arch/ive/ief (2000 - 2005)

Irak : allié hier, menace aujourd'hui ? Pourquoi ?
by GF (posted by protesta) Sunday January 26, 2003 at 03:40 PM

Avec la diabolisation actuelle de l'Irak par les USA et les impérialistes Européens, on pourrait oublier que pendant plus de 15 ans, entre 1975 et 1990, ce pays a été tenu à bout de bras par l'occident. Mais aussi, qu'en 1991, les USA ont sauvé Saddam d'une insurrection populaire.

1968 - 1980 : De l'anti-impérialisme à l'alliance avec l'impérialisme.

En 1968, par un coup d'État, le parti Baas arrive pour la deuxième fois au
pouvoir. Ce parti qui se veut nationaliste, laïque, et socialiste, s'était
distingué en 1963 par une féroce répression du PCI (Parti Communiste
Irakien). Les USA ont donc un à priori favorable à son arrivée au pouvoir.
Les choses se gâtent quand, en 1972, ce parti (alors dirigé par Ahmad Hassan
al Bakr) conclut un traité d'amitié avec l'URSS et nationalise le pétrole.
Le PCI et les Kurdes soutiennent alors le Baas. Mais dès 1974, le régime
rompt avec le PCI et le réprime. Cette répression pousse l'URSS a cessé
toute livraison d'armes et à suspendre le traité d'amitié. L'Irak, qui
dispose avec la nationalisation du pétrole de ressources financières
importantes, se tourne vers les occidentaux qui vont se disputer le marché
de la technologie et des armes irakiennes. La France permet à l'Irak d'
accéder à la technologie nucléaire (Réacteur OSIRAK détruit en 1981 par un
raid israélien). L'Italie et l'Allemagne lui apportent la technologie des
armes chimiques. Tout se passe avec l'aval des USA, qui sont eux-mêmes
fournisseurs, mais qui donnent aussi leur accord à Israël pour détruire les
infrastructures nucléaires. Lorsqu'en 1979, Saddam Hussein élimine Hassan Al
Bakr, l'Irak est un allié profitable de l'occident.

1980 - 1988 : Saddam Hussein combat pour l'occident

Le Baas qui avait pu, grâce à la rente pétrolière, favoriser le
développement d'une petite bourgeoisie qui était sa base sociale, est à la
fin des années 70, déjà un régime discrédité. La politique d'armement pèse
sur le budget de l'État.
La révolution islamique en Iran est perçue comme une menace, par l'écho qu'
elle peut avoir dans la majorité chiite du peuple irakien. Saddam pense que
c'est aussi une occasion de régler par les armes des litiges territoriaux
anciens. L'Iran est en pleine révolution et désorganisation. La victoire
devait être aisée.
En Septembre 1980, l'Irak attaque l'Iran, avec l'accord tacite des USA. Les
premières batailles lui sont favorables, mais dès 1982, la situation s'
inverse. L'Iran pénètre en territoire irakien. L'armée irakienne est
suréquipée, mais moralement faible et peu combative face à des iraniens
moins bien armés, mais déterminés.
Saddam va être sauvé par l'aide apportée par l'occident. La France fournit
des avions et des véhicules blindés, l'Allemagne des armes chimiques, les
USA des hélicoptères de combat et du matériel informatique pour
perfectionner ses missiles balistiques. Washington encourage les pays du
Golfe à faire crédit sans compter à l'Irak qui s'endette pour plus de 100
milliards de dollars. Dès 1985, les USA dépassent la France comme premier
fournisseur de l'Irak.
Aux USA, le lobby pro irakien comporte les principales compagnies
pétrolières. Les USA s'opposent à la condamnation de l'Irak pour usage d'
armes chimiques en 1983 contre les iraniens. Et le conseil de sécurité de l'
ONU dénonce l'usage des gaz sans nommer l'Irak.

Les USA fournissent à l'Irak des informations sur les mouvements de l'armée
adverse recueillis par les avions d'observation AWACS. En 1986, la marine US
intervient contre l'Iran pour éviter la débandade des armées irakiennes.
Dans le même temps pourtant les USA, par l'intermédiaire d'Israël, livrent
des armes à l'Iran. Ce que veulent les USA, c'est qu'il n'y ait ni vainqueur
ni vaincu, et comme le disait Henri Kissinger, « qu'ils continuent à s'
entre-tuer le plus longtemps possible ». Les USA ne veulent dans cette
région aucun État réellement fort, pouvant contrarier leurs intérêts.

1990 : La seconde guerre du Golfe

Avant 1990, le jugement de John Kelly, sous secrétaire d'État américain, est
que « l'Irak de Saddam est une force de modération dans la région ». L'Irak
est alors un bon client des USA avec plus de 3 milliards d'achats de
matériel en 1990, et un de leurs principaux fournisseurs de pétrole. Après
de gazage des populations Kurdes de Halabja, Bush père s'oppose au vote par
le sénat américain de sanctions contre l'Irak.
L'Irak endetté ne peut pas payer les créanciers, les pays du Golfe en
particulier. Devant le refus de ceux-ci de reconnaître que l'Irak a aussi
défendu leurs intérêts, l'Irak annexe le Koweït en août 1990. L'Irak, «
troisième armée du monde », selon les USA, devient la menace principale.
Cette menace permet aux USA d'établir des bases en Arabie Saoudite, alors
que depuis 50 ans ce pays s'y refusait.
En janvier et février, pendant 42 jours, 85.000 tonnes de bombes sont
déversées sur l'Irak (7 fois la puissance de la bombe d'Hiroshima). Fin
février, les soldats irakiens en déroute livrent leurs armes au peuple à
Zubayr. En quelques jours, tout le sud Chiite se soulève, rejoint bientôt
par le Kurdistan. 15 provinces sur 18 sont aux mains des insurgés.

Mars 1991 : Les USA au secours de Saddam Hussein

Le 28 février, les USA décrètent un cessé le feu unilatéral, permettant
ainsi à la Garde nationale, troupes d'élite du régime, de se replier sans
trop de pertes. Cette Garde nationale reprend alors le sud insurgé avec l'
appui tacite des USA et de leurs alliés. Le 3 mars, les chefs militaires
irakiens obtiennent de pouvoir faire voler des hélicoptères et d'utiliser l'
artillerie.
Les troupes alliées neutralisent les dépôts d'armes pour éviter qu'ils ne
tombent aux mains des insurgés. Saddam peut bombarder à l'arme chimique la
ville de Rumaytha sans que les alliés ne s'en émeuvent. La répression a fait
entre 100.000 et 150.000 morts, soit un nombre de victimes équivalent aux
bombardements. Le Kurdistan ne subit pas un sort aussi dramatique. Le 16
avril, les troupes US pénétraient au Kurdistan pour éviter l'exode massif
des populations.

Depuis 1991, l'Irak dépendant des USA ....

Depuis, la fin de la guerre du golfe, l'Irak est un pays étroitement
dépendant des USA. Le Kurdistan, autonome de fait, est un protectorat
américain que se partagent le PDK et l'UPK. Il reçoit directement 13% des
ressources versées à l'Irak au titre de l'accord « pétrole contre
nourriture ».
Tous les échanges de l'Irak, hormis ceux faits en contrebande, sont
contrôlés par l'ONU et par les USA, qui sont le principal consommateur du
pétrole irakien. L'Irak a totalement perdu le contrôle de l'écoulement de
son pétrole et du prix auquel celui-ci est négocié. L'embargo permet aux USA
de s'opposer aussi à tout accord pétrolier de l'Irak avec l'un de leurs
concurrents. La société russe Loukoil qui négociait des contrats d'
exploitation en Irak a dû y renoncer.
Le lobby pétrolier américain a donc milité pour obtenir un déplafonnement
des quotas de pétrole commercialisé par l'Irak au titre de l'accord «
pétrole contre nourriture ». En juillet 2001, l'ONU autorisait le
déplafonnement complet des quantités de pétrole vendues par l'Irak au titre
de cet accord. Tout le pétrole irakien pouvait donc s'écouler sous le
contrôle indirect des USA.
Cette situation d'embargo qui pèse lourdement sur le peuple irakien, est une
aubaine pour le régime de Saddam, qui reste le seul interlocuteur de l'ONU.
Le clan familial de Saddam est le principal bénéficiaire de la contrebande
et de la redistribution des produits échangés au titre de l'accord. Son fils
s'est assuré le monopole de la commercialisation du poulet qui est devenue
la principale viande produite et consommée en Irak. Les USA, comme le régime
de Saddam, auraient intérêt au maintien du statu quo. Alors pourquoi cette
guerre en préparation ?

Les trois raisons de la guerre en préparation !

L'enjeu irakien, n'est pas immédiatement pétrolier, puisque le pétrole
irakien coule déjà sous contrôle US. Il est global.
Il y a d'abord l'affirmation des USA en tant que puissance impérialiste
hégémonique. Par la guerre, ils obligent leurs concurrents actuels
(Européens, Russe, etc.) à se comporter en alliés et à abandonner toute
autonomie, à faire front contre un ennemi commun désigné par les USA.
Il y a un enjeu régional. Les deux grands pays de la région, l'Arabie
Saoudite et l'Iran sont en crise et connaissent des évolutions qui
inquiètent les USA. Imposer en Irak un régime militaire, contrôlé plus
directement par les USA, est donc indispensable. Les USA pourraient y
établir de nouvelles bases militaires, pour remplacer celles qu'ils risquent
de perdre en Arabie. Avec un tel régime, les USA pourraient contrebalancer
le poids régional de l'Arabie Saoudite. Ce pays est riche, mais 30 % de sa
population est aujourd'hui au chômage, et l'endettement de l'État est tel qu
'il ne peut plus jouer le rôle redistributeur qui assurait la paix sociale à
la monarchie. Une opposition islamique armée, violemment anti-américaine, y
est de plus en plus active. L'Iran va lui vers des changements politiques
importants qui pourraient lui permettre de jouer un rôle politique et
économique régional qu'il a perdu.
Enfin, il y a le pétrole, moins pour les approvisionnements à court terme,
que pour l'importance croissante qu'aura le pétrole du Golfe avec la
raréfaction des nouvelles découvertes et la monté de nouvelles puissances
consommatrices telles que la Chine, dont la production (en volume) devrait
dépasser celle de l'Europe avant la fin de la décennie.

Contre l'impérialisme américain et ses alliés
Non à cette guerre pour la domination et pour le contrôle des ressources.

GF