arch/ive/ief (2000 - 2005)

Saddam n'a pas de projet idéologique, il n'a même pas de religion, il n'est même pas musulman, ce con. Et surtout, il est à la tête d'aucune puissance militaire, il n'est à la tête d'un pays en tutelle depuis 10 ans, surveillé par des avions espions 24 heures sur 24 depuis 10 ans, un pays affamé, exsangue, pris dans la camisole de force des sanctions. Un pays sans marine, sans aviation. Un pays que les Américains et les Anglais bombardent un petit peu tous les jours depuis 10 ans. Et c'est cette redoutable puissance qui ferait courir au monde un danger si urgent qu'il faille masser 200000 hommes à ses frontières?

Soyons clairs. Ce ne sera pas un match. Avant d'engager un seul soldat au sol, les Américains vont bombarder, bombarder, bombarder. Ils vont détruire ce qu'il reste de l'Irak en utilisant comme en 1991 des obus contenant de l'uranium, des obus fabriqués avec leurs déchets nucléaires, dont la radioactivité dure des millions d'années...

En 1991, les Américains ont déversé sur l'Irak l'équivalent de sept fois la puissance de la bombe atomique d'Hiroshima. Détruisant toutes les infrastructures, télécommunications, égouts, tout. Entre 130000 et 180000 morts, dont 70% de civils ( Chiffres cités dans La Question irakienne, Pierre-Jean Luizard (Fayard, sept. 2002). M. Luizard est chercheur au CNRS, spécialiste d'histoire contemporaine de l'islam.).

Saddam le monstre des monstres qui torture lui-même les petits enfants devant leurs parents? Combien d'années VOUS américains avez-vous toléré Pinochet? Bokassa? Amin Dada? Somoza? Trujillo? Stroessner?
Non seulement vous avez toléré tous ceux-là, mais vous les avez installés, vous les avez dorlotés, vous les avez armés, vous avez instruit leurs tortionnaires, comme vous avez aussi dorloté et armé Saddam.
Et vous venez de vous apercevoir que Saddam torture? Non? Vous n'êtes pas sérieux, il torture? Mais c'est épouvantable. Videla-Massera-Galtieri, ça vous rappelle quelque chose? Les présidents de l'Argentine dans les années 1980. Trente mille morts, 30 000 arrestations la nuit, des universitaires, des syndicalistes, on les emmenait faire un tour d'hélicoptère au-dessus de la mer. Plouf. Aucun président des États-Unis n'a jamais menacé Videla, ni Galtieri... Il est vrai qu'ils étaient dans l'axe qui faisait du bien aux intérêts américains dans la région.

Mais je m'excite pour rien. La guerre est une certitude. La guerre est commencée d'ailleurs. M. Bush est même en train de livrer sa plus difficile bataille: celle de l'opinion publique. Là aussi l'engagement est total. L'enthousiaste mobilisation des pacifistes donne l'impression d'une chaude résistance. En fait, l'opposition de la rue, le peuple, est beaucoup plus tiède, beaucoup plus molle. Et c'est dans ce mou-là que frappe M. Bush. Dans ce mou-là qu'il enfoncera, mercredi prochain, ses fameuses preuves que les Irakiens cachent des armes de destruction massive.

L'important, c'est que vous soyez ébranlés. On vous montrera des trucs, des machins, des bidons. Ce sera écrit acide botulique dessus, en arabe. Mais on vous traduira, ne vous inquiétez pas. (Au fait, j'y pense à l'instant, ces preuves, ne sont-elles pas aussi la preuve que Saddam ne peut rien cacher?) On vous dira le danger de tout ça dans une mise en scène soigneusement réglée, roulement de tambour et tout le tralala. Tadam!
Le moment a été choisi depuis longtemps comme devant être le turning point de la bataille pour gagner l'opinion publique. Le but de l'opération est d'amener des millions de gens dans le monde, à dire exactement ceci: «J'étais un peu contre la guerre, mais là, vraiment, Saddam exagère!»

Plus qu'à la guerre elle-même, l'opinion américaine et internationale est opposée à une intervention américaine sans l'accord des Nations unies. Cela n'arrivera pas. Je l'ai écrit l'autre jour et je persiste: la France, la Russie, l'Allemagne vont finir par se rallier à MM. Bush et Blair. Ils iront tous ensemble remplir leur petit bidon d'essence à Bagdad.

Ne vous demandez pas s'il y aura la guerre. Elle est déjà en cours. Même que vous êtes l'objectif de la première grande bataille. Rassurez-vous, vous n'en mourrez pas. On va juste vous endormir.

Pierre F.

Il ne faut pas oublier une chose importante, c'est que la France, l'Allemagne et d'autres pays ont pour "rôle" d'être (et représenter) l'opposition, les récalcitrants, ceux qui sont septiques quant au bien fondé de cette guerre, ceux aussi qui pensent que l'issu à une guerre longuement réfléchie ne peut être que positive. De ce fait, les citoyens réticents et plus modérés s'identifient à eux, cependant, au fur et à mesure que ces chefs d'états durcissent de ton en changeant de discours, l'opinion publique, prise dans les filets, se retrouve alors à suivre aveuglément cette même logique...

C'est ce qui va probablement arriver...

Boycott Louis Michel and co