arch/ive/ief (2000 - 2005)

Seraing « ville morte » pour Cockerill
by Arnaud Friday February 07, 2003 at 01:02 PM
arnaudleblanc@swing.be

Ce vendredi 7 février, 5.000 personnes se sont rassemblées à Seraing contre la décision du groupe sidérurgique Arcelor de fermer la phase à chaud dans le bassin liégeois.

Seraing « ville mort...
cockerill06zvqhzb.jpg, image/jpeg, 450x337

Ce vendredi 7 février, plus de 5.000 personnes de Cockerill et d'ailleurs se sont rassemblés à Seraing contre le projet d'enterrement de la phase à chaud de la sidérurgie liégeoise.

Les travailleurs en grève de Cockerill (Seraing, Ougrée, Herstal…), les syndicats, l'éternel parti socialiste sérésien, les habitants de Seraing, ses étudiants et de nombreux représentants de différents secteurs se sont réunis dans le centre de la cité du fer et de l'acier pour contester la décision d'Arcelor de mettre fin, dès 2006, à la phase à chaud de la sidérurgie du bassin liégeois.

Parallèlement, l'ensemble de la cité s'est déclarée « ville morte » pour contester la mise à mort économique de la commune et de la région. Ainsi, c'est toute la localité qui s'est mobilisée contre la décision du premier groupe sidérurgique au monde. Le parti socialiste et l'administration communale dans son ensemble, conscient de la proximité des élections, usent de nombreux moyens pour mobiliser sa population contre la crise économique qui se prépare dans l'entité comme dans toute la région. Ainsi, parmi les orateurs qui ont animé le rassemblement, le Bourgmestre de Seraing, des représentants des jeunes de Seraing et un représentant pour chacun des deux grands syndicats. Mais sans surprises, les travailleurs de Cockerill se sont montrés inquiets, interrogés et souvent énervés par les discours. Le bourgmestre Guy Mathot a dû même essuyer des huées méprisantes, des attaques verbales et des jets d'œufs. De façon générale, les travailleurs lui reprochaient comme à l'ensemble de la hiérarchie politique et syndicale leur passivité qui a précédé la période électorale et la mauvaise gestion dont ils ont fait preuve depuis les années soixante en ce qui concerne l'industrie wallonne.

La fin de la phase à chaud ici, la future disparition des hauts-fourneaux et des cockeries, c'est la fin de Seraing sur le plan économique mais l'impact de la fermeture va bien plus loin. Les hauts-fourneaux, les usines, Cockerill, c'est l'âme de Seraing, c'est ce qui a fait son histoire, c'est ce qui entretient financièrement les familles, c'est ce qui fait marcher les commerces. En tant qu'entité, la ville de Seraing doit tout à la sidérurgie et maintenant qu'elle ne la contrôle plus du tout, c'est tout le monde qui va payer les caprices des actionnaires d'Arcelor.

Seraing souffre depuis longtemps de la mauvaise situation économique du secteur de la sidérurgie. Au fil du temps, au fur et à mesure des restructurations successives, la prospérité de l'entité sérésienne s'est grandement affaiblie. Des quartiers entiers, autrefois prospères et animés, sont maintenant laissés à l'abandon. Les commerces disparaissent de plus en plus et les activités meurent à petit feu. Le taux de chômage à Seraing, avant le séïsme annoncé pour 2006, s'élève à près de 27% et c'est sans compter toute la population qui dépend du CPAS. Cockerill a fait vivre et prospérer Seraing, sa décomposition par l'élite économique mondiale risque bien de lui livrer un coup fatal.

La mobilisation pourtant peut sembler bien tardive. Il ne faisait aucun doute il y a déjà plus d'un an que le secteur à chaud du bassin liégeois allait être sacrifié sur l'autel de la plus-value. Malgré cela, et souvent avec acharnement, les pouvoirs politiques communaux, les syndicats chrétiens comme socialistes ont préféré faire confiance dans la parole des argentiers du monde plutôt que de voir la situation en face. Au fil des mois, les responsables syndicaux ont tout fait pour rassurer leurs affiliés et noyer le problème. Ils ont sans cesse répété leur confiance dans les accords passés, dans le plan « Delta », ils ont laissé faire les restructurations dans l'espoir que la servilité des travailleurs belges leurs assurent une position de faveur par rapport aux autres sites menacés. Pourtant, la certitude de l'annonce de la fermeture ne faisait aucun doute dans l'esprit de la grande majorité des travailleurs. Dès novembre 2002, de nombreux ouvriers craignaient la prochaine fermeture, certains se sont mis en grève mais l'attitude générale de la hiérarchie syndicale les a convaincus de ne pas se faire remarquer.

Mais le résultat est là. Le conseil d'administration d'Arcelor n'a que faire du bien être économique d'une région. Il ne se soucie pas que les travailleurs soient dociles ou enragés. Et, il a bien raison, derrière ses propriétés au Luxembourg, derrières ses actionnaires disséminés dans le monde, derrière ce pouvoir qu'on ne saurait pas localiser et dénoncer formellement, derrière les paillettes du libéralisme et de l'économie de marché, les responsables sont bien à l'abri de quelque désagrément que ce soit. Le seul espoir que l'on peut conserver est bien dans l'union des travailleurs en lutte, ceux de Liège à Charleroi, mais aussi ceux du groupe Eko Stahl en Allemagne, les travailleurs de Loraine en France. Tous ces travailleurs sont condamnés à court terme, 2006 pour certains, 2010 pour d'autres. Comme le disent si bien les administrateurs d'Arcelor, c'est le principe de la sidérurgie continentale qui s'oppose à la rentabilité de la multinationales et de ses actionnaires. Si les travailleurs veulent faire preuve d'efficacité pour sauver leur outil, c'est par la construction d'une nouvelle forme de lutte, la lutte mondialisée uniquement qu'ils y arriveront. Ce n'est pas en Belgique que l'action se révélera efficace mais bien au niveau européen voir mondial.