B. Péret Monday February 10, 2003 at 05:33 AM

Mais tous ceux qui sont conscients des atrocités commises quotidiennement par le système d'échanges capitalistes verront, dans cette vente au plus offrant, un nouvel effort pour récupérer tout ce qui est insurrectionnel, libre et sans entraves, afin de l'intégrer dans la mondialisation esclavagiste du capital.

LE SURRÉALISME N'EST PAS À VENDRE !
De L'Or du Temps aux Temps de l'Argent

Si vous croyez que les chaussures dernier cri vont rehausser vos charmes ou que c'est en payant les services sexuels de quelque personne inconnue que vos passions seront comblées, vous ne pourrez qu'approuver le titre dont un benêt de journaliste du New York Times affublait, mi-décembre 2002, la vente aux enchères imminente du contenu de l'appartement parisien d'André Breton, au 42 rue Fontaine : « LE SURRÉALISME À L'ENCAN : VENTE DIRECTE! » Comme il fallait s'y attendre, le quotidien "de référence" du Nouvel Ordre Mondial dénigre et calomnie André Breton et le Mouvement surréaliste international en les réduisant aux 5.500 "lots" d'objets, de livres, de photos, de manuscrits et d'œuvres d'art qui seront offerts en avril aux riches marchands, aux investisseurs et aux rabatteurs des musées.

Le gang de pilleurs de tombes bien connu espère que la braderie dépassera les 40 millions de dollars, mais la faillite lamentable de cette entreprise sautera aux yeux de tous ceux qui savent que le Surréalisme, pas plus que l'amour, la liberté ou l'imagination, ne s'achète ni ne se vend. Si la déplorable dispersion de la collection d'André Breton est, à l'évidence, une tragédie, c'est d'abord une forfaiture éhontée de la part des autorités françaises qui va plus loin qu'un mauvais coup porté aux chercheurs : c'est une tentative criminelle pour oblitérer les preuves irremplaçables d'un courant historique et culturel
subversif, libérateur et révolutionnaire, non seulement en France mais dans le monde entier. L'ignorante clique réactionnaire et chauvine qui domine aujourd'hui la vie politique française oscille entre crainte et dégoût pour la mémoire et la présence vivante d'André Breton qui, soit dit en passant, ne fut jamais un homme riche. S'il s'agissait d'une collection impressionniste, cubiste ou fauviste ou autre école littéraire ou artistique, l'État français serait intervenu illico pour faire main basse sur ce trésor national. Mais André
Breton personnifie toujours les vertus les plus scandaleusement rebelles à toute autorité : insubordination, révolte, révolution, et liberté ici et maintenant ! Farouche opposant au colonialisme français, à l'impérialisme, au capitalisme, à la suprématie blanche et à toutes les formes d'exploitation et de racisme, l'auteur des Manifestes du Surréalisme est l'"ennemi de l'État" par excellence.

Ce que le New York Times s'est bien gardé de dire, c'est que les droits de succession, exorbitants en France, ont obligé la fille d'André Breton, notre amie Aube Elleouët, à mettre la collection en vente.

Il va de soi que la vie et l'œuvre d'André Breton ne se limitent pas aux livres et au contenu de son appartement. Seuls les médias retors de la classe dirigeante, dont la fonction première est de flatter divers intérêts commerciaux, verront dans cette opération la liquidation du Surréalisme. Mais tous ceux qui sont conscients des atrocités commises quotidiennement par le système d'échanges capitalistes verront, dans cette vente au plus offrant, un nouvel effort pour récupérer tout ce qui est insurrectionnel, libre et sans
entraves, afin de l'intégrer dans la mondialisation esclavagiste du capital.

Ce cambriolage du 42 rue Fontaine, destiné à rendre caduc le Surréalisme, nous rappelle à quel point le capitalisme est devenu nocif : à son stade ultime, c'est un régime aussi stable qu'un château de cartes, un système de vente pyramidale basé sur les comptes truqués des profiteurs de guerre, sur l'arnaque à l'endettement programmé du consommateur naïf, les tours de passe-passe que réalisent les experts comptables des multinationales et une éthique d'organisation maffieuse. Le meilleur exemple de ce grand foutoir, c'est le budget militaire des États-Unis et leur système carcéral (les plus
importants de la planète), ainsi que les mirifiques salaires de stars des profiteurs comateux qui contrôlent l'économie virtuelle-marchande du Hi-Tech ultra-spectaculaire.

Dans son essai de 1930 (in Point du Jour) sur les rapports du travail intellectuel et du capital, Breton s'inspirait déjà de Marx pour nous mettre en garde contre les dangers d'un marché malade de sa dépendance à l'égard d'une marchandise fétichisée. Le produit du travail intellectuel ne devient marchandise que si la société bourgeoise parvient à le rendre rentable. Comme Breton le dit fort bien : « […] il en va, en régime capitaliste, de
certaines productions très rares de l'esprit comme de l'extraction de certaines matières précieuses qui, tel le diamant, toujours d'après Marx, sont loin, à ceux qui les cherchent, de "payer complètement leur valeur". » Trente-sept ans après sa mort, c'est au tour des produits de son propre travail intellectuel de se faire détourner par les manipulateurs d'un monstrueux racket marchand, construit autour des absurdes valeurs du "marché de l'art". Breton avait comme épitaphe : « JE CHERCHE L'OR DU TEMPS. » Aujourd'hui, cette quête est obscurcie par ceux qui règnent sur ces Temps de l'Argent.

Au même instant, aux États-Unis, certains "fans" du Surréalisme, aux intentions fort peu claires, en compagnie de certains universitaires spécialisés dans la distorsion de la pensée de Breton et de critiques ouvertement hostiles au Mouvement surréaliste - sans parler d'une troupe de faux poètes - ont exprimé leur mépris pour cette braderie : dans des lettres et des pétitions, ils supplient les autorités de la ville de Paris et de l'État français
d'acquérir tout ce fonds afin d'en faire un « Musée André Breton » ! Nous tremblons quant à nous devant un tel projet, situé aux antipodes de tout ce qu'il représentait. N'accordant aucun crédit à la bienveillance d'un quelconque gouvernement, nous n'avons nulle envie de voir rabaisser l'héritage d'André Breton au rang de reliques protégées par des gardes armés ou le nec plus ultra des systèmes de sécurité dans un mausolée d'État.

Le fait que nous comptions quelques individus que nous respectons parmi les signataires de ces pétitions est bien la preuve de l'état désespérant de la politique actuelle du «moindre mal». Camarades, encore un effort! Nous exhortons tous ceux qui s'opposent au pillage légal des dépouilles d'André Breton de se consacrer au combat contre l'horrible système d'exploitation, de domination, d'écocide et de guerres qui continue jour après jour d'empiler les misères sur le monde. « Sur une heure de travail, le capitalisme s'en attribue la moitié… sans paiement », concluait André Breton : « Jusqu'à ce que cette dette écrasante se paye », ajoutait-il, « il n'y a pas lieu de faire un sort aux doléances spécifiquement intellectuelles. » À son sens, il s'agissait plutôt pour nous de consacrer nos énergies à aider « ceux qui ont ainsi à pâtir de l'ordre actuel des choses à servir sans réserves, comme étant la leur, la cause admirable du prolétariat » - une cause dont la spécificité a pu changer depuis soixante-dix ans, mais dont les visées anticapitalistes demeurent aussi urgentes et aussi vivaces que jamais.

Toutes les enchères du monde ne suffiraient pas à laver une tâche de sang intellectuel !

Face à tout ce qui est pleurnichard, geignard, misérabiliste, répressif, ennuyeux, obscurantiste, cupide et corrompu, le Surréalisme vivra !


LE MOUVEMENT SURREALISTE AUX ETATS-UNIS — JANVIER 2003
http://www.surrealism-usa.org

Formé en 1966 à Chicago avec les encouragements d'André Breton et des groupes
surréalistes de Paris et du monde, il est aujourd'hui encore un des groupes les plus actifs et prolifiques du Mouvement surréaliste international.


"Surrealism is not for sale – The Gold of Time in the Time of Gold" édité par LES LOUPS SONT FÂCHES, Paris, fév. 03. Ce texte est libre de droit et destiné à la plus grande diffusion possible.

tralala
by david Tuesday February 11, 2003 at 01:00 PM

peut etre que le surréalimse n'est pas à vendre, par contre, le surréalisme, lui, est en solde