Selon que vous serez puissant... by Carine Russo, citoyenne belge Friday January 31, 2003 at 04:46 PM |
Il est normal que si plainte il y a contre moi, la procédure suive son cours. Mais l'interprétation du droit par certaines juges est subjective et semble varier selon le nom que vous portez.
Au terme d'une semaine chargée en rebondissements dans certaines affaires judiciaires me concernant au premier chef, j'ai constaté que le débat public était déjà ouvert sur la question précise de mon renvoi en
correctionnelle.
N'ayant eu moi-même que très peu la parole à ce sujet, j'ai souhaité apporter quelques précisions à cette `affaire Russo´ que nul ne connaît très clairement au départ. Car au plan purement judiciaire, la question
qui se pose, en effet, n'est pas pourquoi cette décision de me renvoyer en correctionnelle suscite tant d'émotion alors qu'elle n'est que le cheminement d'une plainte pénale habituelle.
Mais est-ce bien cela le cheminement normal d'une plainte pénale? A cette question, il faut répondre: oui. Vient ensuite: mais pourquoi une décision si lourde? Existe-t-il contre moi suffisamment de charges suite à la plainte avec constitution de partie civile de l'ex enquêteur de Neufchâteau? A cette question il faut répondre: non. Ou alors l'appréciation de la notion de charge varie considérablement selon que l'on s'appelle `Nihoul´ ou que l'on s'appelle `Russo´.
Il faut donc malheureusement déduire que l'interprétation du droit permet toutes les subjectivités, toutes les injustices, tous les règlements de comptes jusqu'aux plus mesquins. Si l'on veut vraiment expliquer la chose judiciaire au citoyen, il faut alors tout leur dire. Tout leur expliquer, c'est me permettre de donner le `A´ et le `Z´ de cette déplorable affaire. Tout a été écrit, en effet, sur ce dossier qui, je le rappelle, ne concerne que moi et monsieur Demoulin, au départ. Tout a été écrit sans que me soit donnée une seule fois la possibilité d'exprimer, non pas tant mon point de vue, mais la matérialité des faits.
Ainsi, si le gendarme Demoulin a usé de son droit d'ester en justice contre moi en portant plainte pour dénonciation calomnieuse, si une enquête a été légalement ouverte de ce fait, si j'ai été entendue à deux
reprises par les autorités judiciaires pour apporter mes explications, si un semblant d'instruction à charge et à décharge a eu lieu constituant ainsi le dossier répressif, et si tout jusque là correspond à un cheminement normal du processus judiciaire, je ne peux que m'étonner en découvrant qu'à aucun moment, les juges, tant d'instruction que de la Chambre du Conseil, ne se soient posés cette essentielle question: `y a-t-il eu oui ou non dénonciation calomnieuse?´.
Pour le savoir, il aurait fallu que l'on vérifie si les propos de ma lettre au juge Langlois (une réponse à l'un de ses courriers, faut-il aussi le rappeler), étaient fondés ou non? Chose qui n'a pas été faite. Dès lors, et c'est là le point d'achoppement, peut-on encore prétendre que l'on se trouve ici dans le processus normal d'une investigation judiciaire?
Comment peut-on juger que je mérite le renvoi en correctionnelle pour des faits de dénonciation calomnieuse, sans posséder ces éléments de base à la vérité qu'auraient été les vérifications effectives de la véracité ou la fausseté de mes propos au juge Langlois.
Si le citoyen a du mal à comprendre que je me vois aujourd'hui renvoyée au Tribunal correctionnel, ce n'est pas tant sur le fait que la loi et le processus judiciaire doivent être applicables pour tous de la même façon. C'est qu'il perçoit intuitivement que justement, ce processus n'est pas appliqué à tous de la même façon. Il suffit de constater que la notion de charge est très variablement interprétée par certains juges selon le nom que vous portez.
Par exemple, il apparaît qu'être un escroc patenté, repris de justice, en relation `d'affaires´ avec des ravisseurs d'enfants, ne constitue pas un élément de charge suffisante pour être renvoyé au Tribunal et être amené à s'expliquer. Par contre, être une femme fatiguée (mais qui reste vigilante) par une succession de dysfonctionnements judiciaires ayant eu lieu dans une interminable enquête sur l'enlèvement criminel de son
enfant constitue une charge suffisante aux yeux de certains juges pour le renvoyer au Tribunal sur le simple fait d'avoir exprimé son point de vue dans un courrier au juge d'instruction à la tête de cette enquête.
A partir de cette tranquille comparaison, on peut vite se rendre compte où le bas blesse dans le fonctionnement de la justice et constater que rien n'a changé depuis les temps de Monsieur de La Fontaine: `selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir´. Selon que vous serez puissant ou misérable, on interprétera les règles du droit à votre bénéfice ou en votre défaveur. Selon que vous serez puissant ou misérable, on trouvera des charges à votre encontre ou on les balayera d'un revers de plume.
Aucune démarche positive, de nature à rapprocher le citoyen de la justice, ne peut être efficiente sans poser ces fondamentales questions: les droits de chacun sont-ils réellement respectés par les juges, selon que vous serez puissant ou misérable? Quant à l'indépendance des juges, est-elle uniquement garante d'impartialité ou permet-elle aussi trop aisément les abus de pouvoir?
D'ailleurs, de quelle sorte d'indépendance parle-t-on? Indépendance par rapport à qui? Par rapport à quoi? Voilà sans aucun doute où doit se situer le débat pour un rapprochement justice et citoyen.
En résumé, je voudrais dire ma conviction après plus de sept années de parcours obligé dans les méandres de l'institution judiciaire: aucune justice ne tient sans le requis préalable d'une justice sociale effective. C'est le délitement de celle-ci qui creuse d'années en années, de plus en plus profond, ce fameux fossé entre les justiciables et les tenants du droit pur et dur.